Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« CEUX QUI SONT ANIMES PAR L’ESPRIT, CEUX-LA SONT FILS DE DIEU. »

Lectio divina pour la Solennité de Pentecôte
Act.2, 1-11 Rom.8, 8-17 Jn.14, 15-16.23-26

Nous devrions être suffisamment conscients du sens de la célébration de Pentecôte pour pouvoir méditer toute notre journée sur cette liturgie par laquelle nous fêtons notre propre vie, notre propre chrétienté personnelle ! Aussi serai-je bref, vous proposant seulement quelques orientations pour agrémenter votre réflexion dans ce jour de joie où nous célébrons donc la naissance officielle, publique, de l’Eglise.

Qu’est-ce que l’Eglise ?

Nous célébrons notre propre mystère. Nous célébrons notre vie baptismale. Nous célébrons ce pourquoi nous nous réunissons chaque dimanche pour rencontrer le Seigneur. Nous célébrons donc le jour de notre anniversaire spirituel !

Et pourtant pour beaucoup d’entre nous, nous avons du mal à définir ce qu’est l’Eglise, ce qu’est notre vie de membre de l’Eglise. Nous la ramenons bien souvent à une institution, à ce qui apparaît, à un bâtiment ou à une hiérarchie, comme le font les gens qui sont à l’extérieur et qui regardent de loin, les médias par exemple… L’Eglise c’est alors le Pape, l’Eglise c’est de la richesse, si ce n’est une culture…

Mais l’Eglise c’est beaucoup plus que cela. On peut essayer de l’analyser par ce que les philosophes appellent les causes, puisque toute réalité peut être cernée par quatre causes. Qu’est-ce que cela donnerait ?

L’Eglise est faite de Jésus-Christ !

D’abord la cause matérielle, ce en quoi est faite une réalité : en bois, en pierre… Quelle est la cause matérielle de l’Eglise ? La cause matérielle de l’Eglise c’est tout simplement Jésus-Christ. L’Eglise est faite de Jésus-Christ. Elle est faite en Jésus-Christ. La matière première de l’Eglise c’est Jésus-Christ puisqu’elle est Son Corps.

Ensuite dans toute réalité il y a une cause efficiente c’est-à-dire ce qui produit cette réalité, ce qui la dynamise, ce qui la fait vivre, ce qui est la cause de son existence même. La cause efficiente de l’Eglise c’est l’Eucharistie c’est-à-dire le Corps d’un Dieu fait homme, le Sang d’un Dieu fait homme, « donné pour la rémission des péchés ».

C’est vrai que l’Eucharistie est faite par l’Eglise, par le prêtre qui reçoit son pouvoir par l’ordination, de l’évêque sous le regard du Pape, qui est le détenteur ultime de ce pouvoir reçu de Jésus-Christ. Mais c’est vrai aussi que c’est l’Eucharistie qui fait l’Eglise.

C’est l’Eucharistie qui fait l’Eglise.

Nous sommes réunis aujourd’hui, dans nos paroisses, partout dans le monde, nous faisons Eglise autour de l’Eucharistie.

Et nous allons transcender nos différences, non pas seulement par le sourire que nous allons nous faire en nous donnant la paix, ce qui est déjà formidable dans notre monde de haine, de lutte et de violence !, mais par la cause essentielle de notre unité qu’est le Pain que nous allons recevoir tout à l’heure, auquel nous allons communier et qui va unifier la diversité de nos cœurs et de nos caractères, de nos personnalités et de nos origines comme de nos vies ; qui va les unifier en un seul Corps, le Corps mystique de Jésus-Christ !

Le Corps eucharistique du Christ (lui-même symbole d’unité puisqu’il est une seule hostie faite d’une multiplicité de grains de blé !), ce Corps eucharistique de Jésus-Christ est la cause efficiente de Son Corps mystique. La multiplicité des fidèles que nous sommes -à commencer par les prêtres- va se réunir en une unité parfaite, faire communion en communiant à cette unique hostie, cet unique Pain. Voilà la cause efficiente de l’Eglise.

L’Eglise est là pour nous réconcilier avec Dieu !

Et puis il y a la cause finale, ce pour quoi une réalité est faite. Quelle est la cause finale de l’Eglise ? La cause finale de l’Eglise c’est la re-création de l’homme. Nous ne sommes pas dans nos églises pour autre chose que pour nous sanctifier c’est-à-dire nous re-créer… Non pas nous récréer : la liturgie n’est pas une récréation ! Elle est une re-création. La re-création, c’est nous réconcilier avec Dieu.

D’où l’importance du sacrement de la Réconciliation, ce qu’on appelle la Confession ou la Pénitence, qui est partie intégrante de notre liturgie avec le chant du Kyrie ou la récitation du « Je confesse à Dieu » au début de la Messe. Nous sommes ici pour nous réconcilier d’abord avec Dieu et ensuite donc spontanément, instinctivement, automatiquement, même sans se le dire, entre nous ; entre nous qui nous connaissons ou entre nous qui ne nous connaissons pas.

Nous voyons ainsi comme Dieu est présent partout dans l’Eglise et de manière réelle, bien concrète : je définis l’Eglise par ses causes, c’est de la bonne philosophie ! Cause matérielle : c’est le Christ ; cause efficiente : c’est l’Eucharistie, Corps eucharistique du Christ ; cause finale : c’est la réconciliation avec Dieu.

