Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

IL FAUT QU’IL CROISSE ET QUE JE DIMINUE…

Lectio divina pour le 1er Dimanche de Carême
Gn.9, 8-15 1Pi.3, 18-22 Mc.1, 12-15

En ce début de Carême, nous devons bien prendre garde à l’esprit dans lequel l’Eglise veut nous faire vivre cette quarantaine. Les lectures nous montrent avec la première, que Dieu fait Alliance avec l’homme ; ensuite, Pierre nous parle du Baptême et de la Résurrection ; l’Evangile enfin nous parle de Jésus qui annonce le Royaume. Ce qui doit donc présider à notre entrée en Carême, à notre réflexion, et à notre action quadragésimale, c’est cet Amour que Dieu nous porte pour nous donner la Vie par l’intermédiaire de Jésus.

Le Carême n’est pas le Ramadan, n’en déplaise à certains. Ce temps est, avant tout, un temps christique : nous entrons en Carême parce que Jésus y est entré. C’est un temps d’amour, et je dirais même de joie parce qu’il fait référence à l’Alliance que Dieu veut faire avec nous.

« On appellera ta terre épousée… »

Car le Carême, c’est bien cela. Il est centré sur cette Alliance dont nous parle le livre de la Genèse. L’Alliance c’est l’élection puisque le mot hébreu qui exprime l’Alliance vient du mot hébreu qui signifie le choix, l’élection d’une personne, d’une famille ; et donc ici le choix par Dieu d’un peuple et finalement du monde à travers Adam, Noé, Abraham, Moïse, Israël et l’Eglise.

C’est un choix tout gratuit que Dieu fait de toute éternité pour être en communion avec nous, plus exactement pour donner à l’homme la communion avec Dieu, pour lui donner la Vie, d’où le symbolisme très fort de l’eau du déluge qui est destructrice, c’est vrai, mais qui est aussi le lieu de la fécondité… Si Dieu fait alliance avec l’homme, c’est pour être un avec lui, comme l’homme fait alliance avec la femme pour ne faire avec elle qu’une seule chair.

« L’Esprit pousse Jésus au désert… »

Voilà donc ce qui définit la relation de Dieu et de l’homme à travers toute la Bible. En fonction de cette définition, quelle est la place, quelle est la raison, quelle est la fonction de notre Baptême ?

A quoi sert notre Baptême puisque Dieu a fait alliance avec l’homme ? Puisque Dieu a choisi l’homme pour lui donner tout Son Amour, pour communier avec Lui à Sa vie parfaite.

Nous saisirons le sens du Baptême en nous posant une autre question : pourquoi Jésus est-il entré au désert ? Et c’est la question du Carême…

Oui, nous entrons en Carême parce que Jésus est entré au désert. Mais pourquoi le Christ est-il parti au désert ?

Le Christ y a été « poussé », selon l’expression de Saint Marc. Il a été poussé par l’Esprit au désert comme Adam a été ‘poussé’ hors du Paradis parce qu’il avait rompu l’alliance.

« Afin de vous introduire devant Dieu… »

Jésus est littéralement jeté dans le désert pour y rencontrer quelqu’un dont nous ne pouvons pas faire l’économie : Satan, le Mauvais, celui qui est l’anti-Dieu. Ne demandera-t-il pas au Fils de l’Homme de se mettre à genoux et de se prosterner devant lui ?

Satan est celui qui personnifie le refus de l’Alliance, le refus de cette élection de Dieu sur l’homme, sur les créatures y compris les anges. C’est pourquoi Jésus est poussé par l’Esprit dans le désert pour y rencontrer Satan et pour lutter contre lui, lui qui est le « Prince de ce monde », dira-t-il ironiquement, c’est-à-dire lui qui règne sur l’humanité en l’empêchant de faire alliance avec Dieu, lui qui est le moteur profond de nos refus personnels, (lorsque nous faisons le péché, c’est-à-dire lorsque nous disons non à la communion divine).

Satan, le père du mensonge, le Tentateur, celui qui est à l’origine du Mal, de la haine, du conflit, de la zizanie, du mensonge, de la jalousie : Jésus est poussé par l’Esprit pour aller le combattre et devenir victorieux, retourner l’humanité, retourner le sens de l’histoire, par Sa mort qui introduit l’homme en Dieu comme nous dit Saint Pierre dans la deuxième lecture, lui redonnant cette capacité de communion, cette possibilité du mariage, de l’Alliance.

« Comme le Christ a aimé l’Eglise… »

Le Baptême se révèle alors comme étant pour nous une nouvelle Alliance, de nouvelles noces, préfigurées dans les noces de Cana, ou décrites par Paul dans son épître aux Ephésiens, qui compare l’Amour que Jésus a pour Son Eglise au sacrement du mariage dans lequel la femme se donne à l’homme dans un amour sans mesure et l’homme se donne à sa femme : « Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Eglise… »

Le Baptême est le mariage de Dieu avec chacun et chacune d’entre nous. C’est une Alliance dans l’eau (celle du déluge qui est purificatrice, mais aussi salvatrice puisqu’elle porte l’arche), Alliance figurée donc par le déluge et réalisée par Jésus qui est le Pontife, le vivant arc en ciel qui relie le ciel et la terre.

