Comment les séminaristes vivent-il le confinement ?
Mardi 15 avril 2020
Depuis le 17 mars dernier, les séminaristes de la Communauté Saint-Martin sont confinés, pour une partie intra muros à Evron (Mayenne), pour une autre dispersés en petites communautés ou dans leurs familles. Malgré cette décision inédite, prise par la plupart des séminaires à travers le monde, la vie d’étude et de prière continue. L’expérience de la vie communautaire est différente, parfois difficile, mais riche d’une forte communion fraternelle.
« Tous, nous resterons unis dans la foi de façon particulière, par la vie de prière et l’étude, dans ce temps qui demeure celui du Carême », écrivait don Paul Préaux, modérateur général, dans un communiqué annonçant cette mesure exceptionnelle dans l’histoire de la communauté. Très vite, des mesures concrètes ont été prises pour que chacun puisse poursuivre la vie d’étude et garder le lien de la communion fraternelle.
A Evron, ce sont les 27 étudiants en 6ème année qui sont restés sur place, avec 3 séminaristes étrangers et les 8 prêtres formateurs. Ces derniers s’attèlent chaque jour depuis le début du confinement, à maintenir le rythme de la formation, à donner des cours en visioconférence, à prendre des nouvelles de chacun, à avoir des entretiens réguliers individuels ou par promotion…
Passer ainsi de 120 à 40 a nécessité une réadaptation de la vie quotidienne. Pour Paul-Alexandre, « cela demande à chacun d’être vraiment un soutien pour l’autre et un moteur dans tous les aspects de la vie commune ». Chamboulement des horaires, nouvelle organisation… Rapidement, un nouveau rythme s’est installé pour profiter pleinement de cette période, entre vie de prière, vie communautaire et volontariat auprès d’associations locales qui œuvrent auprès des personnes fragiles de la région.
Hors les murs, l’expérience est différente pour les 80 autres séminaristes partis rejoindre individuellement leurs familles ou en petits groupes des lieux mis à leur disposition. L’adaptation a été plus compliquée, en particulier pour ceux se retrouvant en famille, devant arriver à trouver un équilibre entre les cours, la vie de prière et la vie de famille. Mais certainement aussi une expérience humaine et spirituelle très forte. « Ma vie de confinement est un retour au strict essentiel, au quotidien de base simple et dépouillé, explique Fenitra, séminariste en 5ème année retranché du côté de Tarbes, dans une solitude quasi totale. Se recentrer sur Dieu, sur l’amitié avec Lui pour remplir la journée qui serait très vite monotone et répétitive. Je grandis dans cette verticalité et cette transcendance, dans une relation plus directe et plus concrète avec Lui. Seule cette relation donne un sens à mes journées sans échappatoires.»
Grâce à l’attention redoublée des formateurs, la vie de ces séminaristes est rythmée chaque jour par les offices, l’adoration et les cours en direct du séminaire. Les liens entre eux se renforcent ainsi mystérieusement malgré la distance. Les « grands frères » restés au séminaire sont attentifs à maintenir cette vie de communion, comme le rappelle Paul-Alexandre. « Nous nous appelons les uns les autres, nous partageons beaucoup les nouvelles reçues, il y a une vraie attention à tous les frères qui sont dispersés, et la volonté ferme de maintenir ce lien communautaire et fraternel. Les échanges téléphoniques sont l’occasion de nous soutenir, de partager ce que nous vivons, de nous encourager à la fidélité dans cette drôle de période. Paradoxalement, ces attentions téléphoniques permettent souvent de vivre une belle expérience fraternelle et des échanges vrais, sans superficialité. »
Le rythme du carême, qui fait entrer le séminaire dans un plus grand silence et la recherche d’une solitude vécue avec Dieu, s’est intensifié dans ce confinement imposé. Finalement, « c’est là une opportunité qui nous est donnée pour chercher Dieu de façon plus forte, confirme Fenitra. C’est Lui qui me permet de traverser ma solitude. Ce pourrait être seulement un temps angoissant, ou de fuite facile dans Internet et la télévision…. Mais ma relation au Christ dans la prière, la communion des saints, le lien avec les frères du séminaire m’aident à vivre cette situation et à grandir dans la foi. » Un isolement qui rend également plus forte encore la compassion pour les personnes qui souffrent, et « incite à porter un regard d’espérance autour de soi. »
« Le Seigneur ne va-t-il pas profiter de cette période de silence forcé pour venir visiter le cœur de ceux qui se laisseront toucher ?, se questionne Paul-Alexandre. Le drame que nous vivons ne pourrait-il pas être un déclencheur pour les jeunes, et les mener à orienter leur vie pour lui donner un sens vrai et profond ? Notre société aussi pourrait prendre de nouvelles orientations après avoir expérimenté que bien des choses sont, pour une part, superflues. Finalement le Seigneur nous parle certainement dans ce moment douloureux, sachons L’écouter ! »