La Crosse Houlette du Bon Pasteur

Ce travail est le fruit de l‘Ecole de Théologie de la Comunauté Saint Martin. Il s’agit d‘une présentation de la liturgie dans tous ses objets, ceux-ci étant utilisés par les prêtres lors des cérémonies religieuses. Cette présentation a aussi une dimension culturelle visant à promouvoir l’art sacré.

Histoire

La crosse, ou bâton pastoral, trouve d’abord un fondement scripturaire dans le fameux bâton que Dieu donne à Moïse (Ex 4) pour réaliser les signes de la puissance divine, libérer et conduire Israël vers la Terre Promise. Ensuite, l’origine naturelle de la crosse se trouve dans le pedum (ou houlette), bâton recourbé qu’utilisaient les bergers pour guider les troupeaux et rattraper le bétail par l’encolure. Aussi le pedum avait-il été intégré dans les cultes païens des Étrusques, pour garantir le pouvoir divin des augures. Enfin, c’est aussi dans l’usage juridique profane qu’il s’enracine, symbole d’autorité et de juridiction : tels le sceptre des empereurs, le  cambuta des chefs de clan celtes, ou encore la férule dont les maîtres se servaient pour corriger les élèves. C’est à cette même symbolique que se rattache le bâton ou bourdon du chantre, dans les monastères. Il faut remonter au Vème s. pour voir apparaître dans l’Église latine l’usage de la crosse par les évêques. Nous ne disposons pas de traces antérieures. En revanche, de nombreux indices textuels et archéologiques plaident en faveur de cette datation. Une lettre de Célestin Ier (mort en 432) évoque la crosse épiscopale. Au VIIème s., son usage semble déjà bien répandu comme l’atteste le canon 28 du IVème concile de Tolède (632) qui en règle la remise au nouvel évêque. Un texte d’Isidore de Séville (mort en 636), repris par Innocent III au XIIème s., en donnera la signification traditionnelle. Nous conservons par ailleurs des représentations de crosses sur des enluminures des IXème et Xème s. Quant à l’Église grecque, nous ne disposons d’aucune trace antique. Les bâtons les plus anciens que nous conservions sont, aux VIIIème et IXème s., les bacula, ou cambuta, des évêques et abbés itinérants d’Irlande et d’Écosse, bâtons recourbés dérivant du terme celtique camba (courbure). Ils étaient devenus le signe de la juridiction des abbés sur leurs monastères et terres alentour. La plus ancienne crosse continentale connue est celle de saint Germain, abbé de Moutier-Grandval (mort en 670), conservée à Delémont.

Description

À l’origine, les crosses occidentales avaient le plus souvent l’aspect d’une canne en bois d’environ 1,20 m de hauteur. Elles furent rapidement ornées de lames de métaux précieux et, à partir du XIème siècle, de pierres précieuses, d’ivoire et d’émaux. D’autres se présentèrent sous une forme rectiligne, surmontées d’un globe, d’un Tau (cf. ci-contre) ou d’une croix latine ; ce qui donna le nom de crosse (crux en latin, crocia en italien, crosier en anglais). C’est ce dernier modèle qui donna sa forme à la férule papale, signe de l’autorité pontificale. C’est également ce modèle que l’Orient adopta, entourant la croix de deux serpents se faisant face, symbolisant les vertus de force et de prudence, mais aussi les serpents des mages égyptiens confondus par Moïse. Seuls les Arméniens, probablement sous l’influence latine, conservèrent la forme en volute, qui se terminait également par une tête de serpent. Enfin, en Occident, elle se fixa au XIIIème s. dans sa forme définitive, sa taille s’allongeant et la volute se développant toujours plus en riches crosserons ciselés présentant toutes sortes d’allégories bibliques ou de figures de saints.

Signification

Les origines de la crosse nous permettent de dégager deux symbolismes principaux. Elle rappelle tout d’abord le pouvoir spirituel, puisque l’évêque est revêtu de la plénitude du sacrement de l’ordre et est doté de l’autorité apostolique. Elle évoque ensuite le pouvoir juridictionnel du pasteur sur le troupeau qui est confié à sa garde : son diocèse, pour l’évêque ; ses moines ou ses moniales pour le père abbé ou la mère abbesse. S’agissant de l’évêque, la signification la plus autorisée demeure celle que donne la formule actuelle de remise de la crosse, lors de la consécration épiscopale : « Recevez le bâton de pasteur, signe de votre charge : prenez soin de tout le troupeau du Seigneur, dans lequel l’Esprit Saint vous a établi comme évêque pour gouverner l’Église de Dieu ». L’ancien cérémonial, lui, précisait les vertus pastorales représentées par la crosse : « Recevez le bâton de la charge pastorale, afin d’être miséricordieusement sévère dans la correction des vices, juste sans colère ; afin de charmer les âmes des auditeurs en cultivant en elles les vertus et afin de ne pas vous écarter du droit dans une tranquille sévérité ».

Pour les curieux…

Il y a deux manières de porter la crosse. Soit la volute est tournée vers l’avant, vers le peuple : c’est le signe de la pleine juridiction de l’évêque sur toute l’Église locale. Seul l’évêque diocésain la porte de cette façon, dans les limites de son diocèse. Soit la volute est tournée vers l’arrière (cf. cicontre), vers l’évêque : c’est alors le signe d’une juridiction plus restreinte. C’est ainsi que la porte un évêque officiant hors de son diocèse propre, ou encore un père abbé ou une mère abbesse dont la juridiction se limite à son monastère ou à sa congrégation.