Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« JE SUIS LE BON PASTEUR QUI DONNE SA VIE POUR SES BREBIS ! »

Lectio divina pour le 4ème Dimanche de Pâques
Act.13, 14-52 Apoc.7, 9-17 Jn.10, 27-30

Après avoir célébré l’Agneau immolé, durant ces trois dernières semaines pascales, nous célébrons aujourd’hui le Pasteur. Et ce n’est pas un simple hasard si l’Eglise nous propose ces deux titres particuliers que l’Ecriture donne à Jésus soit directement, soit indirectement comme nous allons le voir. C’est pour nous aider à approfondir le regard que nous avons sur notre Maître, sur notre Sauveur, et ceci pour nous préparer au mystère de Son Corps que nous célébrerons dans maintenant trois semaines : le mystère de l’Eglise à la Pentecôte.

« Yahvé fut mon Pasteur. »

Dans la Collecte nous prions Dieu le Père de « nous accorder une place au Ciel, là où est entré victorieux notre Pasteur, » Jésus. Expression que l’Eglise emploie à juste titre dans cette prière puisque le Christ Lui-même s’est donné ce nom de pasteur dans le chapitre X de saint Jean que nous entendons dans l’Evangile : « Je suis le Bon Pasteur. »

Cette appellation que Jésus se donne a un relief saisissant pour les auditeurs du Christ que sont les apôtres, les disciples, tous ceux qui Le suivent, baignés, plus ou moins suivant leur culture, leur intelligence, leur connaissance religieuse…, dans cette eau fertile de la Torah et de l’Ecriture.

Car Jésus utilise une dénomination que Yahvé s’est donnée dans l’Ancien Testament. Ce qui n’est pas le cas d’autres appellations comme celle de la Lumière, celle du Pain, celle du Cep, utilisés certes dans la Bible, mais non pas comme dénomination personnelle de Dieu.

Souvenons-nous de ce passage d’Ezéchiel où Yahvé déclare qu’Il va chasser les mauvais pasteurs et qu’Il sera Lui-même le Pasteur de Son troupeau, le Pasteur d’Israël, de Son peuple Jacob ; il n’y aura alors plus qu’un seul troupeau et un seul pasteur. C’est d’ailleurs Jacob qui, le premier, emploiera ce nom de Pasteur pour désigner Dieu à l’instant de bénir ses enfants : « Yahvé fut mon Pasteur. »

« Je suis le Bon Pasteur. »

Donc lorsque Jésus emploie ce nom, cela veut dire, pour les auditeurs de Jésus et pour nous-mêmes qui écoutons Jésus à travers la proclamation de l’Evangile, que cet homme qui est bon, cet homme «  qui passait et faisait du bien » (c’est la première prédication de saint Pierre) cet homme parmi les hommes, cet homme véritablement homme, qui a souffert -dit encore Pierre- qui nous a laissé Ses souffrances et Sa soumission en exemple afin que nous fassions de même, cet homme est véritablement Dieu puisqu’Il s’attribue ce nom du Pasteur !

Et cela nous révèle en conséquence que Dieu qui est Pasteur est aussi Bon ! Il est le Bon Pasteur. Jésus en tant qu’homme s’attribuant le titre de la divinité, le titre du pastorat suprême qui accompagne le peuple d’Israël, révèle par cette dénomination qu’Il se donne la bonté du pastorat de Dieu !

Non seulement donc Dieu est Pasteur comme on peut dire qu’Il est Créateur tout-puissant, mais Il est Bon Pasteur. Il n’est pas un mercenaire. Il n’est pas intéressé, Il ne fuit pas devant la difficulté et devant l’ennemi, au contraire Il défend, Il ira même jusqu’à donner Sa vie pour cela !

« Dieu, Père tout-puissant et Pasteur plein de bonté… »

Dans la postcommunion nous prions « Dieu, Père tout-puissant et Pasteur plein de bonté… » Donc nous redonnons au Père le titre que Jésus Lui a emprunté pour signifier que Lui et le Père Ils sont un, comme Il le dit dans l’Evangile. Nous découvrons ainsi que, contrairement à une multitude de mouvements religieux, voire de sectes, Dieu ne se présente pas comme le chef, Il ne se présente pas comme celui qui utilise, Il ne se présente pas comme le mercenaire : Il se présente comme le Pasteur Bon.

