Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« ECCE HOMO ! »

Lectio divina pour le Vendredi Saint
Is. 52.13-53,12 Jn. 18, 1-19,42.

Dans la Liturgie du Jeudi Saint, nous avons vu comment Dieu essayait de nous former à Son humilité, comment Il désirait même nous faire entrer dans cette humilité, nous faire partager Son mystère, en nous donnant d’être Son Corps, co-extensif à Son âme, manifestant Son âme, Son Esprit. Souvenons-nous : « Qui vous écoute, m’écoute. » L’humilité de Jésus nous transforme en ce foyer, objet de la foi des hommes.

« Ami, c’est par un baiser que tu trahis le Fils de l’Homme »

Aujourd’hui, nous est donné de regarder un autre mystère de Jésus qui est celui de Sa filialité, de Son esprit filial.

À quoi mène l’humilité du Jeudi Saint ? Quel est l’aboutissement de ce mystère que nous avons contemplé hier ?

L’humilité du Jeudi Saint amène Jésus à s’inscrire définitivement à la dernière place. C’est pourquoi, à l’invitation de Judas, Jésus se soumet pour garder la dernière place, pour sauver tous les hommes, pour qu’aucun homme ne puisse penser ne pas valoir la peine d’être sauvé par Jésus, pour qu’aucun homme ne puisse se voir derrière Lui, comme n’étant pas considéré, comme n’étant pas englobé par le Salut : « Ami, c’est par un baiser que tu trahis le Fils de l’Homme » !

« La filialité c’est la richesse du pauvre. »

L’humilité de Jésus au Jeudi Saint L’amène à la crucifixion à travers le baiser de Judas. Et à cet instant, que nous célébrons aujourd’hui, à cet instant où Jésus est nu, dépouillé de tout, de Ses vêtements, de Ses apôtres, de Ses amis, de Sa Mère qu’Il vient de nous donner, qu’a-t-Il encore, que possède-t-Il ?

Il a, depuis Son Incarnation, ce que le pauvre aura toujours, la seule richesse qu’un homme puisse avoir, sans que personne ne puisse la lui retirer : la foi en Son Père.

Souvenons-nous de ce que disait le Père Valensin, que je cite de mémoire : « Lorsque tu apparaîtras devant ton Père, et que Dieu te dira : qu’as-tu fait sur la terre ? Tu répondras : j’ai cru en mon Père ! La filialité c’est la richesse du pauvre. »

« Père, entre tes mains, je remets mon esprit. »

Nous avons entendu la parole de l’Épître aux Hébreux (et) qui s’accorde parfaitement à ce que disait Jésus dans l’évangile : Bien que Fils (par nature) il a appris dans ses souffrances ce que c’était que de vivre cette filiation, cette obéissance, cette nourriture qui est de faire la volonté du Père, comme Il le dit à Ses apôtres, dans le discours de la Samaritaine. Oui, bien que Fils, Il a appris dans Ses souffrances ce que concrètement veut dire, dans cet instant-là : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit. »

Père ! Ce mot qu’Il annonce aux hommes. Père…, mon Père…, mon Père et votre Père…, Celui dont j’aime à faire la volonté : Abba ! Abba, c’est-à-dire : Papa ! Combien de fois le dit-Il dans l’Évangile : « Quand vous priez, dites : Père. »

Jésus va vivre cet enseignement du Pater à cet instant, seul : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit » : Je Te redis Ma foi, Je Te redis Ma confiance, Je Te redis Mon adhésion de Fils.

Etre saint à force d’être fils…

Et cette filialité, cette sainteté à force d’être fils, c’est cela même qui Le fait entrer dans le sein du Père. C’est cela même qui va Lui faire partager le regard que le Père porte sur les hommes : un regard d’infini pardon pour le pécheur et un regard d’infinie tendresse pour l’homme blessé.

Voilà que Jésus parce qu’Il est Fils, parce qu’Il vit parfaitement ce mystère originel de la filialité humainement incarnée, va vivre Son dernier mystère de la vie humaine, le mystère de la magnanimité : « Père, (la filialité), Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font (la magnanimité). »

La magnanimité de Jésus : de magnus, élevé, (« Quand je serai élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi »)-, et de animus, l’esprit, l’âme, le tréfonds de l’intimité du Christ, l’abîme de pureté, la demeure de l’Esprit. Magnus animus…

« Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. »

Quand Je serai élevé de terre, voilà que Je manifesterai Ma grandeur d’âme, l’inépuisable richesse de Mon Esprit qui est aussi l’Esprit de Mon Père, cet Esprit que J’ai reçu, cet Esprit que J’ai donné avant de mourir…

Père, pardonne-leur, Toi Père qui te caches, Père que J’entrevois à peine à travers mes yeux de larmes, Père qui pleures du mal des hommes, Père qui aimes ces hommes blessés, Père qui Te caches devant Ma souffrance provoquée par l’Amour que Tu portes à Tes fils, comme Tu Me le portes à moi Ton Unique.

« Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Ils ont toutes les excuses… Père, pardonne-leur de M’avoir ôté la vie, et donc, pardonne-leur d’en être la cause sous l’effet du Mal qui les dirige. C’est le sacrement de la Réconciliation.

« Père, pardonne-leur… » c’est-à-dire donne-leur en surabondance, sans mesure, sans compter, comme Je le leur ai promis dans l’Évangile, cette vie qu’ils m’ont ôtée. « Ma vie, nul ne la prend, c’est moi qui la donne » :cette vie que j’ai désiré leur donner avec Toi, redonne-la leur en abondance ! C’est le mystère du Baptême et de l’Eucharistie.

L’humilité, la filialité, la magnanimité : « Ecce homo », voici l’homme ! C’est bien ce que disait Pilate, n’est-ce pas ? Voici ce que l’Église nous présente à contempler aujourd’hui.

Voici l’homme. Mieux encore, voici le Dieu, Dieu humble, Dieu Fils, Dieu pardon !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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