He 11, 27
Les utopies terrestres ont toujours reproché à l’eschatologie chrétienne son manque d’efficacité. L’espérance en l’au-delà rendrait les chrétiens inaptes à prendre leurs responsabilités terrestres. L’idée n’est pas neuve mais elle est encore très présente aujourd’hui.
Éternité ou responsabilité ?
La foi chrétienne, loin de nous distraire des réalités humaines, stimule chez le disciple du Christ le sens de la responsabilité envers le monde présent. En effet, la promesse de la vie éternelle, « loin d’affaiblir en nous le souci de cultiver cette terre, doit plutôt le réveiller : le corps de la nouvelle famille humaine y grandit, qui offre quelque ébauche du siècle à venir… » (Gaudium et Spes, 29) Dans son encyclique Caritas in Veritate, le Pape Benoît XVI rappelait que « sans la perspective d’une vie éternelle, le progrès humain demeure en ce monde privé de souffle. »
Si le risque de nous abstraire de ce monde en se réfugiant dans un au-delà imaginaire existe réellement, celui de construire notre vie ici-bas en oubliant notre vocation à l’éternité est tout aussi sérieux. C’est ce qui faisait affirmer à Henri de Lubac : « Vivre dans l’éternel et contempler les choses, autant qu’il nous est possible, du point de vue de l’éternité, ce n’est pas refuser de prendre partie en rien, ni s’élever d’une façon prétentieuse au-dessus de la mêlée. C’est au contraire se mettre au cœur du réel le plus réel, comme Dieu est au cœur de toute chose. »
Aimer aujourd’hui ou espérer pour demain ?
« Les cieux nouveaux et la terre nouvelle » dont parle l’Écriture ne sont pas un simple prolongement chronologique de ce que nous avons et faisons. Ils sont une consommation de l’histoire dans laquelle il y a, sous la primauté du don de Dieu, une place réelle pour la réponse et la liberté humaines. La vie terrestre est donc cet apprentissage de l’amour selon Dieu qui « forme dès maintenant, à travers la vie de ce monde, l’amour dont nous l’aimerons éternellement ».
Cet amour éternel et divin, qui illumine nos cœurs dès maintenant, est l’objet de notre espérance. Le Catéchisme de l’Église Catholique définit l’espérance en ce sens : « La vertu d’espérance répond à l’aspiration au bonheur placée par Dieu dans le cœur de tout homme ; elle assume les espoirs qui inspirent les activités des hommes ; elle les purifie pour les ordonner au Royaume des cieux ; elle protège du découragement ; elle soutient en tout délaissement ; elle dilate le cœur dans l’attente de la béatitude éternelle. L’élan de l’espérance préserve de l’égoïsme et conduit au bonheur de la charité. » (n. 1818)
Ainsi, cette espérance théologale qui nous fait désirer le Ciel, c’est-à-dire Dieu lui-même, loin de nous éloigner du présent, l’imprègne de sa charité, de cet amour qui seul ne passera pas.