Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

ALLEZ A MA VIGNE ET JE VOUS DONNERAI CE QUI EST JUSTE !

Lectio divina pour le 25ème Dimanche Ordinaire
Is.55, 6-9 Phil.1, 20…27 Mt.20, 1-16

Il suffit d’entendre la parabole des ouvriers de la vigne, pour s’apercevoir qu’effectivement, les pensées de Dieu, ne sont pas nos pensées, et que les chemins du Seigneur ne sont pas les chemins de l’homme comme nous le rappelle la première Lecture. Et si nous participons à la messe dominicale c’est justement pour que, peu à peu, dans la force dynamique et transformante de Jésus-Eucharistie, nos pensées deviennent les pensées de Dieu, qu’il y ait une véritable connaturalité entre notre perception de la vie, notre manière de voir (et particulièrement de voir l’homme dans son mystère) et celle de Dieu.

N’est-ce pas à cela d’ailleurs que nous sommes appelés ? « Vous êtes participants de la nature divine » dit Saint Pierre. Et Jésus de nous inviter à rejoindre le Père dans Sa perception du monde, dans Sa compréhension des réalités les plus simples comme les plus complexes, telles que l’âme humaine ou le mystère de la souffrance : « Soyez saints, soyez parfaits, comme votre Père est parfait » !

Etre sacrement de la Miséricorde divine…

Aujourd’hui, avec la Collecte, l’Eglise nous interpelle à nouveau sur la charité de Dieu : « Seigneur, Tu as fait que toute la loi consiste à T’aimer et à aimer le prochain… Donne-nous de pratiquer ce commandement. »

Déjà, dimanche dernier, nous avions été interpellés, au sujet du pardon, sur l’amour à produire avec la grâce de Dieu. Nous avions détecté un appel de Jésus à pardonner comme Dieu, sans mesure : « Non pas sept fois mais soixante-dix fois sept fois »… à un frère qui nous a blessé de manière médiocre par quelque injustice, quelque médisance, quelque tort, quelque mensonge. Et pourquoi ? Parce qu’en fait, comme nous l’écrivions, c’était Dieu qui, en nous, était touché, c’était l’image de Dieu en nous, notre filiation divine.

Et comme c’est Dieu qui est touché en moi, je suis appelé, et même tenu, à pardonner comme Dieu. Je suis appelé à être le canal par lequel le pardon de Dieu va redescendre sur ce frère qui a fait du mal. J’ai vocation à être le sacrement de la miséricorde divine. Comme le Fils et bien sûr en Lui. Puisque je suis le canal par lequel le mal monte pour atteindre Dieu, je dois être le canal par lequel Son pardon infini va passer à travers mon cœur, pour aller toucher celui qui m’a fait mal. Pardon infini bien sûr, car c’est Dieu qui est touché ; et parce que c’est ce même Dieu d’amour infini qui pardonne à l’offenseur…

« Allez travailler à ma vigne… »

Aujourd’hui, l’Eglise nous demande de considérer non plus le don que Dieu fait après une faute (ce qu’on appelle le par-don), mais le don que Dieu fait après une œuvre bonne, ce qu’on appelle la justice.

Parce que c’est bien de justice dont il s’agit, dans l’Evangile. Le Christ fait dire au vigneron: « Allez donc à ma vigne, et je vous donnerai ce qui est juste. »

Quelle est la condition pour recevoir, de la part de Dieu, ce qui est juste ? Répondre tout simplement à l’exhortation de Dieu qui est le vigneron comme le précise Jésus dans l’évangile de Jean (15,1) « Allez travailler à ma vigne ! », cette vigne qui est l’Eglise. Acceptez d’être ouvriers !

