Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« LE PERE ET MOI, NOUS SOMMES UN ! »

Ac. 13, 14-52 Ap. 7,9-17 Jn. 10, 27-30.

Avec ce 4ème dimanche de Pâques, nous abordons un thème particulièrement cher à Jésus qui est celui du Pasteur. Cher à Jésus parce que cher à Son Père : en effet, on retrouve ce thème dans tout l’Ancien Testament, en particulier dans les prophéties d’Ézéchiel. Et c’est même parmi les bergers que Yahvé prendra certains de Ses prophètes : souvenons-nous d’Amos.

« Qui es tu ? »

La première question que nous pouvons nous poser est celle-ci : pourquoi ce petit passage que nous entendrons aujourd’hui appartient au chapitre 10 (communément appelé chapitre du Bon Pasteur), puisque ces quelques phrases que Jésus lance à la tête des Juifs, ont été prononcées à la fête de la Dédicace, (en hiver précise Jean), donc approximativement au mois de décembre 29, alors que le discours du Bon Pasteur, (l’essentiel de ce chapitre 10 de Jean) a été lui prononcé lors de la fête des Tabernacles, fête automnale, donc en octobre trois mois avant ?

Ces quelques phrases ont été raccrochées au chapitre 10 tout simplement parce qu’il y a une continuité – et même une double continuité – entre le message que Jésus lance aux Juifs lors de la fête des Tabernacles et celui qu’Il vient de prononcer pour la fête de la Dédicace.

« Es-tu le Fils de Dieu ? »

Une continuité d’abord, au sujet d’une question qui tracasse les Juifs : l’identité de ce Jésus de Nazareth. Cette question est posée au Sauveur dès le début de son ministère public et ne cessera de l’être jusqu’à Sa condamnation : « Enfin, dis-nous, qui es-tu ? » C’est la question de l’origine du Christ : « Es-tu le Fils de Dieu ? Es-tu celui qui doit venir ?Es-tu le Christ ? »

Au chapitre 9 de Jean, lors de la guérison de l’aveugle-né, premier des grands miracles qui ébranleront l’establishment religieux de Jérusalem, les Anciens interrogent l’aveugle à plusieurs reprises : « Qui est ce Jésus qui t’a guéri ? » Et, cette phrase révélatrice de leur angoisse : « Nous ne savons pas d’où il est ! » C’est juste après ce bel épisode, que Jésus prononce Son discours du Bon Pasteur.

« En vérité, en vérité, je vous le dis… » Donc, le chapitre 10 contient une première réponse à la question des Juifs posée dans le chapitre 9 : « J’ai reçu ce commandement de mon Père de donner ma vie. »

Trois mois plus tard, durant la fête de la Dédicace, Jésus répond à nouveau à cette question en affirmant : « Le Père et moi nous sommes un. » En plein hiver, en pleine obscurité, en pleines ténèbres, cette réponse du Christ est encore plus explicite ! Mais c’est un blasphème qui va entraîner Sa condamnation dans quelques mois. Telle est la première continuité.

« Le Père et moi nous sommes UN. »

Regardons maintenant la deuxième continuité entre le discours du Bon Pasteur proprement dit et ces quelques phrases de Jésus prononcées trois mois plus tard et que la Liturgie nous donne d’entendre pour le 4ème Dimanche de Pâques.

Jésus, pour arriver à cette réponse explicite de Son origine divine, va employer les mêmes termes, les mêmes images, le même style qu’Il a employés lors de Son discours sur le Bon Pasteur, discours qu’Il va aujourd’hui développer et, en quelque sorte, terminer.

Dans le chapitre 10, Il exposait ce qu’est le Pasteur et ce qu’est la porte : « Je suis la porte, nul ne rentre si ce n’est par moi . » « Je suis le Pasteur… Je ne suis pas un étranger… Je ne suis pas un mercenaire. » Puis Il expliquait le rapport entre le Pasteur et la brebis.

Il le fait aujourd’hui selon ce même rythme, selon ce même genre littéraire qu’Il a utilisé trois mois avant et qui s’appelle la « Paroimia. »

La Paroimia, propre à Saint Jean, est un genre littéraire où la part du récit est réduite au minimum, (il n’y en a quasiment pas si on compare par exemple à la parabole du fils prodigue), mais où, par contre, la part du symbole et des signes est hypertrophiée. Ici, c’est le pasteur, c’est la brebis, c’est la porte, c’est le pâturage… Mais ce qu’il faut retenir, comme pour la parabole chez les synoptiques, c’est ce que l’on appelle la finale, c’est-à-dire le message que Jésus nous délivre explicitement. Et ce message, c’est celui-ci : « Mon Père et moi, nous sommes UN. »

Jésus emploie donc ce style littéraire du Bon Pasteur pour continuer, développer et terminer Son discours sur une idée apparemment étrangère à tout le reste : la réponse à Son origine.

