Saint Martin et le déménagement du séminaire

Le 24 janvier 2016

Homélie prononcée lors des Assises 2015

Ce n’est une surprise pour personne, la Communauté saint Martin a pris la décision de déménager à Evron. Nous avons été sensibles pendant ces longs mois de réflexion et d’investigation aux signes réels de la Providence divine. Je vois en particulier dans ce déménagement trois signes à vivre plus profondément sur les traces de saint Martin, à vivre la spiritualité martinienne.

Evron est une terre monastique, une terre de vie intérieure. Selon la légende de l’Épine, Saint Hadouin, évêque du Mans, fonda le premier monastère au VIIe siècle qui devint un centre de pèlerinage et une abbaye bénédictine. Comment ne pas y voir une similitude avec Marmoutier où S. Martin vivait une vie intense de prière. Sulpice Sévère écrit qu’après son ordination épiscopale, Martin, « pendant quelque temps, logea dans une cellule attenante à l’église. Puis, comme il ne pouvait supporter le dérangement que lui causaient ses visiteurs, il aménagea pour lui une cellule de moine à deux milles environ en dehors de la cité. » Marmoutier est né alors… Oui, qu’en quittant le château de Candé pour l’abbaye d’Evron, S. Martin ait voulu nous préserver de la tentation qu’on appelle aujourd’hui l’activisme. Pour Martin, Marmoutier a été non seulement son havre de silence et de contemplation, mais le canalisateur de son zèle pastoral. Je vois dans ce retour à une terre monastique, non pas un retour à une vie « plus religieuse », rassurez-vous mes frères !, mais un appel à nous enraciner dans une vie contemplative plus profonde, à une vie intérieure à la suite du Christ qui « le jour prêchait, et priait la nuit ». Jésus a acquis ses disciples de Dieu. Nous ne pouvons pas gagner les hommes au Christ, par nous-mêmes, par nos méthodes pastorales. Nous devons les obtenir de Dieu. Toutes les méthodes sont vides sans le fondement de la prière. La Parole de l’annonce doit baigner dans une intense vie de prière. C’est là, et seulement là qu’elle trouve sa fécondité apostolique.

Evron est une terre de charité envers les pauvres. Les Sœurs de la Charité de Notre-Dame d’Evron sont issues d’une première Société de fille charitables fondée en 1682, par une femme généreuse et courageuse qui s’inscrivait dans le sillage de Saint Vincent de Paul, Perrine Thulard. Les femmes qu’elle rassembla alors désiraient donner leur vie « pour instruire et élever chrétiennement les jeunes filles confiées à leurs soins ». Et, après la classe, elles allaient « visiter les pauvres malades, et les assister pendant le cours de leurs maladies, en leur rendant les services dont elles étaient capables. » C’est cette société qui s’installa en 1803 dans l’abbaye d’Évron. Comment ne pas y voir un rappel saisissant de la charité exemplaire de saint Martin : charité du pauvre d’Amiens et de Tours, mais aussi charité du service de la vérité. Marmoutier a été un important centre d’évangélisation. A partir de ce lieu, Martin n’a cessé de donner ce dont les hommes ont tant besoin : la vérité de la foi. A partir de ce lieu, saint Martin a combattu le culte des idoles qui, semble-t-il, pullulaient dans la région. Ce culte devait être terriblement oppressant. Impossible, en effet, d’espérer comprendre un dieu irrationnel, impossible de compter sur la miséricorde d’un dieu sans cœur. Evron nous appelle tous à vivre l’urgence de la charité sous toutes ces formes. Dans sa lettre apostolique Au début du Nouvel millénaire, le Bhx Jean-Paul II écrivait : « Beaucoup de choses, même dans le nouveau siècle, seront nécessaires pour le cheminement historique de l’Église; mais si la charité (l’agapè), fait défaut, tout sera inutile… C’est l’heure d’une nouvelle « imagination de la charité », qui se déploierait non seulement à travers les secours prodigués avec efficacité, mais aussi dans la capacité de se faire proche, d’être solidaire de ceux qui souffrent, de manière que le geste d’aide soit ressenti non comme une aumône humiliante, mais comme un partage fraternel… Pour cela, nous devons faire en sorte que, dans toutes les communautés chrétiennes – et donc à la CSM !– , les pauvres se sentent « chez eux ». Ce style ne serait-il pas la présentation la plus grande et la plus efficace de la bonne nouvelle du Royaume? Sans cette forme d’évangélisation, accomplie au moyen de la charité et du témoignage de la pauvreté chrétienne, l’annonce de l’Évangile, qui demeure la première des charités, risque d’être incomprise ou de se noyer dans un flot de paroles auquel la société actuelle de la communication nous expose quotidiennement. La charité des œuvres donne une force incomparable à la charité des mots

Oui, nous devons accepter de perdre quelque chose, surtout de nous perdre nous-mêmes pour le Royaume. Ce déménagement est un appel dès maintenant, à nous bouger intérieurement, à nous convertir. Vivons comme Martin, la spiritualité de l’exode, lui qui fut un grand itinérant pour le Royaume.

