Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

Savons-nous profiter des bienfaits du Rosaire ?

Méditation sur la fête du Rosaire

Lectures proposées pour cette Lectio divina : Is. 61, 10-11 ; Ga. 4, 4-7 ; Jn. 19, 25-27

Puisque le mois d’Octobre est le mois du Rosaire et que l’Eglise vient de célébrer Notre-Dame du Rosaire, arrêtons-nous sur cette dévotion aussi humble que riche, aussi simple qu’infiniment ouverte sur tous les mystères du Christ et de notre Salut !

Tout le monde sait ce qu’est un rosaire. Originellement c’est une quinzaine de dizaines d’Ave Maria, ce qui fait 150 Ave Maria : de quoi permettre aux chrétiens analphabètes de prier en même temps que les plus cultivés le faisaient avec les 150 Psaumes.

Mais saisissons-nous l’intérêt et donc l’utilité spirituelle de cette dévotion qui nous fait parcourir les mystères joyeux, douloureux et glorieux du Christ, sans oublier les mystères lumineux rajoutés par saint Jean-Paul II ? C’est moins sûr…

Méditer la vie de Jésus me donne de saisir le sens de ma vie…

Le Rosaire est donc là pour nous faire méditer les mystères du Christ, c’est-à-dire les différentes étapes de Sa vie : les étapes joyeuses relatives à Sa naissance et à Son enfance, les étapes lumineuses qui évoquent Son ministère public, les étapes douloureuses qui nous permettent de L’accompagner durant Sa Passion et enfin les étapes glorieuses avec lesquelles nous contemplons Sa Résurrection suivie du mystère de l’Eglise et du Couronnement de Notre-Dame.

L’Église recommande, depuis fort longtemps, cette méditation des mystères car, en méditant les mystères du Christ, nous saisissons le sens profond de notre vie.

Tout homme, nous le savons, passe dans sa vie à travers ces étapes. Il y a dans nos vies les étapes de naissance et de joie : joie de la naissance, joie de la découverte de la vie, de la relation à l’autre, de l’ouverture au monde de l’enfant, de l’adolescent, joie de l’aventure et des grands projets… Il y a aussi l’étape plus difficultueuse de notre maturation d’homme ou de femme durant laquelle nous nous heurtons aux difficultés de la vie, aux difficultés de la relation aux autres, aux difficultés de notre propre connaissance. Et puis il y a l’étape plus glorieuse, plus reposante de la vieillesse qui est une préparation à quelque chose qui appartient à l’Au-Delà. C’est l’étape de la sagesse, l’étape de l’accomplissement, de la vie accomplie. Tout au long de cette vie, avec une dynamique plus ou moins forte, nous trouvons la longue étape lumineuse de l’activité humaine, du bien transmis, de l’échange des valeurs et du don de soi aux autres…

Nous passons tous par ces quatre couleurs qui sont inséparables et qui se mélangent plus ou moins les unes avec les autres au fil de notre vie. La joie de la naissance, par exemple, est accompagnée et de la douleur de la mère, et des cris de l’enfant qui passe du monde doux, chaud et calme du sein maternel à un monde bruyant, aveuglant et inhabituel : cela provoque ce mélange de découverte joyeuse et d’angoisse. De même le repos éternel est accompagné, précédé, par les moments de l’agonie qui sont toujours difficiles.

Apprendre à la lumière du Christ les mystères de la vie, de la souffrance et de la gloire

Cette union systématique entre la joie, la douleur, la lumière et la gloire, contribue à rendre ces étapes, ces mystères comme l’on dit, particulièrement difficiles à comprendre et à vivre.

Nous avons un peu l’habitude de nous laisser vivre comme le fétu de paille est emporté par les vagues sans peut-être bien réfléchir au sens de notre vie. À moins qu’il n’arrive dans notre vie une épreuve particulièrement difficile.

Mais si nous réfléchissons, quel est le sens de la joie ? Quel est le sens de la douleur ? Quel est le sens de la lumière et de la gloire ? Finalement, comment arrivons-nous à saisir le sens de notre vie, de ces différentes étapes, de ces différents moments où la souffrance est particulièrement présente lorsque nous sommes confrontés à une maladie, à une mort, (la nôtre ou celle d’un proche) ? Comment la vivre ? Comment l’assumer ?

