Si. 3, 2-14 Col. 3, 12-2 Mt. 2, 13-23.
« Rendons grâce pour ce bien qui est en l’autre ! »
Je vous rappelle que la grand-messe curiale est traditionnellement offerte chaque dimanche pour le peuple paroissial. Et aujourd’hui particulièrement, elle est offerte pour vos familles, pour vos vivants, pour vos défunts, pour les familles qui souffrent, pour les familles séparées, pour tous ceux qui au cours de leur vie ont eu à subir des épreuves familiales.
« Donne-nous d’être unis par les liens de Ton Amour… »
L’Église n’est pas égoïste, bien sûr, et chaque fois qu’elle nous révèle et nous dévoile un aspect de la vie de Dieu, que ce soit en Lui-même dans Sa Trinité ou que ce soit dans Son « histoire », dans l’Incarnation, elle veut toujours nous faire profiter de cet « état divin », des vertus divines et en particulier de la sainteté pacifiante de Dieu.
Et après nous avoir montré dimanche dernier, Marie, Joseph, Jésus, dans cette paix de Noël (au-delà de la pauvreté, du froid), elle veut faire participer la famille humaine, « l’ecclesia », la communauté des enfants de Dieu à cet état de sainteté pacifiante que la Sainte Famille a vécu, de manière très simple, très cachée, comme tout ce qui regarde la sainteté d’ailleurs !Et, c’est pour cela que dans la première oraison de notre Messe, elle nous fait demander de pratiquer les vertus familiales qui furent celles de Joseph le père putatif, de Marie la mère que nous célébrerons bientôt de son plus grand titre glorieux, la Theotokos, la Mère de Dieu, et du tout petit Jésus.
« Deviens ce que tu es » !
Mais de quelles vertus familiales s’agit-il ?
Les vertus familiales pratiquées par Joseph, Marie et Jésus sont tout simplement les vertus que l’éthique découvre comme étant la voie royale de l’épanouissement de l’homme. L’éthique, c’est la science des mœurs, ce qui à la lumière de la raison naturelle, est découvert lorsque l’homme réfléchit sur ce qu’il est, sur sa nature. C’est une science normative.
Nous nous souvenons de ce poète grec qui lançait à ses contemporains l’ordre de la vie : « Deviens ce que tu es »: vis en fonction de ton être. Mais cette éthique qui nous dévoile les lois intérieures, (ces lois qui devraient être pour nous instinctives mais qui malheureusement ne le sont plus), est éclairée par une lumière nouvelle qui est le regard de Dieu, Celui qui sonde les reins et scrute le cœur puisqu’Il est le Créateur, qui connaît parfaitement les réalités du monde, le sens des choses…
Et ce regard de Dieu doit nous donner une profondeur, une vérité spirituelle sur les lois établies par cette science des mœurs humaines que l’on appelle l’éthique.
Nous revoyons en tant que chrétiens, la morale (pas au sens péjoratif de la casuistique de ce qu’il faut faire et de ce qu’il ne faut pas faire !) dans son sens le plus noble, c’est-à-dire l’ensemble de l’agir tel qu’il découle de l’être humain, à la lumière de l’évangile qui est le vase si précieux contenant la vérité.
Le respect de la vie, avant toute chose !
Dans la première lecture nous sont rappelés ces principes naturels des vertus familiales. En particulier, le respect que l’enfant doit porter à ses parents.
Nous entendons de-ci, de-là, dans notre monde moderne, des plaintes des reproches, des constatations pleines de tristesse de la part de ces vieux parents qui sont si souvent abandonnés par leur progéniture. Mais comment voulez-vous que les enfants respectent les vieux (normalement pleins de sagesse !) si ces parents-là n’ont pas respecté l’enfant ?!
A une époque où la femme est libre de son corps et souveraine de la vie qu’elle porte, au point de ne pas respecter la vie de l’enfant, comment voulez-vous que les enfants respectent ensuite les parents ? La première des vertus familiales, c’est le respect de la vie. Non seulement, dans la gestation intérieure qui donne tout le sens à la vie de la femme, à sa physiologie, mais dans le respect de l’éducation de celui à qui on a donné la vie.
