L’Encensoir & La Navette

Ce travail est le fruit de l‘Ecole de Théologie de la Comunauté Saint Martin. Il s’agit d‘une présentation de la liturgie dans tous ses objets, ceux-ci étant utilisés par les prêtres lors des cérémonies religieuses. Cette présentation a aussi une dimension culturelle visant à promouvoir l’art sacré.

Origines

Le nom de l’encensoir provient du mot« encens » (du latin incensum, matière brûlée), qui désigne la résine issue d’arbres originaires des rivages de la Mer Rouge et du sud de la péninsule arabique (oliban, myrrhe, benjoin…). Par extension, il désigne toutes sortes de résines, poudres ou écorces odorantes. L’encens est utilisé par l’homme depuis les temps les plus reculés, et par toutes les civilisations. Dans la Bible, il est réservé au seul culte de Dieu et son usage est très codifié (cf. Ex 30-31). Les Romains l’utilisaient quotidiennement pour rendre un culte aux dieux ou, plus tard, à l’empereur déifié, pour conjurer les sorts et honorer les défunts. À cette époque, l’encensoir était tenu au moyen de courtes chaînes reliées par un anneau, comme il l’est encore dans les rites orientaux ; on trouvait aussi des cassolettes munies d’un manche de bois ou de métal. S’il fut très tôt utilisé au cours des funérailles chrétiennes et, par dérivation, lors des translations de reliques, l’encens ne fut adopté dans le culte qu’au IVème s. en Orient, puis en Occident, un siècle plus tard. Sans doute cette adoption tardive venait-elle d’une volonté de distinguer le culte chrétien des cultes païens. À Rome, jusqu’au VIIIème s. inclus, on ne l’utilisait que pour accompagner les processions d’entrée et de sortie du Pape et la proclamation de l’Évangile ; on n’encensait alors ni personnes ni objets. L’usage d’encenser l’autel et les offrandes n’est attesté à Rome qu’au début du IXème s. ; un peu moins d’un siècle plus tard, les personnes — l’évêque d’abord puis les autres officiants — son également encensées. Si l’on trouvait dès le VIème s. des encensoirs fermés mobiles, la forme actuelle de l’encensoir semble remonter au Xème s. La navette qui accompagne l’encensoir est issue de l’acerra romaine, petit coffret qui contenait les grains d’encens. Elle est attestée sous sa forme actuelle au IXème s.

Description

L’encensoir (cf. ci-contre) est le plus souvent constitué d’une coupelle de métal munie d’un pied, attachée à trois chaînes unies entre elles par une pièce de métal. La coupelle est refermée par un couvercle plus ou moins haut, lui-même relié à une chaîne qui le rend amovible Il existe aussi des encensoirs faits d’une pièce et munis d’une seule chaîne.

La navette (cf. ci-dessous) est le plus souvent une coupe fermée par un couvercle à charnière, qui s’ouvre sur tout ou partie du récipient. Son nom signifie « petite nef » (du latin navis, bateau) et dérive de sa forme caractéristique. Depuis le Xème s., une petite cuiller (cochlear) permet de prendre l’encens pour le déposer dans l’encensoir.

Signification de l’encens

L’encensement exprime le respect et la prière (cf. Ap 8,3). Il est avant tout un marque d’adoration adressée au Christ ; c’est pourquoi sont encensés tous les objets et personnes qui en manifestent la présence durant la liturgie, comme déjà, dans l’Ancienne Alliance, la nuée manifestait la présence de Dieu au milieu de son peuple. Suivant la tradition orientale, la présence de Dieu est signifiée de manière plus sensible encore par le tintement des grelots fixés aux chaines de l’encensoir (cf. ci-contre). La fumée qui monte vers le ciel symbolise avec évidence la prière fidèle qui s’élève jusqu’à Dieu (cf. Ps 140,2), et sa bonne odeur symbolise la grâce du Christ (cf. 2 Co 2, 14-16). On attribue traditionnellement à l’encens la vertu d’expulser par sa bonne odeur les esprits malins des lieux où il est brûlé, et de purifier ceux-ci des miasmes du péché.

Utilisation actuelle

L’encensoir est porté par le thuriféraire(du latin thus, qui désigne l’encens offert pour le sacrifice, et fero, porter). Le porteur de la navette est appelé le naviculaire (du latin navicularius, désignant un batelier). L’encens peut être utilisé à la Messe ou durant les offices solennels des laudes et des vêpres, où il rappelle alors le sacrifice du soir offert au Temple de Jérusalem. À la Messe, il est utilisé dans les diverses processions pour annoncer le Christ. Ainsi, pendant la procession d´entrée, il permet d’honorer le célébrant, qui représente le Christ-prêtre entrant dans ce monde. Au début de la Messe, on encense la croix et l´autel : le Christ est en effet le prêtre, la victime et l’autel de son sacrifice. L’Évangile contient les paroles que Dieu adresse directement aux hommes par Jésus, sa Parole vivante : il rend ainsi le Christ présent ; c’est pourquoi l’encens est brûlé durant la procession de l’évangéliaire. Il est encore offert quand le pain et le calice ont été déposés sur l’autel afin d’être présentés à Dieu et consacrés par Lui. Enfin, il brûle durant la consécration, particulièrement à l’élévation de l´hostie et du calice, pour manifester la présence réelle de Dieu à l’autel. L’encens est encore utilisé lors des funérailles pour honorer le corps du défunt baptisé, temple de l’Esprit-Saint et appelé lui aussi à entrer dans la gloire de la Résurrection.On peut l’utiliser enfin dans les rites de bénédiction ou de consécration d’objets ou de lieux, tels que les images des saints, les cierges de la Chandeleur ou les palmes des Rameaux, les chapelles, les sépultures et les cimetières.L’encens est particulièrement requis pour la dédicace des églises, lors de laquelle il est brûlé directement sur l’autel afin de remplir le lieu consacré de la bonne odeur du Christ (cf. ci-dessus).

Pour les curieux…

On trouve à Saint-Jacques-de-Compostelle (ci-contre) un immense encensoir, actionné lorsque le 25 juillet,fête de Saint-Jacques, tombe un dimanche, ou à certaines occasions particulières.Connu dès le XIIème s., il fut remplacé plusieurs fois ; l’actuel botafumeiro (dugallicien « faiseur de fumée ») a été fabriqué en 1851. Actionné par huit hommes, il mesure 1,50 m, pèse environ 72 kg et peut atteindre une vitesse d’oscillation de 68 km/h !