L’ouvrier est celui qui fait l’œuvre : nous sommes donc honorés d’être appelés par Dieu Lui-même, ouvriers de Dieu… C’est dire que nous sommes appelés à participer à Sa création et à cette création encore plus belle que la première, qui est la recréation de l’homme par Son Fils Jésus comme le note Saint Paul : « Dieu nous a créés en Jésus Christ pour que nos actes soient vraiment bons… »

« Allez travailler à ma vigne… » : acceptez d’être ouvriers de la Rédemption, de faire s’extravaser sur le monde la Charité de l’Esprit qui est l’âme de l’Eglise. Acceptez de répandre la Bonne Nouvelle du Salut…

« Je vous donnerai ce qui est juste… »

Allez, allez travailler à ma vigne : C’est tout le thème de l’encyclique que saint Jean-Paul II écrivit en 1988 pour rappeler aux laïcs, aux christi fideles, quelle est la mission essentielle du baptisé : répandre la Bonne Nouvelle de Jésus.

Et ceci quelle que soit la période de l’histoire de l’Eglise. Il y a les premiers apôtres : Pierre, Jean, Matthieu, et tous ces ouvriers de la première heure qui ont été appelés par le Maître Lui-même. Et puis, il y a nous, et il y aura nos successeurs. Il y aura toujours des ouvriers de la dernière heure !

Il y a les jeunes et il y a les moins jeunes. Quelle que soit cette heure de la journée où le Maître est là qui t’appelle : que tu sois à l’aurore ou au crépuscule de ta vie, vas-y ! C’est la seule condition que Jésus te pose pour avoir droit à Sa justice.

Un appel qui regarde tous et chacun de nous…

La justice de Dieu va effectivement répondre à ce travail que Jésus nous demande. Et comment va-t-elle y répondre ?

Précisons d’abord que la justice de Dieu, se fonde sur un appel : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et qui vous envoie, pour que vous portiez du fruit et un fruit qui demeure. » C’est le maître de la vigne qui sort de sa propriété, va au-devant des ouvriers, (timides, timorés, comme les apôtres) et vient les appeler : « Allez, venez travailler à ma vigne ! »

Cet appel gratuit du Maître est universel. Il exprime, d’une certaine manière, l’appel universel à la sainteté que le Concile Vatican II a voulu remettre en valeur. Comme nous venons de le souligner, il s’adresse à tous et à toutes, de toutes les époques et sous tous les cieux.

« Je prêche l’évangile pour y avoir part ! »

Et tous et toutes seront rétribués. De quelle manière ? En surabondance ! La surabondance est ce qui définit la justice de Dieu. La surabondance n’est pas un avatar de la justice de Dieu.

Nous avons toujours ce réflexe de parler de la justice de Dieu et puis de placer au-dessus de cette justice la miséricorde. Comme si Dieu pouvait se contredire ! Mais non : la justice de Dieu est miséricorde ! C’est-à-dire qu’elle est surabondance, gratuité, don…

Regardons de quelle manière le maître parle de justice dans cette parabole. Ce n’est pas aux premiers ouvriers que le maître précise qu’il donnera ce qui est juste. C’est à ceux qui commencent en retard et qui, ils le savent déjà, ne pourront pas donner tout leur temps au travail.

Ce qui est juste pour Dieu n’est pas forcément ce qui est juste pour l’homme. C’est la surabondance du fruit, c’est la surabondance de la grâce, c’est la surabondance de la Vie de Dieu, ce que Saint Paul dira dans son épître aux Romains : « Je prêche l’évangile pour y avoir part » pour être moi-même sanctifié par ce message que je transmets.