Je souhaite vraiment que ce changement soit pour chacun de nous l’occasion d’une plus grande générosité vis-à-vis du Seigneur et d’un nouvel élan missionnaire. Nous ne déménageons pas pour nous installer plus confortablement, ni pour flatter notre goût du changement, mais pour être toujours mieux au service de l’Eglise.

Ce nouveau départ sera l’occasion d’un détachement, mais vivons-le comme un appel à entrer dans une spiritualité de la confiance et de la disponibilité totale à Celui qui nous conduit et dont la présence nous est assurée jusqu’à la fin des temps (Mt 28, 20).

Don Paul PREAUX
Homélie prononcée lors des Assises 2015

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Biographie

Jean-François Guérin

Jean-François Guérin naquit à Loches au cœur de la Touraine le 25 juillet 1929 d’Albert Guérin et de Camille Linard, charcutiers dans cette ville ; il fut baptisé le 9 mars 1930 dans la collégiale Saint-Ours sous le prénom de Jean. Ses deux parents sont originaires d’Artannes-sur-Indre où il suivit sa première scolarité, dans une famille qui n’était pas particulièrement marquée par la foi.

Installé chez sa mère à Paris, il s’ouvrit de sa vocation à un prêtre de Versailles. C’est pourquoi, contre l’avis de sa famille, il entra au séminaire de Versailles, en 1949, à vingt ans. Les premières années de sa formation furant vraiment fondatrices pour lui, marquées par la forte spiritualité sacerdotale enseignée par les formateurs sulpiciens. Ces années furent coupées par son temps de service militaire en Tunisie et marquées par le décès de son père. Premier tournant dans son itinéraire : il décida de quitter Versailles pour revenir à Tours, puis il intégra le Séminaire français de Rome et, le 29 juin 1955, il fut ordonné prêtre en la cathédrale Saint-Gatien par Mgr Gaillard.

D’abord vicaire à la cathédrale de Tours, il fut nommé aumônier des lycées Descartes, Balzac et Grandmont à Tours où sa santé souffre un peu de l’intensité de son engagement auprès des jeunes. Souvent il les emmena à Fontgombault, une abbaye bénédictine qui eut une importance centrale dans sa vie et son sacerdoce : il en devint oblat en 1961. Quittant Tours, il fut envoyé à Paris pour des études de droit canonique, qu’il commença en 1965.  Pendant ces études, il était aussi confesseur à la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, où il fut inspiré par les intuitions ecclésiales et missionnaires de Monseigneur Charles, recteur de la Basilique, avec lequel se créa une amitié. Les études terminées, il devint délégué général de l’Œuvre d’Orient en 1968 et garda cette charge, qui consistait à recueillir des fonds pour aider les écoles, dispensaires et œuvres caritatives dans les paroisses de toute la France, jusqu’en 1975.

À Paris, son ministère se déployait entre l’œuvre d’Orient, la mission de chapelain au Sacré Cœur et un ministère qui se dessina peu à peu auprès d’étudiants, hommes et femmes, qui le rejoignirent bientôt pour une heure d’adoration silencieuse mensuelle, à Montmartre. De ce silence, naquit l’idée d’une messe hebdomadaire en 1968. Elle est célébrée à la chapelle du Bon Secours, rue Notre-Dame-des-Champs, chapelle toute proche des bureaux de l’Œuvre d’Orient. L’abbé Guérin entendait donner à ces jeunes gens une solide formation centrée sur la vie intérieure, la vie sacramentelle, sur le discernement des vocations, mariage, sacerdoce, vie religieuse. Son action apostolique auprès de ce groupe comprendra aussi des camps – un mélange entre retraite et vacances, ce qui donna naissance aux futurs « Routes Saint-Martin ». Mais dans le temps de la réforme liturgique, il leur transmit aussi sa docilité envers les décisions du Concile et du Pape, face à certains qui ne veulent rien entendre sur le nouveau missel promulgué par le Pape Paul VI.

