Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« BENI L’HOMME DONT LE SEIGNEUR EST L’ESPOIR ! »

Lectio divina pour le 6ème Dimanche Ordinaire Année C
Jér. 17,5-8 1Co. 15, 12…20 Lc 6, 17…26

La Collecte, nous donne, une fois de plus, la clé de portée pour poser sur les lignes de solfège les notes intérieures que la Parole de Dieu pour ce dimanche fait résonner en nos cœurs : « Dieu qui veux habiter les cœurs droits et sincères, donne-nous de vivre selon ta grâce, alors tu pourras venir en nous pour y faire ta demeure. »

Dieu veut donc habiter en nous. Lorsque les apôtres entendirent cette promesse de Jésus que Lui-même viendrait en tous ceux qui L’aimaient, cette parole résonna de manière ‘in-ouïe’, c’est-à-dire jusque-là jamais entendue, puisque c’était la réalisation enfin prochaine de la prophétie annonçant que Dieu enverrait Son Esprit dans le cœur des hommes pour leur permettre de vivre selon Sa loi : l’Amour !

Dieu continue à se faire homme…

Qu’est-ce que l’Église entend nous dire lorsqu’à la suite d’Ézéchiel et du Christ, elle affirme que Dieu désire habiter les cœurs droits et sincères ? Elle veut dire que, Dieu étant le Dieu non des morts mais des vivants, la réalisation de notre vie en plénitude devient possible. Cela signifie que le Seigneur ne nous promet pas à la mort. Cela exprime également qu’Il ne prend pas seul en charge l’accomplissement de notre vie. Car si c’était le cas, ce ne serait plus notre vie, mais celle d’un autre, fut-elle la Sienne !

En habitant chez nous, le Christ nous annonce la poursuite du mystère de l’Incarnation. Dieu, en envoyant Son Fils, Lui a déjà donné d’habiter un homme. C’est ce mystère qui est appelé à se poursuivre en chacun et chacune d’entre nous. Dieu continuera à se faire homme. Cette inhabitation, qui est ouverte à tous les hommes, se fera par Son Esprit. C’est l’annonce du don de l’Esprit de Dieu que prophétisait Ézéchiel.

« Je vous donnerai un autre Consolateur qui sera toujours avec vous… »

Jésus le dira dans l’évangile de Jean : « Je vous donnerai un autre Consolateur (un aide, un défenseur…) qui sera toujours avec vous, et même en vous, mais qui sera toujours aussi à côté de vous. » Il sera aussi intérieur à vous-même que votre âme tout en maintenant la distance qui vous laissera libres de répondre ou non à Ses motions.

Cette précision est d’une importance capitale pour saisir exactement le projet de Dieu sur Ses enfants. Grâce à l’Esprit, nous devenons capables de vivre « selon ses lois », mais en faisant des choix qui sont totalement nôtres, bien qu’ils soient posés dans la lumière et l’énergie de l’Esprit. D’où l’incise de la Collecte précisant que nous avons besoin du Don pour vivre selon Sa grâce. C’est ce que nous rappelle également la première lecture : « Béni soit l’homme qui met sa confiance dans le Seigneur. »

« La gloire de Dieu, c’est bien l’homme vivant »

Le Don de l’Amour de Dieu peut seul nous rendre aptes à « comprendre quelle est la volonté de Dieu » : que nous vivions !

De même, Lui seul peut nous rendre aptes à comprendre « ce qui est parfait » : que nous accomplissions notre vie dans la plénitude de la Sienne qu’Il nous transfuse chaque fois que nous le Lui demandons. Je vous cite là l’épître aux Romains.

Nous avons du mal à voir en Dieu l’origine de notre vie ; nous avons encore plus de mal à saisir que «la gloire de Dieu, c’est bien l’homme vivant » comme écrivait Saint Irénée ! Pourtant la promesse de bénédiction que fait Jérémie exprime bien cette espérance de vie qui n’en finit pas, qui est comme explosive, débordante, sans limites…

Non pas seulement parce qu’il s’agirait de la Vie éternelle. Mais parce qu’il s’agit déjà de la vie d’ici-bas. Une vie bien concrète, faite de fruit, de nourriture et de désaltération, de temps et de beauté : « Il sera comme un arbre planté au bord des eaux ; il ne craindra pas la chaleur et son feuillage restera vert, portant du fruit… » (Psaume 1)

Cette vision d’une vie de plénitude est chantée par le premier des psaumes qui est comme le seuil de la louange, de la prière, de la relation intime de Dieu avec l’âme qui implore ou remercie.

