Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« ETRE UNE ICÔNE DE LA SAINTETE DE DIEU… »

Lectio divina pour la solennité de la Trinité
Deut.4, 32-40 Rom.8, 14-17 Mat.28, 16-20

Je trouve particulièrement beau de fêter nos mères le jour de la Sainte Trinité. Cette coïncidence du calendrier liturgique nous permet en effet d’avoir un regard plus profond et plus théologique sur la maternité.

C’est la Trinité qui donne la vie à toute chose…

Nos mères sont mères c’est-à-dire donnent la vie comme Dieu, même si Dieu est appelé Père. La maternité de nos mères est reliée à la paternité de Dieu et la paternité de Dieu est en quelque sorte une maternité tant Son amour est plein de tendresse. L’Ecriture foisonne de ces révélations où Dieu nous avoue que non seulement Il nous aime, mais qu’Il nous aime tendrement comme une mère. Il ira même jusqu’à dire que « Si au grand jamais une mère venait à abandonner son petit moi je ne le ferai pas. »

Il y a un autre point de concordance entre la mère et la Trinité. Curieusement le mystère de la Trinité est en quelque sorte enfermé sur lui-même. On ne se sort pas de cette perfection infinie qu’est le Père et le Fils et le Saint-Esprit comme le montre le fameux tableau de la Trinité de Roublev qui représente trois personnages presque identiques se regardant les uns les autres sans qu’il y ait une ouverture sur l’extérieur… Et en même temps, c’est la Trinité qui donne la vie à toute chose !…

Il en va de même pour la mère. La mère porte son enfant en elle, seule, même si au départ le père a procréé avec elle ; elle porte son enfant en son sein, comme pour le garder… Et tout à coup elle va lui donner la vie, elle va le mettre au monde !

Donc bonne fête aux mères !

Et profitons de cette journée pour revoir l’amour que nous leur portons, l’amour que nous leur avons porté ou les manques d’amour, les manques de tendresse que nous avons eus vis-à-vis d’elles. Remettons tout cela en Dieu. Cela nous aidera d’ailleurs, et en retour, à mieux vivre le mystère de la Trinité.

Tout dans le monde est imprégné du mystère de la Trinité.

Le mystère de la Trinité que nous célébrons ce dimanche après la Pentecôte est l’alpha et l’omega de l’Univers et donc de l’homme.

Tout dans le monde est imprégné de ce mystère de la Trinité.

Parce que la vie même de Jésus est imprégnée de ce mystère : du Baptême du Jourdain où le Père se dévoile en dévoilant Son Fils avec l’Esprit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le. Et je vis une colombe… » rapporte Saint Jean-Baptiste, jusqu’à la mort sur la Croix où le Christ dit : « Père entre tes mains je remets l’Esprit », l’Esprit du Fils, l’Esprit de Dieu…

La vie de Jésus est baignée de la Trinité parce qu’Il est venu nous révéler la Trinité. C’est pourquoi l’on peut dire que la vie de Jésus, c’est la sainteté trinitaire en terme d’humanité.

Et c’est parce que la vie de Jésus est baignée de ce mystère, dans ce mystère, que notre vie chrétienne, à nous qui cherchons à être d’autres Christ, est aussi baignée de la Trinité.

Toute notre vie est baignée du mystère de la Trinité. De notre Baptême où nous sommes baptisés, comme nous le rappelle l’Evangile, « au nom du Père du Fils et du Saint-Esprit » à la bénédiction finale de nos obsèques où le prêtre bénira notre corps au nom de cette même Trinité vers Laquelle nous nous en irons…

Et, entre ces deux bornes de nos vies, toutes nos oraisons se terminent par une invocation à la Trinité : « Par Jésus-Christ ton Fils notre Seigneur qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit. »

Einstein a moins bouleversé le monde que Jésus révélant le Père !

C’est pour cela que la réalité trinitaire (je parle de réalité car la Trinité n’est pas seulement un dogme, une idée inventée par l’Eglise) est une réalité que la foi de l’Eglise a découverte dans la Parole de Dieu c’est-à-dire le Verbe, Parole du Père et dans la Parole qui l’a précédée comme celle qui l’a suivie : l’explicitation théologique de son enseignement.

C’est Jésus qui nous révèle le mystère de la Trinité : « Je m’en vais vers le Père… », « Il faut que je parte vers le Père sinon je ne vous enverrai pas l’Esprit… »

Et les apôtres ont dû se faire violence pour recevoir ce message ! Rendons-nous compte de ce qu’a pu être la réaction d’un juif monothéiste, lorsqu’il entend parler de Dieu Père, de Dieu Fils, de Dieu Esprit ! C’est pire que la révolution copernicienne ! Einstein a moins bouleversé le monde que Jésus révélant Son identité avec le Père !