Mais comment Jésus manifestera-t-Il précisément cette bonté du pastorat suprême que le Père et Lui partagent dans l’unité de la Trinité ?

Tout d’abord en enseignant.

Jésus enseigne. « Voyant la foule qui Le suivait et les regardant comme un troupeau perdu sans pasteur, alors Il ouvrit la bouche –contrairement à l’agneau qui n’ouvre pas la bouche, en tant que pasteur Il ouvre la bouche- et Il les enseigna. »

Que leur dit-Il ? Il leur donne la Parole !

Il ne leur donne pas -dans un premier temps- Sa parole contrairement à ces autres mouvements religieux de sectes, qui justement sont sectaires parce qu’ils donnent une parole, la parole d’un chef, d’un leader, d’un idéologue, d’un philosophe, d’un faux prophète. Jésus donne la Parole qui est la Parole de Dieu, qui est la Parole créatrice, la Parole qui a fait le monde, qui conserve et soutient le monde, la Parole qui est Esprit et Vie : « Mes paroles sont esprit et elles sont vie » rapportera saint Jean.

C’est donc que Jésus nous donne la Parole de Dieu et non pas sa parole personnelle : « Tout ce que je vous dis, je vous le dis parce que je l’ai vu et entendu auprès du Père ».

« Au commencement était le Verbe et le Verbe était Dieu… »

Mais dans un deuxième temps nous savons qu’Il est, Lui, la Parole de Dieu. Il est ce Verbe dont nous a parlé saint Jean dans son Prologue. Comme Il est la Parole du Père, en fait c’est Lui-même qu’Il donne ! Nous saisissons la différence : Il ne donne pas sa parole en tant qu’elle Lui appartient individuellement ; Il donne la Parole du Père, qui est Lui-même, donc Il se donne !

Cela devrait être l’attitude et la mission, l’apostolat de tout prêtre. De tout apôtre ou baptisé, c’est vrai ; mais surtout du prêtre ou de l’évêque qui est chargé, à la suite du Christ-Tête, d’enseigner le troupeau. Normalement, nous les prêtres devrions arriver par notre sainteté et notre dépouillement personnel à vous donner, non pas notre pauvre parole humaine, mais bien la Parole de Dieu.

Et conformés au Christ-Prêtre, au Christ-Pasteur, nous devrions arriver à vous donner cette Parole de Dieu en nous donnant nous-mêmes comme le Christ s’est donné puisqu’Il est Parole.

« Je donne ma vie pour mes brebis… »

Lorsque l’on réfléchit à ce don que Jésus, en tant que Verbe, fait de la Parole de Dieu, on est appelé, même avant la Passion, à se dire qu’Il va se donner puisqu’Il est cette Parole… Et effectivement Il donne Sa vie ! Il le dit dans l’Evangile quelques versets plus haut : « Je donne ma vie pour mes brebis… »

Et comme Il possède la vie en plénitude, en donnant Sa vie Il donne la Vie éternelle : « Je leur donne la vie éternelle. »

Le Christ en tant qu’Il est Verbe à l’écoute de Son Père (« Je ne fais rien d’autre que de faire les œuvres de mon Père »), est l’Agneau, Celui qui suit Son Père.

Mais oui ! C’est par obéissance qu’Il a sauvé le monde dit l’épître aux Hébreux ; Il écoute et Il transmet. Et par le sang versé, Il est le Pasteur qui défend le troupeau.

D’un autre côté, le Christ, en tant qu’Il proclame la Parole, est Pasteur et en tant qu’Il verse son sang Il est Agneau.

Ce qui nous montre qu’il n’y a pas de contradiction entre l’Agneau de l’Apocalypse de Jean et le Pasteur du chapitre X de Jean. Le Christ est Pasteur et le Christ est Agneau parce que pour être Bon Pasteur il faut qu’Il donne Sa vie pour Ses brebis c’est-à-dire qu’il faut qu’Il soit l’Agneau !