L’éducation, c’est « ex-ducere », « conduire hors », de cet état d’ignorance qu’est l’enfance pour donner, re-donner naissance non plus à un enfant, mais à un homme, à une femme, dignes de ce nom, et ce n’est pas facile ! Ce premier devoir des parents : une attention de tous les instants pour faire sortir non plus du sein maternel, mais de l’état d’enfance et faire parvenir à l’âge adulte dans toute la dimension de l’homme, c’est-à-dire intellectuelle, cordiale, spirituelle, ceux auxquels ils ont heureusement donné la vie ! C’est un véritable ‘sacerdoce’.
Et en retour, l’enfant se doit de rendre ce qu’il a reçu des parents, c’est la vertu de justice, donc rendre à la mère et au père qui descendent doucement vers le crépuscule de la vie, ce qu’il a reçu. Mais c’est impossible, on ne peut pas rendre la vie ! C’est pour cela que l’on ne parle pas de vertu de justice qui exige une égalité stricte entre ce que je reçois, et ce que je rends, mais on parle de piété filiale.
La piété filiale, c’est ce que l’enfant rend à son vieux père et à sa vieille maman, pour les honorer, les remercier de tout ce qu’il a reçu. Et la première lecture nous parle même de miséricorde, c’est-à-dire de l’ouverture du cœur de l’enfant devenu grand, pour accepter les misères des vieux parents qui sont des misères absolument naturelles, normales : les misères de lavieillesse.
« Tout doit être fait et dit au nom du Christ. »
Voilà donc déjà les principes premiers de l’éthique. Face à eux, nous pourrions nous poser la question : est-ce que j’ai conscience de cette loi qui est absolument naturelle, de remercier celle qui m’a donné la vie, celui qui m’a conçu, en donnant de ma vie, de mon cœur, de mon temps ?
Et Saint Paul va plus loin. Pour nous qui avons été choisis par Dieu, – ce n’est pas un titre de vanité, c’est un titre de gloire ! – ces principes moraux ne sont en eux-mêmes plus suffisants, par rapport à la plénitude de la Révélation que Dieu a faite par Son Fils. Le Christ révèle l’homme à l’homme. Nous avons, nous, chrétiens, un » plus » extraordinaire dans la personne de Jésus, qui est notre modèle comme notre moyen, notre viatique. Saint Paul ne lésine pas : « Tout doit être fait et dit au nom du Christ. »
Alors, est-ce que dans nos foyers chrétiens, tout est dit, tout est fait au nom du Christ ? Ce n’est pas évident ! Le dimanche encore, peut-être, durant l’heure de la Messe ? Mais ensuite ?
Cette éducation dont je parlais, ces respects mutuels, cette piété filiale, cette communion amoureuse entre le père et le fils, entre la mère et l’enfant, qu’en est-il ? Est-ce que nous regardons notre cellule familiale avec le regard que le Christ porte sur elle, c’est-à-dire en toute vérité ? Est-ce que nous aimons les membres de notre cellule familiale avec l’Amour que le Christ porte à ces mêmes membres, c’est-à-dire pour le bien de l’autre ?
Voilà les questions que nous devons nous poser ! Notre religion est une religion absolument personnelle ; c’est un contact intime et unique entre mon Dieu et mon âme, mais dont l’application, le vécu, se présentent immédiatement avec mon plus proche prochain : mon enfant, mon père, ma mère, ma femme…
Et donc voilà les questions que nous devons nous poser avant d’agir ou de parler : quel est le regard que le Christ porte sur mon enfant ? Que veut-Il pour mon conjoint ? Quel est le plan de Dieu sur ma femme ou sur mon mari, sur mon enfant handicapé, sur mon enfant dévoyé, sur mon enfant qui a une vocation, sur mon enfant que je ne comprends pas ? Quel est le regard que le Christ porte ? Quel est le bien concret, précis que Dieu souhaite pour tel ou tel membre de ma famille dont je suis responsable ?
« Supportez-vous et pardonnez-vous ! »
Toutes ces questions ont des réponses, et ces réponses, vous les trouverez dans la Parole de Dieu. Certainement pas comme des formules toutes faites, mais comme cette lumière, cette vérité chaleureuse qui ressort de toutes les paroles de Jésus pour guider, jalonner notre route.
A condition que les contacts avec la Parole de Dieu soient personnels, quotidiens, intimes. Il ne s’agit pas d’entendre d’une oreille distraite la lecture de Ben-Sirac le Sage, le dimanche à la Messe ! Il s’agit de se plonger amoureusement dans cette Révélation que Dieu fait par Son Fils : qui est l’homme, d’où vient-il et où va-t-il ?
