Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« MOI JE SUIS VENU POUR QUE LES HOMMES AIENT LA VIE ! »

Lectio divina pour le 4ème Dimanche de Pâques
Ac.2, 14-41 1P.2, 20-25 Jn.10, 1-10.

Nous avons ce dimanche des lectures extrêmement riches qui vont nous aider à entrer peut être plus profondément dans notre Temps pascal, ce temps qui est quelquefois laissé pour compte. Après les fatigues du Carême et des fêtes de Pâques, nous ne savons plus trop pourquoi nous avons combattu et nous nous laissons aller à une douce somnolence sans nous apercevoir que ce Temps prend quand même 50 jours et relie le mystère essentiel du Christ au mystère de la naissance de l’Église : la Pentecôte. Il nous faut donc essayer de ne pas passer à côté de ces sept semaines, plénitude de temps exprimé par le 7 fois 7 jours, 49 jours…

« Celui qui entre par la porte… »

« Celui qui entre par la porte… » Curieusement, ce texte du Bon Pasteur nous renvoie, à travers le thème de la porte, à un épisode essentiel dans la vie religieuse juive qui est l’Exode, la délivrance de l’Égypte. Nous nous souvenons en effet du passage où Dieu demande au peuple juif de peindre les linteaux des portes avec le sang de l’agneau pascal. Et Dieu dit : « Je passerai et j’épargnerai toutes les maisons où je verrai le signe, mais les fils premiers-nés des Égyptiens seront frappés. »

Le thème de la porte nous rappelle cet épisode fondamental de la Révélation divine. Je dis fondamental puisqu’il va fonder le mémorial juif qui est celui de l’agneau pascal (la Pâque juive) ; et, à travers le mémorial de l’agneau pascal il va fonder, avec la révélation plénière de Jésus-Christ, le mémorial chrétien de l’Eucharistie (la Cène rendant présent le sacrifice du véritable Agneau de Dieu commémoré à Pâques).

« C’est lui le pasteur… »

« Celui qui entre par la porte… » La porte nous rappelle donc le passage de Dieu, la pâque de Dieu qui va entraîner le passage du peuple juif de la terre égyptienne à la terre promise. Et la pâque de Yahvé est l’image en même temps que l’annonce de la venue de Dieu, de Son passage sur la terre des hommes.

Comme Dieu passe chez les Égyptiens (signe de l’esclavage du péché), Dieu s’incarne dans la terre humaine, dans cette chair humaine qui est soumise à l’esclavage du péché.

Et nous pouvons pousser plus loin la comparaison en nous souvenant que le passage de Yahvé, la pâque de Yahvé dans cette nuit fameuse entraîne le sacrifice de tous les premiers-nés des Égyptiens : image de l’aboutissement de l’Incarnation qui est le sacrifice du Fils unique de Dieu, Jésus-Christ.

Passage de Dieu dans la nuit de l’Exode, grande pâque où Dieu se fait présent et se fait pour la première fois libérateur ! C’est le pacte, dira Dieu, qui fonde mon Alliance avec le peuple et qui va entraîner le passage, la pâque du peuple juif, délivré des mains des Égyptiens, délivré de cet esclavage qui est l’image de l’esclavage du péché.

C’était le premier aspect de la semaine Sainte : la délivrance, par l’humanité de Jésus, de l’humanité sous l’emprise du péché. Le péché est cloué sur la croix et meurt sur la croix avec Jésus.

« Si quelqu’un entre par moi il sera sauvé… »

Regardons le deuxième aspect du passage de l’Exode, de la pâque du peuple juif. C’est l’entrée, une fois qu’il est délivré de l’emprise égyptienne, dans une vie nouvelle. Cette vie nouvelle est une vie de pèlerinage, au désert. C’est une vie extrêmement riche à cause de la présence de Yahvé qui y fera la révélation du Décalogue. C’est une vie de pèlerin extrêmement riche également à cause de la nourriture de la manne comme de l’eau donnée, toutes deux à profusion.

Mais c’est aussi un pèlerinage extrêmement éprouvant puisque c’est justement une marche de 40 ans dans le désert vers une terre promise, avec comme seul guide la nuée de Dieu le jour, nuée qui se transforme en colonne de feu la nuit.

Ce deuxième aspect du passage du peuple juif, de sa pâque, et de cette entrée dans une vie nouvelle puisque Dieu va se révéler à travers Moïse (Dieu va révéler ses Dix Paroles de Vie), est l’image de notre propre passage, de notre propre entrée dans une Vie nouvelle.

« Si nous mourons avec lui, avec lui nous vivrons. »

C’est l’image de notre temps pascal qui suit immédiatement la délivrance nouvelle, en cette année 2020, de nos péchés, ces péchés que nous avons déposés au pied de la Croix le Vendredi Saint. Notre compassion à la mort de Jésus, notre communion à Sa souffrance, à Son oblation au Père sont immédiatement suivies d’un temps tout à fait particulier, du fait même de cette proximité : temps de résurrection, temps baptismal, (souvenons-nous de la rénovation de nos promesses lors de la Vigile pascale), temps d’immersion dans l’Esprit Saint, temps de Vie : « Si nous mourons avec lui, c’est pour ressusciter avec lui et vivre d’une vie nouvelle. »

Oui vraiment, le Temps pascal, de par sa proximité historique comme liturgique, représente véritablement ce deuxième aspect de la pâque Juive qui n’était qu’une figure par rapport à la réalité chrétienne dans laquelle nous sommes appelés à entrer.