« Qui me mange vivra par moi ! »

De même le baptisé et -à un autre degré- le prêtre ou l’évêque pour être pasteurs doivent donner leur vie. Et dans le Mystère eucharistique, qui est l’anticipation du Mystère pascal -comme nous l’avons célébré le Jeudi Saint- pour la continuation de ce Mystère jusqu’à la fin des temps, nous retrouvons ces deux dimensions de Jésus qui sont, non seulement inséparables, mais imbriquées l’une dans l’autre : le pastorat et l’immolation de l’Agneau.

Ces deux dimensions sont la dimension de la Parole et la dimension du Sacrifice. Le Sacrifice que nous célébrons sera, aujourd’hui encore et comme chaque jour, la mise en acte, l’exemplarité, l’offrande que le pasteur qui vient de nous enseigner va faire devant nous, pour nous et avec nous dans la mesure où nous y participons de cœur.

Ceci afin que Sa Parole devienne nôtre, afin que Sa Parole entre dans notre cœur et qu’ensuite en sortant de l’église, dans la semaine qui suit, nous puissions, nourris de cette Parole, nourris du pain de Dieu, donner aux autres le pain de notre amour qui est le pain de l’Amour de Jésus.

L’Eucharistie est véritablement la prolongation du mystère pascal. C’est comme cela que nous devons la vivre. C’est dans chaque Eucharistie et en particulier l’Eucharistie dominicale, que nous continuons jusqu’à la fin du monde, de génération en génération, à recevoir la Vie éternelle que le Christ a donnée à Ses apôtres par l’enseignement de Sa Parole et par Son Sacrifice unique, une fois pour toutes, sur la Croix.

« La vie éternelle c’est qu’ils te connaissent, toi… »

Mais qu’est-ce que la Vie éternelle ?

La Vie éternelle c’est d’être avec le Père. Nous nous souvenons du chapitre 17 de saint Jean : « La vie éternelle c’est qu’ils te connaissent, toi le Dieu unique et véritable et celui que tu as envoyé ». Être avec le Père…

Alors ne posons pas la question comme Philippe : « Montre-nous le Père et cela nous suffit. Voyons Philippe, depuis trois ans que tu es avec moi tu ne sais pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi… Le Père et moi nous sommes un. »

Donc être avec le Père dans la Vie éternelle, c’est être avec le Fils, avec le Christ et d’une certaine manière. Car, oui, attention ! Pas n’importe comment ; il ne s’agit pas d’être à côté du Christ ! Il s’agit d’être dans le Christ : « Demeurez en moi. »

Et là encore ce n’est pas suffisamment précis et Jésus précise là de quelle manière je dois être en Lui : dans Sa main ! « Nul n’arrachera les hommes qui seront dans ma main. »

Être dans la main de Jésus, c’est accepter de se laisser prendre par Lui comme le papillon, l’oiseau ou la coccinelle sont pris par l’enfant qui veut les câliner, les admirer, leur donner sa tendresse…

Se laisser prendre par le Christ qui nous regarde avec émerveillement puisque nous sommes à l’image de Son Père ; pour nous laisser guider, accompagner, garder.

« Moi je suis le Bon Pasteur, le vrai berger ».

Le Christ marche avec nous comme avec les compagnons d’Emmaüs, mais la différence c’est que nous sommes dans Sa main. Et c’est pour cela qu’Il nous rabâche dans ce chapitre X de saint Jean qu’Il est le Bon Pasteur, le vrai Pasteur, qu’Il n’est pas le mercenaire, c’est Lui le Pasteur, il n’y en a qu’un, c’est Lui : « Je suis le Bon Pasteur, moi je suis le Bon Pasteur, le vrai berger ».

Parce que le vrai pasteur que fait-il ?     