Proche des moines bénédictins de Fontgombault et des Sœurs Servantes des Pauvres, l’abbé Guérin accompagna des jeunes vers des vocations religieuses, contemplatives et apostoliques. Mais, plusieurs jeunes gens lui partagèrent leur désir de devenir prêtres diocésains. En février 1976, le cardinal Siri, archevêque de Gênes et Dom Jean Roy, Père Abbé de Fontgombault, se rencontrèrent à Rome où ce dernier demanda au cardinal s’il est possible d’accueillir des amis français à Gênes. L’accord fut immédiat : les études au séminaire seraient gratuites et un couvent capucin situé à dix-sept kilomètres du centre-ville serait mis à leur disposition. C’est alors que le 1er novembre 1976, commença la Communauté Saint-Martin par un cours intensif en italien ; suivirent les travaux à entreprendre au couvent de Voltri qui est en très mauvais état. Les années italiennes furent celles de la fondation, avec l’appui constant du cardinal Giuseppe Siri, qui, à sa démission, nomma l’abbé Guérin chanoine d’honneur de sa cathédrale.

L’année 1993 fut celui du retour en France, pour les membres de la Communauté. Aidé par les premiers membres, l’abbé Guérin guida cette installation à Candé-sur-Beuvron, dans le diocèse de Blois. Ce furent des années plus difficiles, marquées par différents problèmes de santé. L’abbé Guérin fut de plus en plus secondé. En février 2004, il présenta sa démission. Demeuré à Candé, il fut rappelé à Dieu le 21 mai 2005. Après ses obsèques à la cathédrale Saint-Louis de Blois, il fut inhumé au cimetière d’Artannes-sur-Indre, son village natal.

Le 18 juillet 2024, un communiqué faisant état des conclusions du rapport de la visite pastorale a révélé des faits reprochés par plusieurs anciens membres de la communauté à l’abbé Guérin. Nous entendons avec douleur la souffrance que certains ont pu exprimer auprès des visiteurs et allons effectuer courageusement ce travail de relecture qui permettra de faire évoluer cette page. Afin de recueillir la parole des personnes qui souhaiteraient se manifester, vous pouvez contacter, au nom de Mgr Matthieu Dupont qui a été nommé assistant apostolique de la communauté, la Cellule d’écoute des diocèses des Pays-de-Loire à l’adresse suivante : paroledevictimespaysdeloire@gmail.com

Biographie

Don Paul Préaux

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Don Paul Préaux, né le 6 octobre 1964 à Laval (Mayenne), rentre au séminaire de la Communauté Saint-Martin alors installée à Voltri (diocèse de Gênes, Italie) en 1982. Il est ordonné diacre en avril 1988 à Saint Raphaël (Var) par le cardinal Siri et obtient son baccalauréat de philosophie et de théologie. L’année suivante, le 4 juillet, il est ordonné prêtre à Gênes par le cardinal Canestri.

En 1990, don Paul obtient une licence canonique de théologie dogmatique à Fribourg (Suisse) et devient responsable de la maison de formation de Voltri. Il est envoyé à Rome en 1992 pour l’année d’habilitation au doctorat et commence ensuite sa thèse.

Nommé, en 1995, chapelain au sanctuaire de Notre-Dame de Montligeon (Orne), il devient recteur de ce sanctuaire consacré à la prière pour les défunts, charge qu’il occupera jusqu’à son élection comme Modérateur général de la Communauté Saint-Martin. Pendant cette période, don Paul est également membre du conseil presbytéral du diocèse de Sées pendant six ans et secrétaire du même conseil pendant 3 ans.

Docteur en théologie en 2005, don Paul est l’auteur d’une thèse sur Les fondements ecclésiologiques du Presbytérium selon le concile Vatican II et la théologie post-conciliaire. Enseignant la théologie dogmatique à l’École de théologie de la Communauté, depuis 1993, il intervient également dans différents lieux d’enseignement, comme le Centre d’études théologiques de Caen. Il est également sollicité pour prêcher des retraites et intervenir dans différents diocèses et communautés, notamment des thèmes de la spiritualité sacerdotale et de l’espérance chrétienne, sur lesquels il a publié des ouvrages.  Renvoi à la page de ses publications.

Le 26 avril 2010, don Paul Préaux est élu Modérateur général de la Communauté Saint-Martin et réélu en 2016 à cette charge pour un nouveau mandat de six ans. Il est à nouveau élu à cette charge en 2022 pour un dernier mandat.