« Il augmentera », « il fera croître » : telle est la signification hébraïque du prénom Joseph. C’est tout un programme qui s’annonce dans pareil prénom. Il se déploie tout au long de la vie de celui qui accueille chez lui le divin Messie. Trois moments cruciaux de la vie de saint Joseph autour du mystère de la Nativité nous révèlent trois traits de caractère qui lui sont propres et qui peuvent nous inspirer à l’approche de Noël.
Le juste
L’évangile de saint Matthieu (1, 18-25) nous place devant l’un des événements les plus bouleversants de la vie de Joseph – et de tout fiancé ou époux : la femme qu’il aime attend un enfant qui n’est pas de lui. On imagine bien le drame que cela représente pour lui, qui plus est dans une culture juive où les mœurs des fiancés sont scrutées de près par l’entourage. Il y a 2000 ans, beaucoup à sa place auraient répudié Marie publiquement, procédure de l’époque mettant fin aux fiançailles ou au mariage, avec de lourdes conséquences pour la femme. Aujourd’hui, beaucoup auraient quitté Marie par honte, par lâcheté ou par ressentiment. Mais Joseph décide de ne la répudier que secrètement, avant même de savoir l’origine de la conception de cet enfant-miracle. « Pour ne pas l’exposer au déshonneur » (traduit Louis Segond en 1910), il sacrifie son honneur, peu importent sa réputation, l’incompréhension des autres ou l’échec des projets qu’il avait sans doute imaginés. Là se révèle en profondeur le sens biblique de l’homme « juste », davantage attitude spirituelle que simple éloge moral, alliance sainte du respect de la loi intégrée dans la pratique de la miséricorde.

Le serviteur
L’évangile de saint Luc (2, 1-7), en racontant brièvement le voyage de la sainte famille entre Nazareth et Bethléem, est à l’origine d’un vaste imaginaire sur la recherche laborieuse par Joseph d’un lieu pour permettre à Marie de mettre au monde le Fils de Dieu, qui naît finalement dans la mangeoire d’une étable. Dans cette situation incertaine, on se figure de fait aisément l’embarras de Joseph face à une situation qu’il ne maitrise plus – une femme sur le point d’accoucher – dans des conditions pour le moins défavorables : froid probable, nuit tombante, faim éventuelle, inhospitalité manifeste.
C’est à ce moment précis que Joseph nous dévoile un aspect de sa personnalité si précieux pour notre temps : c’est un homme du réel. Il ne démissionne pas devant l’obstacle mais cherche à « faire avec ». Il épouse les contours de la réalité pour sortir vainqueur d’une situation qui le donnait perdant. La solution extérieurement maladroite de l’étable (qu’on déduit attenante à la « salle commune » où il n’y a plus de place) dévoile avec éclat l’humble dévouement de Joseph pour ceux dont il a la charge, son décentrement exemplaire qui n’abandonne pas dans l’adversité tant qu’il ne l’a pas surmontée, même de manière tout à fait inattendue. Les récits évangéliques n’attribuent d’ailleurs aucune parole à saint Joseph, lui qui sans doute parle peu mais qui agit assurément.
Le croyant
À peine les bergers puis les mages ont-ils pu adorer l’Enfant-Roi que les tribulations de Joseph continuent : pour fuir la sauvagerie d’Hérode, voilà que l’ange du Seigneur ordonne à Joseph quitter la Judée pour rejoindre l’Égypte, avant de retrouver la Galilée et d’y établir sa famille définitivement. Joseph croit profondément en Dieu, et sait intimement que celui-ci ne l’abandonnera jamais. Il choisit donc d’obéir, de faire confiance sans vraiment savoir jusqu’où cela l’emmènera, ni tout comprendre des desseins de Dieu. Ce n’est pas seulement l’urgence de la menace politique qui le fait agir promptement, mais bien davantage une docilité totale qu’il a creusée tout au long de sa vie et qui s’avère décisive pour la sainte famille à ce moment extrême.
Saint Joseph discute peu avec la volonté de Dieu mais y obéit filialement : non seulement il n’a pas de grande difficulté à discerner un appel divin car il y est accoutumé, mais il le sait aussi ordonné naturellement à son bien propre et à celui de sa famille. Il a cette qualité des saints de vouloir ce que Dieu veut, et d’aimer ce que Dieu aime. Cette foi de Joseph, incarnée dans les aléas des événements, est à l’image de ce que fut sa vie : une coopération souple et solide à la fois à l’œuvre de Dieu.