L’Esprit Saint plane au-dessus de l’Eglise pour lui donner la Vie !

Dans ces trois causes nous voyons apparaître discrètement comme une ombre, une ombre lumineuse, une mouvance dynamique : l’Esprit Saint.

Jusqu’ici nous ne l’avons pas cité parce qu’Il se cache ! « Nul ne sait d’où Il vient, nul ne sait où Il va », mais Il est là.

C’est pour cela que Jésus remonte vers le Père : pour nous envoyer le Consolateur ou le Défenseur, l’Avocat, le Guide, la Lumière.

L’Esprit Saint est Celui qui plane sur les eaux de la Création. L’Esprit Saint est Celui qui plane aussi sur le sein de la Vierge pour l’Incarnation du Christ. Et l’Esprit Saint est enfin Celui qui plane sur le pain pour faire le Corps eucharistique de Jésus.

L’Esprit Saint c’est véritablement la colombe de l’arche de Noé, colombe du Cantique des Cantiques ou colombe du Baptême de Jésus : Colombe qui plane et qui « contient tout sous ses ailes » à cause de Sa Sagesse, à cause de Sa Paix, à cause de la force de l’Amour qu’elle représente dans Son innocence comme lien entre le Père et le Fils.

On imagine donc tout naturellement que l’Esprit Saint qui est présent à la Création, -or l’Eglise est re-création !- qui est présent à l’Incarnation -et l’Eglise est Corps du Christ-, qui est présent à l’Eucharistie -et l’Eucharistie fait l’Eglise-, on imagine comment l’Esprit Saint plane au-dessus de l’Eglise pour lui donner la Vie.

L’Esprit Saint est l’Esprit fécondateur, fécondant ; c’est le principe profond, ultime, substantiel de l’Eglise, c’en est l’âme diront les théologiens, l’âme de l’Eglise car Il la fait vivre, lui donne sa constitution, sa nature extraordinaire, unique : nature d’ailleurs qu’aucune autre religion n’a voulu ni osé copier, remarquons-le. On ne touche pas l’Esprit, on ne peut pas y toucher. On peut singer des rites, des sacrements, des processions et des cortèges, on ne peut pas toucher à l’Esprit.

« Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de l’Esprit ? »

Nous avons une âme qui est notre forme, notre cause formelle, c’est-à-dire un principe de vie, profond, intime, qui me fait être moi-même, incommunicable, personnel, créé par Dieu, aimé par Dieu, voulu par Dieu. De même l’Esprit est l’âme de l’Eglise : Il en est la cause formelle, la quatrième cause qui sert à définir chaque réalité.

Voilà le motif de notre joie aujourd’hui. Nous n’avons même pas à invoquer l’Esprit ! Nous avons à Le regarder, à apprendre à contempler l’Esprit dans notre âme !

Depuis le Baptême, comme membre de l’Eglise chacun et chacune avons en nous l’Esprit : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de l’Esprit ? » dit saint Paul.

Nous avons en nous l’Esprit qui est comme l’âme de notre âme, la fine pointe, l’apex, le haut-fond de notre océan intérieur ou le sommet de notre lieu sacré -suivant l’inspiration poétique de chacun- et qui va donner, si nous Le désirons et Le laissons faire, l’impulsion à chacun de nos gestes, à chacune de nos paroles, à chacun de nos comportements, à chacune de nos pensées, en un mot à chaque seconde de notre vie…

L’Esprit est au fond de nous pour nous former, nous façonner, nous animer dira saint Paul et faire de nous des fils de Dieu : « Ceux qui sont animés par l’Esprit (ceux qui ont une âme animée par le souffle de l’Esprit) ceux-là sont fils de Dieu. »

« Aujourd’hui cette parole s’accomplit. »

Nous n’aurons jamais assez de toute notre vie et de toutes nos Pentecôtes et de toutes nos prières, nos sacrements, nos actions de grâce pour remercier de cette Présence subtile aussi délicate qu’un parfum, aussi souple qu’une odeur, aussi forte que nous le laisse entendre la Révélation de Dieu dans la théophanie du Sinaï, et qui en nous est déposée depuis notre Baptême pour nous soulever vers le Père comme Il a d’abord soulevé Jésus-Christ.

Souvenons-nous de cette parole de Jésus à la synagogue de Nazareth : « L’Esprit Saint est sur moi, Il m’a consacré pour envoyer la Bonne Nouvelle aux pauvres, pour donner la joie aux affligés, pour délivrer les prisonniers … » Et Jésus terminera ce passage en disant : « Aujourd’hui cette parole s’accomplit. »

Eh bien mes chers amis aujourd’hui nous pouvons en célébrant la Pentecôte dire et redire en regardant notre âme en toute humilité et en toute vérité : aujourd’hui en moi cette parole s’accomplit, l’Esprit Saint est sur moi pour m’envoyer à mon tour avec Jésus, en Jésus, par Jésus et après Lui, apporter la Bonne Nouvelle, la joie aux affligés et la libération aux prisonniers.

Mgr Jean-Marie Le Gall

Communauté Saint Martin

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