« L’Esprit est votre vie… »

Après avoir été délivrés du péché par la mort du Christ, nous entrons dans une Vie nouvelle. Celle-ci est à la fois une vie de recherche de Dieu et une vie d’union à Dieu comme dans le désert. C’est une vie de pèlerinage. Nous y avançons, « de commencements en commencements par des commencements qui n’ont jamais de fin », vers une terre promise qui est la plénitude de l’Église, le jour de la Pentecôte avec, comme seul guide, l’Esprit Saint. C’est l’Esprit de notre Baptême, celui que nous pouvons entendre parce que nous L’avons reçu, parce que nous avons été renouvelés dans cette immersion baptismale et spirituelle lors de la Vigile pascale.

« Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. »

Le temps pascal est un temps de recherche de Dieu, mais pas comme le carême avec sa dimension ascétique et purificatrice. Au contraire avec son aspect et sa dimension mystique, c’est un temps de recherche de Dieu avec Dieu. Nous retrouvons cette dimension tout à fait particulière du désert de l’Exode : les Juifs recherchent Yahvé mais ils sont déjà avec Yahvé. C’est tout le symbolisme de la Présence divine par l’Arche d’Alliance qui accompagne le peuple juif jusqu’à la fin. La fin c’est pour eux la prise finale de Jérusalem ; la fin c’est pour nous la Pentecôte, la Jérusalem Nouvelle, l’Église sainte, purifiée, par le sacrifice de Jésus.

Dans le temps pascal je suis avec Jésus, je suis avec Dieu. Je suis comme le peuple qui vient de recevoir le Décalogue. Moi, je viens de recevoir à nouveau la Loi nouvelle des Béatitudes. Je la médite, je vis avec.

Je sais très bien que je ne suis pas parfait et qu’il me faut marcher dans le ‘désert’, communautairement comme l’ ecclesia juive (le peuple juif).

Communautairement, c’est-à-dire en l’Église, qui me donne la manne (l’Eucharistie), qui me rappelle par l’Asperges de chaque dimanche ces eaux vivifiantes de Mériba (les eaux de mon baptême) qui, dit Saint Paul, sont l’image du Christ accompagnant chaque homme dans l’Église jusqu’à la fin des temps (les disciples d’Emmaüs de dimanche dernier).

« Si quelqu’un entre en passant par moi il sera sauvé. »

Comme le Temps pascal est un temps de richesse ! C’est un temps de joie, c’est un temps de résurrection, c’est un temps d’union, c’est un temps de perfectionnement… Toute la Trinité se met à l’ouvrage pour nous faire entrer dans ce Temps liturgique, qui est le temps de l’Alliance Nouvelle.

Regardons ce que dit Jésus : « Le portier ouvre au berger véritable. » Comme Il dit, dans la parabole de la vigne : « Je suis la vigne, mon Père est le vigneron. » Le Fils, c’est le berger, le Bon Pasteur, « celui qui donne sa vie pour ses brebis. » C’est celui que le Père aime parce que justement « il donne sa vie pour ses brebis. » Quant au Père, c’est le portier qui commande le salut des hommes.

Le Berger « les appelle chacune par son nom » : réminiscence de notre baptême : Jean, Pierre, Paul, Agnès, Laure…, je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit !

Il les appelle chacune par leur nom et elles reconnaissent Sa voix. Or Sa voix c’est l’Esprit Saint que la brebis reconnaît, que l’âme connaît parce qu’elle a reçu l’Esprit au Baptême. « Celui qui a l’Esprit du Christ est de Jésus » et il suit. Chaque baptisé, même s’il n’est pas docteur en théologie, a une connaturalité avec les choses de Dieu grâce à la présence de l’Esprit Saint diffusé en notre cœur au Baptême.

« Je suis la porte. »

Lorsque toutes les brebis sont sorties, lorsqu’elles ont formé un troupeau, la communauté, l’ecclesia, l’Église catholique c’est-à-dire universelle, prête à recevoir tous et toutes, alors nous commençons le pèlerinage vers le pâturage, nous commençons notre marche dans le désert vers les prairies verdoyantes.

La voix c’est l’Esprit Saint : « elles écoutent ma voix », elles écoutent l’Esprit. Le Père est le portier. Jésus est le berger.

Et Jésus est si uni à Son Père, n’ayant que le désir de faire tellement Sa volonté, qu’Il est aussi l’instrument du portier : Il est la porte, comme nous avons entendu : « Je suis la porte. »

Les Juifs n’ayant pas compris Sa parabole, Jésus reprit en effet : « Je suis la porte des brebis… »

« Je suis la porte », c’est-à-dire : « celui qui passe par moi », par ce canal, par cet instrument unique, « l’unique médiateur entre Dieu et les hommes », « celui-ci entrera dans la vie. »

Nous avons là, avec le mystère de la Trinité, le mystère de l’Incarnation et le mystère de la Rédemption : Jésus est vraiment Celui par qui nous est donnée la Vie. Il est l’instrument, le sacrement de Dieu. Nous avons « un seul médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ » nous rappelle Saint Paul dans son épître à Timothée.

« Le Seigneur est mon berger, rien ne saurait me manquer. »

Demandons tout au long de ce quatrième dimanche, et malgré la fermeture de nos églises paroissiales, de comprendre cet enseignement du temps pascal.

Demandons de prendre conscience, de contempler en nous et en l’Église et donc dans nos frères, pour une fois non pas les mauvaises choses, non pas les souffrances, non pas les points sombres de nos vies, non pas les défauts des autres ou de l’Église ou de ses ministres, mais pour une fois l’Alliance, la présence de Dieu, la présence de la Loi Nouvelle, la présence de la Résurrection, la présence de la Vie qui accompagne ce pèlerinage communautaire et nous emmène tous vers la Jérusalem céleste.

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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