Ces réponses pour vous aider, je les résume avec Saint Paul qui nous les donne : « Supportez-vous et pardonnez-vous ! »
Vous allez dire : rien de nouveau !Effectivement, mais tout est là, et ce n’est pas facile de se supporter et de se pardonner !
Ailleurs, Paul précisera qu’il faut se « supporter dans la charité. » Il ne s’agit donc pas de se supporter dans le sens humain et mondain du mot (être condamnés à vivre ensemble). Supportez-vous dans la charité, c’est-à-dire aidez-vous par la charité à vivre dans la charité.
Aidez-vous à vivre par la charité !
Aidez-vous à vivre par la charité. Cela suppose et exige de la part de chaque membre de la famille une vie sacramentelle (puisque c’est par les signes sensibles que sont les sacrements : le Baptême, l’Eucharistie, le sacrement de votre mariage, que nous est transmise la charité du Christ). Dans l’hostie, nous recevons le Corps du Christ mort et ressuscité dans Son état à la fois douloureux et glorieux, c’est-à-dire exprimant au sens fort du mot, donnant, comme lorsqu’on expire, la Charité de Dieu.
Si vous n’avez pas de vie sacramentelle, ou si vous avez une vie sacramentelle vide, si votre vie sacramentelle se résume à la confession annuelle dans laquelle vous n’avez rien à dire, vous ne pouvez pas recevoir la charité de Dieu et vous restez donc dans votre vie au niveau humain, au niveau de la philanthropie, au niveau de la fraternité.
Mais pour vivre conjointement pendant 40 ou 50 ans, la fraternité n’est pas suffisante. Vous n’avez qu’à voir le nombre de séparations en certaines régions de nos pays chrétiens : deux divorces sur 3 mariages ! Je ne porte pas de jugements, mais force est de constater que le mariage n’est pas chose facile (c’est peut-être moins facile que la vocation sacerdotale !) donc, il vous faut emmagasiner, engranger cette force surnaturelle qui définit Dieu dans Son être, dans Son agir : L ‘AGAPE, LA CARITAS.
Pour aider les membres de votre famille, votre femme, votre mari, vos enfants à vivre de cette charité, il faut la connaître et l’avoir ! Elle est immense, elle dépasse notre entendement, c’est pourquoi, elle se regarde avec la foi.
La charité, c’est l’amour que Dieu se porte à Lui-même !
La charité, c’est l’amour que Dieu se porte, comme Il porte à chacun d’entre nous. Si je dois donc aider ma famille à vivre dans la charité, si je dois recevoir la charité pour faire vivre la charité dans mon foyer, cela veut dire que je dois aimer mon enfant, mon mari, mon épouse comme Dieu m’aime, comme Dieu l’aime. Cela dépasse infiniment nos passions, positives du sentiment, de l’affection, et négatives bien entendu des égoïsmes.
Est-ce que j’aime ma femme comme Dieu l’aime ? Pour elle-même ? Pour son bien, pour son bonheur, pour ce qu’elle est avec ses vertus, avec ses misères ? Est-ce que j’aime mon enfant -le don de Dieu ! – comme Dieu l’aime ? Non pas parce qu’il est à moi, parce que je l’ai fait (avec cet esprit de possessivité) ? Est-ce que j’aime mon mari comme Dieu l’aime, avec Son regard de bienveillance, de tendresse ?
Voilà ce que vous êtes appelés à vivre, vous les foyers chrétiens, vous qui êtes par le mariage « le signe de l’amour de Dieu pour l’homme » comme le rappelait Saint Jean Paul II. C’est pourquoi, lorsque Dieu exprime Son Amour pour l’humanité, Il prend l’image du mariage. C’est magnifique et si parlant : l’homme et la femme ne font plus qu’une seule chair, ils quittent père, mère, pour s’aimer. Mais en retour, cela veut dire que les mariés doivent vivre, c’est-à-dire s’aimer comme Dieu aime l’homme !
« Pardonnez-vous ! »
C’est ce qui résume peut-être le mieux l’Amour que Dieu porte au monde. C’est le plus haut point de l’Amour, de cette manifestation de l’Agapède Dieu : la Croix de Jésus ! Après tous les adultères d’Israël, ce peuple à la nuque raide, ce peuple traître et lâche,Dieu l’a sans cesse pardonné jusqu’à envoyer Son Fils pour reconstituer le nouvel Israël.