« Je Suis le Bon Pasteur. »

En fait, les deux thèmes, celui d’aujourd’hui sur l’origine du Christ et celui des versets précédents sur le pastorat, s’éclairent mutuellement.

« Mon Père et moi nous sommes UN. » En disant cela, Jésus répond donc d’abord définitivement à la question sur Son origine : Il est Dieu.

Ce faisant, annonçant explicitement Sa divinité, Il réaffirme solennellement Son pastorat parce que pour les Juifs, il n’y a qu’un seul Pasteur, c’est Yahvé : « Je suis ton Pasteur… » « Tu es mon troupeau… », dit Yahvé dans l’Ancien Testament. Donc, en s’égalant au Père, (« Mon Père et moi, nous sommes UN »), Jésus affirme non seulement Sa divinité, mais qu’Il est le Berger, le Guide.

Il n’est pas comme tous les autres qui sont des voleurs, des mercenaires, des étrangers.

L’homme est un étranger au troupeau. Il n’est pas le berger, parce qu’il n’a pas façonné les brebis comme le Créateur divin nous a façonnés.

L’homme est un voleur lorsqu’Il se dit berger, parce qu’il prend justement le bien de Dieu : « Tu es à moi Israël… »

Enfin, l’homme qui se dit berger est un mercenaire, parce que, s’il conduit le troupeau, c’est toujours pour son profit quel qu’il soit, spirituel, matériel, intellectuel. Alors que l’Amour de Dieu, est toujours et totalement gratuit et n’a qu’une finalité : le bonheur des brebis et non la richesse égoïste du berger…

« Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent… »

Lorsque Jésus disait (trois mois avant dans les versets qui précèdent ce que nous entendons aujourd’hui) : « Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent… », est-ce que cela ne veut pas dire qu’il y a une connaissance mutuelle et profonde, totale, du moins du côté de Jésus ?

Cette connaissance nous parvient par l’Eucharistie : « Celui qui me mange vivra par moi. »

Or, nous aurons remarqué que toute cette semaine, nous avons entendu dans l’évangile des messes quotidiennes, le Discours sur le Pain de Vie : par la communion eucharistique, le Christ qui entre en moi devient mon moi le plus élevé, le plus profond, mon nouveau moi de fils de Dieu. La connaissance que le Christ a de moi-même est plus qu’une connaissance intérieure, c’est une connaissance de Soi. Jésus me connaît car Il Se connaît parfaitement !

Et n’y a-t-il pas enfin dans cette relation pasteur-brebis le don réciproque de la Vie ? « Je donne ma vie pour mes brebis… » Et : « Mes brebis me suivent… », « Qui veut me suivre prend sa croix tous les jours… » c’est-à-dire offre sa vie, perd sa vie…

Il y a donc dans le rapport pasteur-brebis, les trois mêmes caractéristiques qui ‘causent’, symbolisent et façonnent l’unité entre Jésus et Son Père : être tourné vers, comme l’écrit Jean dans son Prologue, être dans une connaissance réciproque parfaite et enfin se donner mutuellement la vie.

C’est pourquoi le thème du pastorat développé avant dans le chapitre 10 et le thème de l’origine divine de Jésus qui est présenté en cette liturgie dominicale sont liés au point de ne faire qu’une seule chose, ce qui explique le rattachement de ces quelques versets au chapitre traitant du Bon Pasteur.

« Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés… »

Et nous comprenons alors aussi quelle est la conclusion du discours du Bon Pasteur : la relation entre Jésus et le chrétien est de même nature que la relation entre le Père et le Fils.

Comme Jésus dit de Son Père : « Le Père et moi nous sommes UN », nous, chrétiens, nous pouvons dire : Jésus et moi, nous sommes UN.

Oui, de même que le Fils peut dire que le Père est avec Lui, et que le Père est en Lui, (« Je suis dans le Père comme le Père est en moi »), nous pouvons dire que Jésus est avec nous et que Jésus est en nous.

Voilà le message si beau, si délicat que Jésus donne aux Juifs, et, à travers les Juifs, « à tous ceux qui croiront en sa Parole » : « Le Père et Moi, nous sommes UN », vous et moi, nous sommes UN : vous en Moi et Moi en vous !

 Saint temps pascal à vous tous !

 

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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