Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

DANS L’ACTION DE GRACE PRIEZ ET SUPPLIEZ… »

Lectio divina pour le 27ème Dimanche Ordinaire
Is.5, 1-7 Phil.4, 6-9 Mt.21, 33-43

Le 27ème dimanche est un plaidoyer du Christ pour nous décrire l’Amour infini de notre Père. Nous repèrerons facilement les redondances significatives de la Collecte qui soulignent la nature de l’amour divin : inépuisable, comblant, bien au-delà, plus que… Celles-ci ne font que résumer les différents messages de la Parole, tant celle d’Isaïe avec le célèbre chant de la vigne céleste que celle de Paul nous rappelant que le but de notre Père est de garder notre cœur dans le Christ pour que nous ne fassions qu’un avec Lui…

« La vigne du Seigneur c’est la maison d’Israël. »

Avec le monde divin, nous sommes à l’opposé de nos manières d’aimer qui sont rarement gratuites et paisibles, mais si souvent mesurées et inquiétantes. Nous sommes, oui, inquiets du propre amour que nous portons à l’autre (va-t-il le recevoir ? va-t-il y répondre ?…) et même de l’amour que nous recevons d’un autre (pourquoi ? jusqu’où ? et à quand ?…)

En Dieu rien de tel, bien au contraire : Son Amour est tel que, si nous Le recevons, Il est capable de délivrer notre conscience inquiète ! C’est dire s’Il nous prend et nous soulève puissamment de l’intérieur, comme s’Il nous avait faits, telle Sa vigne, pour arriver à libérer le fardeau de la conscience dont nous seuls avons la clé !

Infini dans le temps, l’Amour du Père partage Sa Puissance créatrice

Paul a donc bien raison de souligner que le Père nous a recréés en Jésus, comme il l’écrivait aux Philippiens : « Dieu nous a créés en Jésus Christ pour que nos actes soient vraiment bons. » C’est ce peuple recréé qui est décrit dans la parabole des vignerons homicides, texte exceptionnellement rapporté par les trois synoptiques, ce qui en souligne l’importance et la gravité.

Ethnos dira le grec pour décrire les « autres vignerons ». La Vigne est le Royaume, mais l’ethnos n’est pas l’Église dans sa plénitude ; c’est plutôt le peuple obéissant que l’Église pèlerine est appelée à devenir en suivant, par exemple, les instructions que Paul nous donne dans la 2ème lecture : « Ne soyez inquiets de rien, mais en toute circonstance, dans l’action de grâce, priez et suppliez pour faire connaître à Dieu vos demandes… »

Le Salut pour ce peuple recréé n’est pas un acquis, mais une tâche à accomplir. Et face à cette vocation à porter du fruit et à l’offrir au Seigneur, le contre-exemple du peuple élu reste une méditation toujours actuelle.

N’allons pas croire que le temps des prophètes est dépassé…

Ce qui a été vécu dans l’ancienne Alliance, et qu’Isaïe raconte, avec délicatesse mais dureté, doit être pris par chacun comme un avertissement constant, ainsi que l’épître aux Hébreux nous le recommande : « afin que plus personne ne tombe en suivant l’exemple de ceux qui ont désobéi. ».

C’est donc de désobéissance qu’il s’agit. Non pas la contrefaçon qu’en fait notre monde ignorant ce que liberté des enfants de Dieu veut dire. Il ne s’agit pas tant de vouloir s’échapper comme le fils prodigue que de savoir conjuguer l’autonomie de ma liberté de fils de Dieu avec ma dépendance de créature.

Rendre grâce, c’est rendre la grâce toute habillée de soi…

Les fruits que le Paterfamilias vient chercher sont la louange reconnaissante de la création.

C’est ce qu’avait compris François d’Assise que nous fêterons sous peu : « L’amour me mit dans le feu, il m’a mis dans une fournaise d’amour. » Il partagea avec Paul ce zèle à chanter la louange de Dieu, en présentant à son Père les fruits de « la grâce qui n’a pas été vaine » en lui.

Le Maître de la vigne n’attend rien d’autre, dans Sa bienveillante paternité, que de voir Ses fils se nourrir de Son héritage oui, mais en Lui faisant eucharistie de ses biens, c’est à dire en rendant grâce pour ce qu’ils sont grâce à Sa grâce…

La fécondité spirituelle n’est vraie que si elle me tourne avec mes frères vers le Père Source de tous les biens. Car, Paul ne cesse de le redire, c’est bien par grâce qu’ils sont sauvés, cela ne vient pas d’eux, c’est le don de Dieu : « Dieu est riche en miséricorde ; à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a fait revivre avec le Christ : c’est bien par sa grâce que vous êtes sauvés. »

Bannir avec Augustin ce péché d’origine qu’est l’avarice…

C’est ce que les premiers vignerons n’ont pas compris, qui se sont engorgés des fruits récoltés. A eux la gloire de la vérité et des certitudes morales, à eux la gloire d’une vie religieuse fondée sur l’élection incommunicable, à eux la gloire d’être uniques comme leur Dieu…

A nous aussi peut-être la vanité de nos positions sociales et de nos qualités ?

A nous aussi peut-être l’avarice de nos talents et l’incapacité à concevoir que tout ce que nous sommes, nous le Lui devons ?

A nous également la toute puissance réelle ou supposée devant la maîtrise de la vie, de l’avenir, de la science ?

A nous enfin l’appropriation de notre vocation ?

Non ! Ce qu’il faut, pour appartenir à l’ethnos, c’est savoir rendre grâce en toutes choses : « Rendez grâce en toute circonstance : c’est ce que Dieu attend de vous dans le Christ Jésus » recommanda Paul aux Thessaloniciens, comme il y invitait également les Ephésiens : « A tout moment et pour toutes choses, rendez grâce à Dieu le Père, au nom de notre Seigneur Jésus Christ. »

Remettons donc chaque jour entre les mains du Seigneur les quelques fruits de notre vigne personnelle, aussi petits soient-ils, car sans Lui nous n’aurions rien pu faire ni rien donner précisait Jésus à ses Apôtres. Et c’est en prenant conscience de la productivité divine en notre cœur que celui-ci, dans la reconnaissance, s’ouvrira spontanément toujours plus pour recevoir la Semence qui le rendra fertile d’amour et de joie !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Communauté Saint Martin

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