Il guide d’abord, il est en tête, même si maintenant dans une espèce de souci démagogique on dit que les chefs sont derrière… Le chef est en tête comme la Nuée dans le désert de l’Exode. Il guide vers le Père, Il est la Vie : « Nul ne va au Père si ce n’est par moi. » Voilà le vrai berger car le vrai berger marche à la tête de son troupeau.

Ensuite le vrai pasteur accompagne : il fait le serre-file, il est la Voie, il est la route. Jésus le dit Lui-même : « Je suis la vie, je suis la voie… »

Et le vrai Berger garde avec ses chiens. Il garde, Il protège, il protège du mal, Il est la Vérité, Il nous éclaire, Il nous indique ce qui est bon pour nous et ce qui est mauvais pour nous. Il révèle l’homme à l’homme, il révèle notre vocation. Il nous donne des jalons lumineux sur la route. Il ne nous oblige pas, Il nous indique le chemin. Il est la vérité, Il est la vie, Il est la voie.

 « Je suis la vie, je suis la voie… »

Être avec le Père, c’est être avec le Christ. Être avec le Christ c’est être dans la main du Christ. Être dans la main du Christ c’est se laisser guider par la Vie, se laisser garder par la Vérité, se laisser accompagner par la Voie.

Et c’est cela qu’est Jésus, c’est cela qu’Il nous révèle. Oui, Jésus est ami de l’homme mais Il est le Berger, le Pasteur, Celui qui est au milieu de Son troupeau, Celui qui est à la tête de Son troupeau, Celui qui accompagne Son troupeau, Celui qui garde Son troupeau.

Alors nous nous posons une question à mi-parcours entre ce mystère du Christ et le mystère de l’Eglise qui va continuer le Mystère du Christ, qui va le diffuser, le propager grâce à la création de l’Eglise par cette volonté de Jésus : « Je vous remets l’Esprit ; ceux à qui vous remettrez leurs fautes elles seront remises, ceux à qui vous ne les remettrez pas elles seront retenues… » « Allez, baptisez, enseignez… »

Donc nous nous posons cette question : d’abord est-ce que je me laisse guider, accompagner, garder par le Christ ?

Question difficile puisque le Christ je ne Le vois pas, je ne Le touche plus. Nous sommes dans l’économie post-pascale, l’économie de la Résurrection, l’économie du Sacrement c’est-à-dire que le Christ vient à moi par l’intermédiaire d’un signe.

Le grand sacrement, c’est l’Eglise !

Le grand sacrement, c’est l’Eglise et les sept mains de l’Eglise sont les sept sacrements qui accompagnent, gardent et guident l’homme du Baptême jusqu’à sa pâque

Alors nous nous posons cette question : pour entrer dans la Vie éternelle, pour avoir cette Vie éternelle dont parle Jésus, pour appartenir au Royaume, est-ce que je suis dans la main du Christ, est-ce que je me laisse guider, garder, accompagner par le Christ ?

Autrement dit, est-ce que je me laisse guider, garder, accompagner par l’Eglise, par l’évêque, par les prêtres qui sont là, comme Jésus, pour nous guider, pour nous garder, pour nous accompagner ?

Est-ce que je suis à l’écoute de ce qu’ils disent ? Est-ce que je me laisse défendre par eux, par le sacrement de Réconciliation, par l’enseignement ?

Est-ce que j’ai le désir d’être accompagné dans ma progression spirituelle sur ma route ? Est-ce que j’ai le désir de me laisser guider par la lumière qu’ils représentent, non pas leur propre lumière, non pas leur propre parole, mais la Lumière de Jésus, la Parole de Jésus qu’ils possèdent parce qu’ils sont ordonnés ?

Voilà la question que nous pouvons nous poser pour essayer déjà de bien nous préparer à cette fête de Pentecôte : quelle est ma situation de chrétien par rapport au Vicaire du Christ-Berger qui est le Pape, donc les évêques, donc les prêtres qui sont chargés à la suite du Bon Pasteur de nous guider, de nous accompagner et de nous garder ?

Mgr Jean-Marie Le Gall

Communauté Saint Martin

Retrouvez la lectio divina quotidienne (#twittomelie, #TrekCiel) sur tweet : @mgrjmlegall