On peut dire que le Rosaire est la manière de découvrir, avec les yeux de celle qui fut la plus proche du Christ, les étapes de la vie de Jésus et d’en tirer l’enseignement pour nous. Car Jésus étant vrai homme, a vécu les mêmes étapes que nous, de la naissance à la Vie éternelle. Et puisqu’Il est vrai Dieu, Il les a vécues en perfection pratique. C’est pourquoi Il dira être venu pour accomplir la Loi donnée à l’homme et pour l’homme. Et Il les a vécues d’abord dans la perfection de leur compréhension.

Contempler la vie du Christ pour qu’elle façonne la mienne après avoir façonné celle de Marie…

Il est Dieu en effet et Il a donc sur l’humanité, à commencer par la Sienne, un regard profond, un regard perçant, ce regard « qui sonde les reins et les cœurs » allant, en tant que Créateur, jusqu’au fond de la réalité pour en saisir le sens. Et Marie, Sa Mère et la plus proche de Lui tant charnellement que spirituellement, fut celle qui, en osmose profonde avec son Fils, a parfaitement communié à l’intellection de cette vie.

Le Rosaire m’aide donc à saisir le sens de ma vie à travers le sens de la vie du Christ tel que Marie l’a intégré déjà à sa propre vie de premier membre éminent et parfait de l’Eglise. Et comme elle est ma mère, elle va m’éduquer à partager cette richesse et à en vivre. Cette dévotion est donc une activité spirituelle fondamentale qui n’est pas, comme on le croit souvent, réservée aux vieilles dames ou aux bigots.

Le Rosaire consiste à me rendre proche, par la contemplation, de ces étapes de Jésus, à m’assimiler à ces étapes, à me les rendre comme connaturelles. Lorsque, avec les yeux de Marie qui fut la première et la plus proche de son fils, je contemple et médite à longueur de vie les mystères du Christ, je me les assimile, je me les approprie, jusqu’à finir par les incarner dans ma vie de baptisé.

« Ayez en vous les sentiments qui furent dans le Christ Jésus. »

Regardez comme Jésus nous indique l’importance de cette attitude. Lorsque les apôtres Lui disent : « Maître, ta mère est là à t’attendre à la porte. », Il répond : « Qui est ma mère ? C’est celui qui écoute la parole de Dieu et la met en pratique » ! Et lorsqu’une femme dans l’assemblée Lui dit : « Heureux les seins qui t’ont allaité », Il réplique aussitôt : « Heureux bien plutôt celui qui écoute ma parole et la met en pratique. » Jésus Lui-même exalte, ce que l’on pourrait nommer la maternité évangélique, c’est-à-dire la proximité du cœur, bien plutôt que la maternité charnelle de Marie qui est la proximité naturelle du sang et de la chair.

C’est un appel que Jésus nous lance à nous assimiler Sa vie que l’Église a délimitée rationnellement par ces différents états joyeux, lumineux, douloureux et glorieux. Saint Paul, qui est le grand théologien de la vie chrétienne, nous dit dans ses épîtres : « Ayez en vous les sentiments qui furent dans le Christ Jésus. » C’est donc une orientation qu’à la suite du Christ, l’Église nous donne de nous assimiler à ces mystères de la vie de Jésus pour arriver à voir notre vie à la lumière de la Sienne, comme Il a pu La saisir avec le parfait regard de Dieu. Comme Marie et avec elle !

Ce qui fait la prière, c’est l’état de prière et non pas les mots…

Comment se passe pratiquement cette assimilation par la foi de la vie de Jésus ?

Ce n’est pas de la magie. C’est vrai, et quelquefois on nous le reprochera, la répétition des mots a son importance. On rumine la méditation du mystère de la naissance ou de la mort par les mêmes mots sans cesse répétés de l’Ave Maria.

Mais n’est-ce pas ce que nous faisons dans toute notre vie ? Nous essayons d’acquérir une vertu, c’est-à-dire une force conquise par la répétition dans le travail, dans le sport, dans l’art comme la musique, où nous faisons des gammes à n’en plus finir, pour ensuite nous délier de cette discipline par laquelle nous devons passer.