Là c’était toute la foi, l’adhésion du peuple juif à un Dieu unique et transcendant qui éclatait par le Christ révélant que ce Dieu-un est Père, ce Dieu-un est Fils ! Ce Fils, c’est Lui, Jésus, et « celui qui voit le Fils voit le Père »… Et les deux sont unis dans un commun amour qu’Il appelle le Consolateur, l’Esprit…

L’Eglise découvre la réalité trinitaire dans la Parole de Dieu.

C’est donc Jésus qui révèle ce mystère, cette existence mystérieuse que les apôtres, et en particulier Saint Paul comme on l’entend dans l’épître aux Romains, vont expliciter : « Vous criez Abba, Père, à cause de l’Esprit qui vous est donné et qui vous fait fils dans le Fils. » Toute la révélation du mystère trinitaire dans sa relation à l’homme est présente dans ces lignes de Paul.

Mais, avant le Christ et pour préparer la révélation trinitaire de Jésus, il y a déjà dans l’Ancien Testament, dans l’ombre, la Personne du Père, « celle qui crée le monde et l’homme », comme dit la première Lecture, le Père source de vie par Sa paternité.

Et puis il y a aussi le Fils, « la voix de Dieu qui est là dans les flammes ». Les flammes c’est l’Esprit ou la nuée de l’Amour. Le Fils est là. Il ne fait qu’un avec l’Esprit.

Et cet Esprit, cette flamme comme on le voit à la Pentecôte, elle « choisit le peuple » dit la première Lecture ; et elle le guide : c’est l’Esprit Saint qui sanctifie…

Voilà comment l’Eglise découvre la Réalité trinitaire dans la Parole de Dieu.

Le mystère de la Trinité nous dépasse et nous appelle !

Elle en fait son premier mystère, premier mystère de notre foi.

Le mystère est une réalité qui nous est révélée, mais que nous ne pouvons pas embrasser pleinement. Nous ne pouvons pas la comprendre, la ‘prendre-avec-nous’, la délimiter comme nous pouvons délimiter une réalité créée, une forme, une qualité.

Le mystère de la Trinité nous dépasse et il nous appelle. Nous sommes plongés dedans comme dans l’Océan divin disent les mystiques ; nous y sommes noyés, oui. Et pourtant nous ne perdons pas la vie : nous la retrouvons ! Cette réalité  est mystérieuse.

La Trinité est tellement une que la paternité de Dieu s’applique aux trois Personnes pour les hommes. Lorsque j’invoque Dieu Père, je m’adresse à la nature divine qui regarde la première, la deuxième et la troisième Personne de la Sainte-Trinité. C’est Dieu qui est Père. Ce n’est pas seulement le Père de Jésus qui est notre Père, c’est Dieu tout-entier. C’est cette Trinité entière qui est paternelle, porteuse de vie, donneuse de vie.

Et en même temps la Trinité est tellement libre que chaque Personne a sa fonction propre par rapport aux hommes. La première Personne crée : c’est la Création du Père. La deuxième Personne rachète : c’est la Rédemption du Fils. La troisième Personne guide, comme on le voit avec avec la première Lecture. Elle accompagne le peuple choisi c’est la sanctification de l’Esprit.

Dieu est le Cœur du monde !

La Trinité est une en même temps qu’elle est absolument libre.

Et c’est parce qu’elle est une qu’elle est libre et c’est parce qu’elle est libre qu’elle est une. Et ce qui cimente cette unité en même temps que ce qui la fait exploser au niveau de Sa vie, c’est l’Amour !

La vraie foi chrétienne ce n’est pas seulement la foi en Jésus, c’est la foi en la Trinité, cette Trinité qui est en fait comme une conséquence de l’Amour de Dieu.

Saint Jean nous dit : « Dieu est amour. » La liturgie orientale a d’ailleurs cette très belle expression : Dieu est le Cœur du monde. C’est parce que Dieu est Amour qu’il est forcément deux, sinon ce serait un amour égoïste. Si Dieu s’aimait en tant que seul ce serait du narcissisme. Dieu est Amour, Il est donc forcément deux : Il aime l’autre qui est, Lui aussi, Dieu (puisqu’objet d’amour infini) ; et cet Amour est si substantiel, si parfait, si illimité qu’Il existe en Lui-même, qu’Il se pose dans l’existence divine comme Personne : c’est la troisième personne, l’Esprit.