« Choisis la vie !… »

C’est dire que la vie qui nous est proposée est bien d’abord celle que Dieu nous donne de vivre ici-bas en la vivant en nous, avec nous et à côté de nous.

« Choisis la vie !» nous exhortait déjà Dieu dans le Deutéronome pour nous inciter à croire que Son seul but est de nous donner ce qu’Il possède en plénitude : la Vie, la Sienne !

La Résurrection du Christ prend tout son sens à la lumière de cette réflexion. Comme le précise Paul dans la deuxième lecture : « Le Christ est ressuscité d’entre les morts, pour être parmi les morts (nous) le premier ressuscité » et donc le principe intérieur de notre résurrection, de notre vie partagée avec le Père, une Vie « en sa présence, dans la sainteté et l’amour » écrira-t-il aux Éphésiens.

« Heureux êtes-vous… »

Lisant les Béatitudes sous cet éclairage, nous comprenons alors combien elles sont un appel à la vie pleine et entière, débordante et sans mesure, comme le prouve le fait qu’elles sont un appel à la joie : « Heureux êtes-vous… » !

S’il nous est contraignant de penser que Dieu désire que nous vivions, il nous est encore plus ardu de croire que Dieu désire notre joie ! Marquée depuis trois siècles par la vision moralisante janséniste, la spiritualité chrétienne a rompu depuis avec ses sources traditionnelles primitives, à commencer par l’évangile qui est un appel permanent à la joie.

Non seulement dans ce discours de la montagne qui est, comme le psaume 1er un discours inaugural chargé de colorer tous les enseignements du Sauveur, mais encore dans bien d’autres passages de l’évangile : « Heureux êtes-vous si vous le faites… », « Bienheureux plus encore celui qui garde ma parole… »

Jusqu’au don que Jésus fait Lui-même de Sa joie : « Je vous ai dit tout cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite. »

« Tressaillez de joie… »

Nous en concluons que la joie de l’homme est le bien recherché par Jésus pour nous.

Nous en déduisons également que notre joie est liée à celle que Jésus possède. Plus exactement, elle est liée à notre relation à Jésus qui est Joie : « Jésus exulta en Son esprit… » rapporte l’évangéliste.

Enfin nous comprenons que notre joie est dynamique, qu’elle est un voyage, une entreprise à par-faire

Tout se tient. La joie est réalisation de soi, découverte de son identité profonde, puissance d’exister. Elle assume donc et nos moments de bonheur et nos souffrances qui ne doivent pas être refoulées de notre vie, mais converties en passerelles vers un développement entier de soi, y compris dans les limites de cette nature humaine que nous avons vocation d’achever.

Et ceci ne peut advenir que dans la transfusion que Jésus opère de Sa vie parfaite en la nôtre par Son Esprit.

Encore une fois, l’Esprit ne nous oblige pas ; Il nous fait entrer dans une relation substantielle avec le Seigneur de la Vie ! D’où la précision : « …à cause de mon Nom. »

C’est cette relation unique au monde, et elle seule, qui peut faire sauter de joie, exulter, tressaillir… Comme le Baptiste mis en relation avec Jésus à la Visitation. C’est d’ailleurs le même mot qui est employé par Luc.

« La plénitude de la Loi, c’est l’amour. »

Nous devenons vitalement reliés à l’Autre et donc aux autres que le Christ a assumés. Nous devenons consciemment et librement des êtres-pour, des êtres de don, comme Lui, des êtres d’amour ne s’accomplissant que dans la pro-existence comme aimait à dire St. Jean Paul II.

L’existence, n’est-elle pas d’ailleurs une ex-sistence, c’est-à-dire une posture tournée vers l’autre, ainsi que le précisait Benoît XVI dans ses enseignements ?

C’est pourquoi Paul disait que « la plénitude de la Loi, c’est l’amour. »

Ce qui fera écrire à saint Thomas que la Loi nouvelle, c’est l’Esprit Lui-même.

Nous remarquons d’ailleurs que chaque béatitude met l’homme en relation. D’abord avec Dieu en tant qu’Il est provident de Son être le plus substantiel. Puis avec ses frères dans les circonstances que la vie lui présente : relation de justice, de miséricorde et de paix…

Les béatitudes chantent ainsi que la joie est le fruit d’une inclusion réciproque entre l’homme et son Dieu, entre l’homme et ses frères.

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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