Si vous devez, les conjoints et les enfants, vous aimer comme Dieu aime, vous devez vous pardonner comme Dieu a pardonné à l’humanité. Vous n’avez pas le droit de mesurer votre pardon : « Je ne te dis pas 7 fois mais 77 fois 7 fois dit Jésus à Pierre » !Combien de fois pratiquons-nous la mesure du pardon parce que nous pensons avoir ‘déjà donné’, parce que nous en avons assez de faire le premier pas, parce que nous ne voulons plus être la bonne poire, parce que c’est elle qui a tort, et moi qui ai raison…
Peu importe ! Croyez-vous que ce soit Israël qui avait raison, face à Dieu ? Dieu lui fera ce doux reproche, Il lui dira : « Tu m’attaques, tu me critiques, mais qui de nous deux est en tort ? » Pardonnez, toujours, toujours, toujours…Ce sera l’expression la plus simple, la plus claire de notre véritable charité !
Il ne s’agit pas de juger l’autre, il s’agit de me juger toujours !
Et ce pardon ne se manifeste pas forcément dans des grandes cérémonies. Il se manifeste au quotidien.
Il se manifeste d’abord dans la douceur dont nous parle Saint Paul, qui est le premier signe de l’humilité.
Il se manifeste dans la patience, (cette patience de Dieu, vis-à-vis d’Israël, mais vis-à-vis de chacun et chacune d’entre nous), cette patience qui s’enracine elle aussi dans l’humilité, c’est-à-dire dans un regard vrai sur soi-même.
Il ne s’agit pas de juger l’autre, il s’agit de me juger toujours : qu’ai-je fait ? Suis-je cohérent avec mon Baptême ? Suis-je cohérent avec mon sacrement du mariage ? Posez-vous d’abord la question avant d’inculper le conjoint ou l’enfant ; même s’il a tort objectivement, posez-vous d’abord la question ! Cela se manifeste aussi dans la tendresse, dans cette caractéristique de l’Amour de Dieu qui est si propre au mystère de Noël : Dieu ne se contente pas de nous aimer, Dieu est tendre avec nous.
Rendons grâce d’abord pour ce bien qui est en l’autre !
Cela se manifeste aussi dans la bonté. La bonté, cela ne consiste pas seulement à vouloir le bien de l’autre, ce qui est déjà une grande chose. Cela consiste à voir aussi le bien qui est en l’autre ! Arriver à voir le bien qui est dans mon enfant, même si ce n’est pas le bien que je désire moi ; arriver à voir le bien qui est dans ma femme, dans mon époux, même si ce n’est pas le bien que je désire moi.
Le bien, le bon, est ce qui manifeste le plus clairement que l’homme, que la femme sont faits à l’image de Dieu. Efforcez-vous à détecter la bonté dans l’autre, au sein de votre famille, et à rendre grâce pour cette bonté, au lieu toujours de critiquer pour les misères ! Rendons grâce d’abord pour ce bien qui est en l’autre et qui ne vous est pas dû, qui ne vous appartient pas, qui est un don de Dieu qui vous a donné une épouse, un mari, un enfant avec telle ou telle vertu, qui nous rappelle tout de suite que cet être, enfant ou adulte, est à l’image de Dieu et que vous devez pour cela le respecter dans toute sa dignité.
Et de plus, ce bien, cette vertu qui est dans l’enfant, dans mon conjoint, il me stimule, il est exigeant parce qu’il demande réponse !
Lorsque votre enfant, votre mari, votre épouse se présente à vous avec cette vertu que Dieu leur a donnée et qui ne vous appartient pas, c’est un signe que Dieu vous donne pour que vous répondiez à cet amour, c’est-à-dire pour que vous viviez dans la charité.
Remerciez au lieu de juger, remerciez au lieu de critiquer, au lieu de voir le négatif qui existe malheureusement en chacun d’entre nous. Rendez-grâce pour ce bien que Dieu vous donne gratuitement, pour vous attirer, pour vous stimuler, pour vous dire : – Allez, donne ! Aime de cette même charité avec laquelle Je t’aime !
JOYEUSE FÊTE DE LA SAINTE FAMILLE À VOUS TOUS CHERS AMIS !