Comment vivre l’instant présent dans la prière ?

Regard d’un psychiatre : petite histoire pour un grand sujet

Voici la règle qui est proposée à un patient lorsqu’il est invité à entreprendre, avec son analyste, le travail qu’implique ce type de thérapie : « Vous allez devoir parler étendu à un interlocuteur dérobé (expression que l’on doit à André Green). Il est important que vous laissiez venir tout ce qui vous vient à l’esprit, sans rien omettre. Ce que vous ressentez, ce que vous pensez… peut être même une image… »

Freud, pour inviter à la règle fondamentale de libre association de pensée par la parole, faisait la comparaison suivante : « C’est comme si vous étiez à la fenêtre d’un train et que, regardant sans le voir le paysage, vous laissiez vagabonder votre esprit… Faites ainsi et parlez… »

Ce petit détour par un des éléments du cadre de la psychanalyse me permet de relever quelques signifiants qui, à mes yeux, ne sont pas étrangers à l’exercice spirituel de la prière, et peut-être même plus simplement de la parole adressée à un interlocuteur :

« Étendu »

Eh oui, cette affaire ne se passe pas dressé ! Il faut être couché, accepter d’être en position de faiblesse. Peut-être pas dans l’humus, mais cependant dépourvu de sa cuirasse. Il faut prendre position non pour dormir, mais pour être éveillé au lâcher-prise. C’est ainsi que peut se vivre l’instant présent.

« Interlocuteur dérobé »

Bien sûr le Dieu de Jésus-Christ ne s’est pas dérobé à notre histoire. Il est là et bien là ; et pourtant on ne le voit pas. Il faut donc, nécessairement, le savoir pleinement présent, le sentir, lui faire confiance, le percevoir, l’entrevoir… Peut-être même parfois saisir sa voix et l’entendre comme événement (cf. Alain Badiou : « J’appelle événement le moment ou l’on parvient à déplacer l’impossible, à changer le réel. »).

« Comme si vous étiez à la fenêtre d’un train…et que vous laissiez vagabonder votre esprit. »

Il ne s’agit pas ici d’une invitation à fuir dans un ailleurs parce que le réel dérange. Non, le réel est déjà entendu et admis par les conditions qui précèdent. Si ce n’est pas une fuite, c’est donc au contraire à une centration, à une incarnation que le sujet est appelé. Cela suppose non pas une partie de soi (l’intellect, ou l’imaginaire, ou le corps) mais le tout soi avec le tout autre.

Vous aurez compris qu’emprunter ce sentier détourné du cadre de la psychanalyse m’aura servi de métaphore non pour donner une recette, mais pour inviter à une posture qui dépasse, et de loin, la relation thérapeutique.

Docteur Jean-Marie de Sinety, psychiatre

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