Il est le Grand Prêtre, Celui qui a connu notre misère, Celui qui a connu nos luttes, dira l’Epître aux Hébreux, et qui est donc capable d’intercéder pour nous aider à lutter et à être victorieux. C’est par amour pour nous que Jésus est entré au désert pendant quarante jours. C’est pour être dans notre lutte, dans notre combat, dans notre victoire que Jésus est parti au désert !

Je m’engage à T’aimer plus que moi !

Parce que l’Alliance de Dieu, comme toute alliance véritable, nous laisse libres de répondre : l’amour ne se commande pas ! L’Alliance c’est le don réciproque. Jésus nous propose cette Alliance, Il nous propose de dire oui, mais nous sommes libres de la refuser comme nous sommes libres d’accepter la lutte, d’accepter le combat à notre tour, dans le combat de Jésus.

Car qui dit alliance dit engagement.

Je m’engage, dira la femme à son mari, je m’engage dira le mari à sa femme, lors du mariage. Je m’engage à quoi ? A m’oublier pour être à toi, pour me donner à toi. Saint Pierre dira : « L’homme, dans le baptême n’est pas seulement purifié des souillures extérieures, Il s’engage avec une conscience droite. » Il s’engage à se détourner de lui-même, à se convertir, c’est-à-dire à se tourner vers l’autre, vers l’Autre qu’est son Dieu ! Je m’engage à T’aimer, je m’engage à T’aimer plus que moi, je m’engage à ce que Tu sois le centre de ma vie, je m’engage à être à Toi afin de participer, dira Saint Paul, à la Résurrection, à ce fruit de l’Alliance promise par Dieu, qui est la Vie divine elle-même. Voilà ce à quoi doit s’engager le baptisé qui désire vivre l’Alliance offerte par Dieu.

« D’un grand désir j’ai désiré manger cette pâque avec vous. »

Et le Carême dans tout cela ?

Le Carême, c’est un temps d’échauffement. Ce n’est pas le sprint final avant l’arrivée. Nous nous apercevons que notre année est médiocrement chrétienne, que nous nous laissons aller, que nous ne faisons pas grand-chose, que nous ne sommes pas charitables, que nous ne sommes pas pieux, alors tout d’un coup, nous nous précipitons pour donner un euro à droite, un euro à gauche, pour participer tant bien que mal à l’action de Carême, pour faire mieux nos signes de croix ou mieux dire nos Ave Maria…

Non ! Le Carême n’est pas un sprint final, c’est un temps de préparation, d’échauffement, d’entraînement avant la fête de la Pâque, la fête du Baptême de sang de Jésus, (ce Baptême qu’Il a désiré d’un grand désir pour notre Salut), cette consommation de noces de Dieu et de l’homme.

Pâque est pour nous, en tant que baptisés, notre anniversaire de mariage avec le Seigneur, l’anniversaire de nos épousailles avec Jésus, avec le Père dans le Fils.

Vous le savez, vous qui êtes mariés, c’est chaque jour l’anniversaire de votre mariage, mais chaque année, à la date précise, cet anniversaire, est fêté avec plus de solennité. Vous vous redites l’un à l’autre votre engagement, vous faites le point, vous vous promettez un amour plus profond, plus fécond, plus vrai.

Ainsi à la Vigile pascale, nous renouvellerons nos promesses baptismales, cet engagement sponsal avec Dieu : oui, je m’engage à T’aimer, oui, je m’engage à m’oublier, oui, je m’engage à me détacher de moi-même pour m’attacher à Toi.

« Celui qui aime Dieu et qui n’aime pas son frère est un menteur. »

Aussi faut-il que je me prépare pendant ce Carême à me détacher de moi-même par la pénitence : efforts d’ascèse contre mon confort habituel, contre l’embourgeoisement de ma vie, contre mes besoins même légitimes.

Il faut ensuite que je m’attache à Dieu par la prière, ce temps de contemplation où je regarde Celui que j’aime et à qui je veux me redonner.

Il faut, enfin, que je m’exerce à ce don concret au Seigneur à travers l’aumône et plus largement la charité que je peux exercer envers tous Ses représentants que sont mes frères et mes sœurs.

Cette charité a le double mérite de me détacher de moi-même (comme l’ascèse) en même temps qu’elle est le signe de mon attachement à Dieu (comme la prière) : « Celui qui aime Dieu et qui n’aime pas son frère est un menteur. » C’est pourquoi elle est plénitude de mon désir d’Alliance.

Voilà le Carême : un temps de préparation pour que le jour de Pâques, lorsque nous renouvellerons notre engagement d’époux entre notre âme et notre Dieu, cet engagement soit véridique et profond et qu’il soit suivi d’effets !

Voilà pourquoi nous entrons en Carême. Pour nous préparer à redire à Dieu à travers Son Fils : oui, Tu es mon époux, je T’aime et je m’abandonne à Toi en totale confiance et dans la joie…

Mgr Jean-Marie Le Gall

Communauté Saint Martin

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