C’est pourquoi l’on peut dire que le mystère de la Trinité est tout à fait raisonnable quand on regarde sa convenance théologique. C’est parce que Dieu se révèle comme Amour qu’Il se révèle déjà implicitement comme trine.

Comme Dieu a créé toutes choses, Il est en toutes choses…

La vraie foi c’est aussi reconnaître que Dieu trine est présent et agissant absolument partout.

Revenons à la première Lecture : « Dieu est le Seigneur du ciel et il est aussi sur la terre. » Comme Il a créé toutes choses, Il est en toutes choses. Il est en moi et, dira le psalmiste, Il m’accompagne. Je me lève Il se lève, je m’assieds Il s’assied, je me repose Il se repose. D’où cet émouvant aveu du psalmiste : « Je monte au ciel tu y es, je descends dans le shéol je te trouve. »

Réfléchissons sur cette proximité divine qui fait que Dieu ne me lâche pas ! Il est à chaque pas que je pose ! Dieu m’est conjoint, Dieu est partout. Dieu est toujours déjà là comme disent les mystiques. Et Saint Bonaventure d’écrire : « Dieu est un cercle dont la circonférence est nulle part et le centre partout. »

Dieu est présent et Il agit ; Il est présent en moi et Il agit en moi. Il agit en vivant d’abord Sa vie. Nous avons toujours le réflexe un peu personnel de ramener Dieu à nous-mêmes. C’est Dieu qui se ramène à nous, ce n’est pas nous qui Le ramenons à nous-mêmes ! Dieu est présent en nous et Il y vit Sa Vie trinitaire. C’est Dieu qui en moi se dit, se connaît et c’est le Verbe, deuxième Personne. C’est Dieu qui en moi s’aime et c’est la procession de l’Esprit-Saint.

« Héritiers de Dieu avec le Christ… »

C’est cela l’agissement de Dieu : cette Vie intime de Dieu en moi parce qu’Il est mon Créateur et qu’Il ne me quitte pas, qu’Il me conserve, qu’ « Il ne me lâche pas la main » comme dit le prophète ; c’est parce qu’Il vit en moi qu’Il va me transmettre Sa Vie.

Comment ? Par le simple regard contemplatif, par la simple attention auditive, par la simple assimilation. Il suffit que je descende en moi-même dans le fond de mon âme pour y contempler cette Vie trinitaire. Je Le verrai se poser dans mon âme pour me laisser écouter Sa Parole qu’Il prononce : le Verbe.

Il suffit pareillement que je sois amoureusement attentif à cette Parole pour que je L’accomplisse par l’Esprit qui est en moi, cet Esprit qui est l’Amour, qui est l’Union. Alors j’entre dans la vie intime du Père. Je deviens « co-héritier », avec le Fils, de la Vie de Dieu le Père.

Une âme contemplative, c’est-à-dire une âme qui apprend à descendre en elle-même pour y voir Dieu et pour y voir la Vie trinitaire entre spontanément en cette Vie divine.

Elle en devient, comme Jésus, l’icône humaine. Pas un souvenir, pas une image comme nous avons les icônes dans nos églises, mais une icône vivante qui permet à ceux qui l’approchent de contempler le mystère trinitaire avant même qu’ils ne le découvrent en eux-mêmes, qui leur permet de participer aux vertus de ce mystère : la gratuité puisque Dieu se donne, la joie puisque la vraie joie c’est de donner, et la paix de l’unité.

Etre une icône de la Sainteté de Dieu…

Voilà, Dieu est là en chacun d’entre nous dans le mystère de Sa Vie intime qui se produit dans l’âme.

Il suffit pour chacun de contempler cette Vie à l’intérieur de son cœur avec l’œil de la foi donnée par le Baptême.

Il me suffit de m’assimiler à cette Vie par la Charité donnée par le Baptême pour que j’entre dans la Vie trinitaire en accomplissant le Verbe entendu dans mon cœur par l’Esprit. Et pour que je devienne ainsi le canal par lequel Dieu au Ciel se vit trinitairement sur la terre !

A ce moment là, effectivement, je suis rempli de Ses vertus, de Son état, de Sa sensibilité. Je suis une âme de paix et de pacification, pacifiant parce que pacifié. Pacifié dans cette Unité intérieure, pacifié par cette Gloire, pacifié par cette Gratuité.

C’est ce que je transmets aux autres en étant, à l’image du Christ, une icône de la Sainteté de Dieu.

Mgr Jean-Marie Le Gall

Communauté Saint Martin

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