Oui, le chapelet est comme un rabâchage, mais qui est orienté vers la maîtrise de notre regard sur la vie de Jésus. Maîtrise qui est difficile à acquérir puisque Jésus a vécu il y a 2000 ans et que Sa vie nous est transmise par la foi à l’Évangile. Nous écoutons la Parole de Dieu et à travers cette Parole à laquelle nous adhérons, nous revoyons ces différentes étapes que Jésus a vécues. Ceci, afin que dans notre vie nous puissions avoir le même regard sur ces étapes de joie, de lumière, de souffrance ou de gloire.

Cette répétition serait inutile s’il n’y avait pas le désir intérieur. Il faut donc se mettre en garde contre le formalisme qui peut toucher toute prière. Les plus grandes oraisons et les plus grandes contemplations peuvent n’être que formules creuses.

D’où la nécessité du désir intérieur, du désir de voir ma vie comme Jésus a vu la Sienne et de réagir à ma vie comme Jésus a réagi à la Sienne. On ne dit pas d’abord le chapelet pour obtenir quelque chose, même si c’est possible parce que la prière de demande a toujours sa place.

Le chapelet est avant tout la grande prière de supplication qui demande au Christ que je voie et vive ma vie comme Lui a vu et a vécu la Sienne, pour que je puisse réagir aux éléments de ma vie comme Il a réagi aux éléments de la Sienne puisque Sa vie est une vie d’homme qu’Il a voulu partager avec la mienne ! Il est né, Il a aimé, Il a été en relation avec les hommes, Il a eu une famille, des amis… Il a souffert, et Il est mort.

Lire la vie de Jésus pour y découvrir son sens unique et profond : l’union au Père

Lorsque je contemple avec Marie les étapes de la vie de Jésus avec ce désir intérieur qu’est-ce que je découvre ?

Je découvre que la joie pour le Christ, c’est la joie de venir au monde pour faire la volonté du Père. « Je viens Seigneur pour faire ta volonté, tu n’as voulu ni sacrifice, ni oblation, alors tu m’as façonné un corps et je viens, je suis là pour faire ta volonté. » Voilà le mystère de la joie de Jésus.

Avec les mystères lumineux, je découvre que ce qui illumine le monde, c’est la présence enseignante autant que compatissante de Jésus au milieu des hommes : « Je suis la Lumière du monde, celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres. » C’est aussi Son activité de guérison auprès des brebis blessées et sans pasteur autant que Sa relation intime avec le Père dans laquelle s’enracine Son amour sans limite ni mesure pour les pécheurs.

Et puis le mystère de la douleur de Jésus, cette souffrance dans l’étape de Sa maturité de son ministère public. Ces épreuves étaient transfigurées par Son désir de pardon, puisque c’est pour cela qu’Il est venu : « Voici mon sang versé pour la rémission des péchés. » Et au sommet de la croix : « Père, pardonne-leur. » Voilà la compréhension de l’étape douloureuse du Christ : le pardon transfigure la souffrance en ouvrant aux hommes le chemin de la Vie.

Enfin l’éclairage sur l’accomplissement de Jésus, la gloire : « Père glorifie ton fils. » Le désir du Christ est de partager la Vie du Père, la communion parfaite : « Père donne-moi la gloire que j’avais auprès de toi. »

Ecce, Fiat, Magnificat…

Encore une fois nous passons tous par ces étapes. Regardons nos journées, notre dernière semaine, nos dernières années. Nous y trouverons de la joie et de la lumière, mais aussi de la douleur et du repos dans la tâche accomplie. La différence entre un homme et un saint, c’est la manière dont on répond à ces évènements, la manière dont on assume, à la suite du Christ, les évènements qui sont source de joie comme de lumière, de douleur comme de quiétude.

Pour être un saint, faisons comme Marie : « Ecce : voici la servante du Seigneur. » Comme son Fils.

