Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« Au dimanche des Rameaux, nous avons accepté que le Christ vienne en nous avec Sa Passion comme Il est venu à Simon de Cyrène, pour L’y placer dans notre lieu de douleur et en faire un chemin de Vie. Cette transformation se fait grâce à la présence de Jésus, à Son toucher de tendresse, grâce à l’Amour qui L’a conduit à pousser Son Incarnation jusqu’à nous rencontrer pour venir nous prendre au fond d’une souffrance pleinement assumée par l’acceptation qu’Il fit de Ses douleurs. »

 

Avec Pierre laissons-nous éclairer par la Lumière de la Miséricorde…

En ce début de Triduum, tournons-nous vers Pierre qui va jalonner les dernières heures du Maître. À l’agonie, il était l’image du faux courage qui s’affiche dans la domination par le pouvoir des armes. Aujourd’hui, il nous représente dans sa vraie trahison, d’autant plus horrible qu’elle voisine avec l’institution de l’Eucharistie dont il ne saisit pas pleinement le sens : « Tu ne me laveras pas les pieds, jamais. »

Le jour de Pâques, il sera encore l’image de nos craintes, de nos tergiversations, bref de nos doutes. Regardons-le pour nous laisser purifier avec lui, pardonner comme lui, éclairer à sa suite par la Lumière du Christ.

« C’est un exemple que je vous donne… »

La liturgie du Jeudi Saint doit être vécue dans la ligne de ce que celle des Rameaux a initié. Nous remarquons facilement le lien qui les unit. Dimanche dernier, l’Église nous a fait entendre l’Hymne aux Philippiens : « Ayez en vous les sentiments qui furent dans le Christ Jésus. Lui qui était de condition divine… se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Il s’est abaissé lui-même… »

L’évangile du Lavement des pieds nous appelle aussi à imiter le Seigneur : « C’est un exemple que je vous donne afin que vous fassiez de même », un Seigneur qui « se dépouille de son vêtement » et « se met à laver les pieds de ses disciples », c’est-à-dire à exécuter la besogne du dernier des serviteurs d’une maison, celui qui n’avait même pas le droit au titre d’esclave !

« Je suis au milieu de vous comme celui qui sert. »

Dans les deux cas, nous est montré Jésus Serviteur de Dieu et des hommes. L’hymne aux Philippiens n’est donc que la transcription théologique chantant l’évènement en lequel le Christ a voulu résumer Sa vie afin que la mémoire des siens en soit à jamais marquée…

Ce geste accompli en pareil moment est un testament spirituel qui vaut tous les discours. Et ce testament nous transmet donc tout ce que fut la vie du Seigneur : un lavement des pieds permanent, un continuel service des hommes, une pro-existence, c’est-à-dire une existence vécue absolument et jusqu’au bout pour le bonheur des autres : « Je suis au milieu de vous comme celui qui sert. »

« Ô Mon Dieu, Tu es humilité !»

« Ô Mon Dieu, Tu es humilité !» s’écriait François d’Assise contemplant le Créateur à genoux devant Sa créature… C’est à la compréhension de cette humilité divine que le Seigneur invite Pierre. Afin qu’il puisse la partager avec Lui, et à sa suite, nous avec Lui : « Si je ne te lave pas tu n’auras pas de part avec moi. »

Car il ne suffit pas au Fils de nous révéler la grandeur du Très-Bas, pour reprendre l’expression du Poverello. Il nous demande d’inscrire désormais cette loi fondamentale dans notre cœur de disciples : « Vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. »

Jésus commande là le style de vie qui doit colorer tous les rapports humains, à commencer bien sûr par ceux qui sont investis d’une autorité quelconque dans la mission de l’Église, donc tous les baptisés ! Le Lavement des pieds est ainsi institué comme le sacrement de l’autorité chrétienne et dans le même temps, le sacrement de l’évangélisation ! Tel est le message que le Pape François nous donne depuis le début de son pontificat…

« Celui qui me mange vivra par moi ! »

C’est en revenant à cette Eucharistie nouvellement instituée par le Christ que nous trouverons la clé nous permettant d’ouvrir notre cœur à pareille humilité en elle-même impossible au vieil homme.

En effet, lorsque le Christ dit « Ceci est mon Corps », c’est toute Sa vie qui est présente dans ce Corps : Ses vertus, Sa force, Sa tendresse, Sa miséricorde, Son être-pasteur… Et lorsqu’Il dit « Ceci est mon Sang », c’est à Sa mort et à toutes les anticipations de Sa mort auxquelles Il nous renvoie : Sa faiblesse, Ses humiliations, Ses souffrances…

Aussi, lorsque le Seigneur nous invite à communier à Son Corps et à Son Sang, c’est en tous les instants de Sa vie qu’Il nous donne d’entrer pour en vivre, pour les vivre en nous ! Nous recevons par Son Corps Son obéissance amoureuse au Père jusqu’à l’extrême ; et avec Son Sang, c’est à Ses abaissements et à Sa mort comme dernier acte de vie que nous participons.

« Qu’ils soient un en nous comme nous sommes un. »

Nous y entrons en vérité dans la mesure où nous offrons en même temps notre corps et notre propre sang. Nous y entrons réellement dans la mesure où nous abandonnons à Dieu nos énergies, nos compétences, nos forces et nos affections ; mais aussi nos faiblesses, nos fragilités, nos diminutions, nos échecs et nos handicaps…

Alors, rien de Sa vie ni de Sa mort ne nous échappe et notre vie devient présence de la Sienne, notre mort devient prolongement de la Sienne… Nous sommes un avec Lui et donc un avec le Père, selon Son désir exprimé dans la prière sacerdotale : « Qu’ils soient un en nous comme nous sommes un. »

« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime. »

Entre le Père et le Fils, il y a unité. Entre le Fils et moi il doit y avoir unité. C’est là le désir le plus cher de Jésus. « Qui mange ma chair vivra par moi. ». La grâce eucharistique est à même de reproduire en moi l’unité de la vie du Fils qui se réalise au plus haut point dans la conjonction du don de Sa vie et du don de Sa mort : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime. »

Le signe de mon unité dans l’amour avec le Fils et avec le Père se manifestera dans ma capacité à laisser le Christ reproduire en moi, pour mes frères, l’humble service du Lavement des pieds. En effet, le Christ ne nous appelle pas forcément à mourir sur une croix. Tout est accompli en Son sacrifice. Mais Il nous demande de vivre, face aux frères, ce que ce sacrifice signifie et qui a été révélé par le Lavement des pieds.

« Faites ceci en mémoire de moi »

C’est le sens plénier du « Faites ceci en mémoire de moi » de l’institution eucharistique qui renvoie clairement à l’ordre de laver les pieds au frère en même temps qu’il commande de rendre présent à jamais le sacrifice du Corps et du Sang.

Je ne peux offrir Son Corps et Son Sang si en même temps que les Siens je ne présente pas les miens au Père.

Mais si je réalise cet offertoire, alors je communie à tous les instants de Sa vie et de Sa mort. Je communie à ce flux d’amour permanent et infini qui traverse Son existence entière et je peux, en Lui, déposer les vêtements de mon vieil homme, me mettre à genoux devant mon frère et assurer le service de la charité.

On comprend alors la vérité des paroles que l’Église nous fait chanter durant le Mandatum : « Là où est l’amour, Dieu est présent. »

Dans une fraternelle union de prière avec et pour chacun, pour nos défunts, pour les souffrants, les malades et tous les pauvres que la société laisse sur le bord du chemin ! Saint Triduum !

 

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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