Parce qu’il n’y a pas de meilleur moyen de vivre sa foi que de la comprendre, c’est à dire la ‘prendre-avec’ soi, en vivre. Et il n’y a pas de meilleur moyen pour comprendre sa foi que de travailler à la transmettre, de se mettre la tête dans l’évangile, de se mettre devant le Saint Sacrement, de se mettre en état de contemplation sur Celui qui m’appelle et qui me dit : « J’ai besoin de toi : donne-Moi ta bouche, tes bras, donne-Moi ton cœur et ton esprit pour témoigner, pour être comme un autre Moi-même pour étendre Mon Evangile sur le flux du temps jusqu’à la fin du monde, « une humanité de surcroît » ainsi que s’exprimait Ste Elisabeth de la Trinité ! »

« Sans moi, vous ne pouvez rien faire… »

La surabondance du fruit que je récolte, la surabondance de la justice de Dieu qui m’est faite quelle que soit l’heure à laquelle je me suis mis à la mission, c’est l’Eucharistie reçue et que je vis mieux parce que j’y ai réfléchi pour pouvoir la porter en moi dans le monde… C’est le sacrement de la Réconciliation avec lequel je suis plus honnête, parce que j’ai réfléchi sur cette démarche qui renouvelle mon cœur pour pouvoir vivre d’un amour toujours plus vrai… C’est tout simplement et avant tout la Parole de Dieu, que je pénètre plus profondément, parce que je La lis, que je La relis et La rumine pour La donner en pâture à mon prochain en La vivant, en L’incarnant en moi, en laissant le Verbe incarné vivre en moi substantiellement et sans limite…

Dieu ne peut-Il faire quelque chose sans nous ?

Si nous savions comment Dieu a besoin de l’homme ! Nous nous souvenons de ce que dit Jésus après la Cène : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire. » C’est vrai, mais aujourd’hui le message de l’Evangile est contraire, il nous dit : sans nous, Dieu ne peut rien faire ! Sans l’homme, Dieu ne peut convertir l’homme. Parce qu’Il l’a voulu ainsi : Il a voulu une Eglise, Il a voulu des baptisés, Il a voulu des témoins, des apôtres, des martyrs, des enseignants, des docteurs…

Il a voulu d’autres Lui-même pour répandre et pour diffuser et pour communiquer Sa charité, pour communiquer Sa Bonne Nouvelle. Il a voulu, dans Sa charité débordante, nimiam caritatem, nous associer à Son Œuvre de Miséricorde, nous qui sommes naturellement si peu miséricordieux. Et ceci justement, pour que nous le devenions ! C’est ce qu’avait si bien compris Mère Térésa qui écrivait : «Qu’en me regardant ce ne soit pas moi qu’on voit mais Toi en moi. Demeure en moi. Ainsi je resplendirai de Ta splendeur et pourrai servir de lumière pour les autres. »

Si nous savions comment Dieu a besoin de nous pour notre propre bonheur, nous serions plus empressés à vouloir travailler à Sa vigne à notre place, et ceci en fonction de notre devoir d’état. Comment voulez-vous que la foi se répande, si personne ne l’enseigne et comment voulez-vous que quelqu’un l’enseigne si personne n’est envoyé, disait Paul ?

« Celui qui me suit aura la lumière de la Vie ! »

C’est pour cela, que la rétribution de Dieu est fort grasse ! Parce que, si Dieu nous aimante par le pardon, nous, nous aimantons Dieu par notre humanité dont Il voulut avoir besoin pour que tous les hommes puissent entendre un jour le message de l’Evangile.

Et si nous répondons oui, si nous décidons aujourd’hui de répondre oui, (par la catéchèse ou par l’apostolat en famille, par le travail, par une collaboration aux œuvres de la paroisse ou aux œuvres de charité…), si nous décidons de répondre oui, nous nous apercevrons que nous sommes à la fois des ouvriers de la première heure avec lesquels Dieu passe un contrat -Sanctifie tes frères et Je te sanctifierai !- et que nous sommes aussi des ouvriers de la dernière heure. Pourquoi ? Car quel que soit le travail que nous aurons fourni dans cet apostolat, notre récompense sera toujours disproportionnée à ce que nous aurons fait. En effet, nous aurons gagné de partager la Vie divine, dès ici-bas et en préparation du Ciel.

Mgr Jean-Marie Le Gall

Communauté Saint Martin

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