C’est le véritable motif de la joie chrétienne : être en joie de venir au monde, d’avoir une existence pour accomplir le plan du Père, ce plan étant la construction libre de ma personnalité à son image. La joie n’est pas motivée par l’argent, elle n’est pas motivée par des plaisirs, en tout cas, pas de manière fondamentale même si notre société essaie de nous procurer la joie par le plaisir. La vraie et profonde joie, à l’image de Jésus, à l’image de la Vierge, c’est la joie d’être au monde et d’exister pour accomplir le plan de Dieu, c’est-à-dire pour se construire avec Sa grâce à Son image, avec ce que nous sommes : vertus, grandeurs, mais aussi limites, défauts, et fragilités… « Ecce ancilla Domini… Voici la servante du Seigneur… »

« Faites tout ce qu’Il vous dira… »

Passer ensuite avec le Christ, et à la suite de Marie, de la joie à la lumière. C’est devenir fécond pour engendrer par ma vie christique la vérité de l’amour comme nous l’a enseigné Jésus et comme Marie sut si bien le faire ainsi qu’on le voit à Cana : « Ils n’ont plus de vin… Faites tout ce qu’Il vous dira… » Marie est comme nous : elle n’a rien, comme le lui fait remarquer Jésus, pour notre enseignement : « Malek ! » Autrement dit : « Que me veux tu ???? » Et pourtant c’est de son intervention que va jaillir le premier signe lumineux de Jésus par lequel « les disciples crurent en lui. »

Mystère de lumière nous rappelant le soleil qui, bien que simple créature astrale donne vie aux créatures… Ainsi sommes-nous simples créatures rachetées mais ayant le pouvoir d’être lumière du monde pour que les hommes glorifient le Sol invictus

Prendre sur soi la souffrance pour anéantir le Mal par le pardon…

Les étapes douloureuses, c’est partir au combat pour anéantir tout ce qui est mal ; et le mal c’est ce qui vient lutter contre ce plan de Dieu, ce qui m’empêche de me construire à Son image.

Le mal est avant tout intérieur : il est là le mal, il est en moi ! On peut effectivement me faire du mal, on peut m’injurier, m’insulter, on peut dire du mal de moi, mais cela n’est que goutte d’eau. L’obstacle à la construction du plan de Dieu à Son image : voilà le véritable mal. Ce sont donc mes refus, mes propres refus d’être comme Jésus, d’être comme mon Père du Ciel : bon, patient, miséricordieux…

Voilà les étapes douloureuses de ma vie : me mettre à la suite de Jésus. A la suite de Marie qui désirait être vierge et devint mère pour répondre à la Parole de Dieu : « Fiat » jusqu’à la Croix… La Croix où Marie perd son Fils de Dieu pour avoir un fils d’homme, perd son Seigneur pour avoir le disciple, perd le Christ pour avoir Jean, perd la Tête pour avoir le Corps… Voilà la douleur causée par le bon combat : anéantir comme Jésus l’a fait par le pardon, par la bonté, par l’amour, toutes les forces intérieures du Mal qui veulent m’empêcher de me construire à l’image de Dieu.

« Toutes les nations me diront bienheureuse… »

Et enfin la gloire : partager, comme fils, la Vie de mon Père. Etre avec Lui, Le voir et remercier pour cette communion d’amour : « Magnificat. » C’est le chant d’action de grâce de la Vierge : « Toutes les nations me diront bienheureuse parce qu’il s’est penché sur moi, saint est son nom. »

Alors réfléchissons à la manière dont nous pourrions remettre notre vie dans le Rosaire et le Rosaire dans notre vie.

Nous ne sommes pas tenus de dire un Rosaire tous les jours, mais nous pourrions chaque jour méditer un mystère pour nous apprendre à vivre notre vie comme Jésus a vécu la Sienne, parfaitement. Prier le chapelet, c’est un peu tenir la main de Marie qui a désiré vivre sa vie comme son Fils vécu la Sienne. C’est ainsi que nous deviendrons nous aussi des mères du Christ capables de L’engendrer et de Le porter au monde. Car « ma mère est celui qui écoute ma parole et la met en pratique… »

Commençons par nous mettre dans une attitude d’écoute : « Voici la servante du Seigneur » afin de pouvoir être agi par Sa Parole : « Qu’il me soit fait selon ta Parole » ! C’est là le seul vrai motif de la joie et de l’action de grâce : « Magnificat » !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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