La vie au seminaire : une vie monotone ?

Vivre en paix la formation sacerdotale

Au regard du monde, la vie dans un séminaire, comme dans tout couvent ou monastère, peut sembler au premier abord monotone, voire pour certains ennuyeuse. Peut-on être vraiment heureux dans une vie rythmée et réglée par la prière, le travail intellectuel et manuel ? Cette régularité, cette « monotonie » qui s’accompagne d’un retrait du monde prépare-t-elle vraiment les pasteurs dont l’Église et le monde ont besoin ? Pourquoi créer volontairement un tel décalage entre le monde et la vie du séminaire ?

Vie contemplative

Cette « fuite du monde » qui caractérise la vie contemplative justifie en soi ce changement de vie. La vie régulière, rythmée par la prière et le travail, telle que l’a pensée saint Benoît, donne un cadre dans lequel le moine peut chercher Dieu. La vie n’est que superficiellement monotone. Penser que l’on ne peut que s’ennuyer dans un tel style de vie, c’est passer à côté de l’essentiel. Dieu est vivant. C’est chaque instant, chaque jour, que Dieu aime et parle à chaque homme. La prière étant l’âme de la vie contemplative, c’est elle qui donne tout son sens à la vie. Dès lors, c’est dans l’ordinaire d’une vie monotone et régulière que le moine fait l’expérience de l’extraordinaire. Cet amour qu’il reçoit, il en fait alors partager ses frères dans les gestes, les services et les attentions les plus simples. Thérèse de l’Enfant Jésus décrit parfaitement cette vie en apparence ennuyeuse, voire « mortifiée », et en réalité belle et exigeante.

En fait, pour parvenir à vivre davantage de la charité, c’est-à-dire de la vie de l’Esprit Saint, il faut passer par une vie qui favorise la vie de l’âme. C’est en adoptant un style de vie qui équilibre le corps, les affects et les sentiments que l’âme peut s’ouvrir, respirer et donner son sens à la vie.

Une petite page d’histoire

Assez naturellement, quand les séminaires ont été créés au XVIIème siècle, les grands fondateurs, tels que saint Vincent de Paul, M. Olier ou saint Jean Eudes ont puisé dans la grande tradition religieuse et monastique pour trouver les principes pédagogiques fondateurs de la formation des pasteurs. Un prêtre devait être avant tout un homme de Dieu, c’est-à-dire un ami du Christ, vivant de l’Esprit Saint pour la gloire du Père. Il fallait donc donner au séminariste le moyen de rencontrer Dieu.

La « séparation momentanée du monde » et la vie régulière et rythmée sont apparues comme des principes essentiels pour favoriser l’éclosion d’une vie intérieure.

Et aujourd’hui

Même si les conditions ont changé, le monde évolue, il demeure quelque chose d’intangible dans l’être du prêtre. Il est invité à représenter le Christ, à vivre du Christ et pour le Christ. L’apprentissage de la vie avec le Christ requiert une vie intérieure que seul un certain style de vie permet. Peut-être encore plus aujourd’hui qu’hier. Le silence, le calme, la régularité, le temps, l’ascèse, autant d’aspects que le monde fuit pour une part alors qu’ils sont essentiels pour permettre à l’âme de s’ouvrir afin de vivre en Dieu.

La vie commune permet alors de vérifier et de développer la qualité et l’effectivité de cette vie intérieure où le séminariste apprend à vivre davantage du double commandement de l’amour de Dieu et du prochain. C’est la grande aventure de la sainteté. Elle est exigeante. La cohérence que les fidèles attendent de leur pasteur nécessite qu’il soit sur ce chemin.

En réalité, la « monotonie » apparente de la vie au séminaire cache l’essentiel même si il y a des signes forts que tout visiteur peut constater : la paix, la joie et l’attention aux autres. Ces attitudes dévoilent la charité dont chaque séminariste essaye de vivre chaque jour davantage dans la prière, le travail intellectuel et manuel.

Les fuites de la réalité et de soi sont plus difficiles dans ce genre de vie. La régularité et la permanence des relations aiguisent la connaissance de soi et des autres. La vérité sur soi conduit à s’aimer plus justement. L’amour de l’autre aussi devient plus juste. Il y aurait encore beaucoup d’autres choses à dire sur ce style de vie, volontairement décalé par rapport au monde.

En outre, il semble que les futurs pasteurs qui sortent de cette vie n’aient pas trop de mal à prendre ensuite leur place dans l’Église et le monde. Ayant acquis la docilité à l’Esprit pour représenter le Christ, le prêtre peut s’adapter aux situations auxquelles il est confronté. Il apporte aussi au monde quelque chose qu’il a expérimenté dans le silence et le calme : la vie en Dieu.

N’est-ce pas ce que l’on doit donner aux hommes ?