Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« CELUI QUI ME MANGE VIVRA PAR MOI ! »

Lectio divina pour la Fête Dieu
Ex.24, 3-8 Héb. 9, 11-15 Mc.14, 12-26 .

L’Eglise a jugé bon de nous faire prendre une journée de repos et de réflexion pour nous ajuster par rapport à cette Eucharistie à laquelle nous participons tous les dimanches, voire pour certains dans la semaine également.

« L’Eucharistie, le sacrement le plus apte… »

L’Eucharistie, vous le savez, est le sommet de l’économie sacramentelle vers lequel tout converge et duquel tout découle parmi les sept sacrements qui sont comme les mains dont l’Eglise se sert pour nous transmettre la guérison du Christ, pour nous transmettre le pardon et la vie. L’Eucharistie est « le sacrement le plus apte » dit la théologie, le sacrement le plus profond. L’Eucharistie est le cœur de la Nouvelle Alliance.

Et pourtant qui d’entre nous pourrait prétendre vivre véritablement son Eucharistie ? Si nous la vivions vraiment ne serions nous pas des saints ? Et ce, que ce soit le laïc qui participe au culte spirituel qu’est la Messe pour offrir sa personne ou le prêtre qui au nom de Jésus célèbre le Sacrifice…

Il y aurait beaucoup de choses à dire, je vais un petit peu les énumérer comme cela me vient.

« Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ? »

Nous aurons remarqué d’abord comment l’Eucharistie dans son institution a été préparée !

Oui, il y a eu des préparatifs… Jésus envoie Ses apôtres chercher la salle, préparer la chambre haute, la décorer.

Et nous, comment préparons-nous notre Eucharistie ?

Cette Eucharistie instituée par Jésus l’a été un jour bien précis. Pas n’importe quel jour, mais le jour de la Pâque, le jour consacré à Dieu, par le mémorial que le peuple célébrait pour se rappeler les « mirabilia Dei », les merveilles de Dieu.

Et nous, quel est notre sens du dimanche ? Comment vivons-nous notre dimanche et comment vivons-nous l’Eucharistie dans notre dimanche ? N’arrivons-nous pas jusqu’à chercher à ‘caser’ l’Eucharistie entre deux activités dominicales ? Si possible le samedi soir comme cela on peut dormir le dimanche matin…

« Après le chant d’action de grâce, ils partirent pour le Mont des Oliviers… »

Et puis, après l’Eucharistie de la sainte Cène, il y a l’action de grâce avec le chant du grand Hallel.

Et nous, comment faisons-nous notre action de grâce ? Je ne parle pas seulement des quelques minutes entrecoupées des incontournables annonces paroissiales ! Non, je parle de notre action de grâce personnelle ou collective ; celle que nous pouvons faire chez nous dans le recueillement de la paix familiale, comme celle à laquelle nous sommes invités par l’Eglise : le chant des psaumes des Vêpres du dimanche après-midi…

Jésus, après l’action de grâce rituelle, s’en va avec Ses apôtres au Mont des Oliviers, ensemble en famille. Jésus y laisse alors Son testament spirituel avant de rentrer dans Sa Passion.

Et nous, quelle est notre vie familiale ? Quel est notre dialogue ? Quelle est la profondeur de nos paroles en couple, entre parents et enfants, entre amis, paroles qui devraient découler de cette Nourriture sainte du dimanche matin ?

L’Eucharistie, c’est la Présence rachetante de mon âme.

Peut-être manquons-nous à cette préparation, à cette poursuite, à cette action de grâce ? Sûrement même…

Pas forcément par mauvaise volonté, mais un petit peu par ignorance, par lassitude, par routine… Rendons-nous compte du nombre de messes auxquelles chacun a pu participer tous les dimanches depuis sa jeunesse ! Ne sommes-nous pas frappés au coin de notre vie spirituelle par un petit peu de lassitude ?

Alors l’Eglise nous donne cette journée pour réfléchir sur le sens de l’Eucharistie qui est le mémorial de la Passion de Jésus. L’Eucharistie c’est la Présence vivante, au quotidien, dans le monde.

C’est la Présence rachetante de mon âme.

Chaque pécheur, chaque homme, chaque femme, chaque adulte, chaque enfant, chaque pauvre peut venir tous les jours dans une église pour regarder l’Eucharistie dans le tabernacle, pour regarder le Signe vivant de son Salut, pour y participer dans la communion…

« Jésus est grand prêtre des biens à venir. »

Nous pouvons tous, chaque jour, venir et pleurer nos fautes, implorer le pardon et recevoir la vie comme le fils prodigue, la Samaritaine ou la femme adultère, Zachée, Matthieu ou Pierre… Parce que dans le tabernacle, il y a cette Présence du Pain consacré, parce que dans ce Pain consacré il y a le Christ réellement présent, présent dans Sa personne et dans Son agir c’est-à-dire dans Son acte éternellement sacerdotal…

Le Christ est Prêtre, le Christ est Médiateur, le Christ est Celui qui a été institué par Son Père pour réconcilier le monde de Dieu et le monde de l’homme en s’offrant en victime. C’est vrai que c’est Jésus-Christ, Prêtre, qui est présent dans l’hostie.

Et Il l’est, dit l’épître aux Hébreux, « pour toujours », Il intercède pour toujours. Il est, avec ce présent bien précisé par l’auteur, « il est grand prêtre des biens à venir. »

Il s’est offert en victime pure, c’est-à-dire victime capable de donner la Vie divine, la Vie qui est sans tache, la Vie qui est éternelle, la Vie qui est Amour, à travers le sang de Son humanité…

Mais Il continue à vivre cet Acte sacerdotal, cet Acte de sacrifice, cet Acte de Rédemption devant Son Père dans Son corps glorieux au Ciel. Il est, et non pas Il a été, Il est « grand Prêtre des biens à venir » c’est-à-dire de la Vie éternelle qu’Il nous transmet.

« Pour que nous recueillions le fruit de la Rédemption… »

Jésus vit éternellement Son Sacerdoce unique, Son Sacerdoce parfait, Son Sacerdoce devant le Père. Il est devant le Père comme Il est sur la croix. Et lorsque nous communions au Christ nous ne communions pas à la Croix qui est passée il y a 2 000 ans mais nous communions au même Christ offert en victime devant Son Père au Ciel avec les marques de Sa Passion dans Ses mains, dans Son côté et dans Ses pieds. Voilà Celui à qui nous communions.

Et donc celui qui mange sa chair, celui qui boit son sang, ce Sang qui nous a lavés, purifiés, ce Sang qui nous a donné la Vie (ce que le sang exprime dans notre psychologie humaine), reçoit le fruit de la Rédemption dont parle la Collecte : « Donne-nous de vénérer d’un si grand amour les mystères de ton corps et de ton sang pour que nous recueillions le fruit de la Rédemption… » Ce fruit de la Rédemption est double : le pardon de notre péché, de notre misère, de notre non-amour et le don de l’Amour de Dieu.

Celui qui mange Sa chair communie au Christ-Prêtre, communie au Christ Rédempteur et Sauveur ; il s’attache de manière indissoluble et volontaire à la Croix de Jésus qui est la Croix rédemptrice.

Oui, lorsque nous communions, nous nous mettons à l’ombre lumineuse de la Croix qui est porteuse de Vie.

« Ma chair est une vraie nourriture, mon sang est une vraie boisson… »

La nutrition eucharistique c’est l’activité rédemptrice de Jésus qui est projetée sur notre vie. Nous qui n’avons pas connu le Jésus de l’histoire, nous qui n’étions pas au pied de la Croix sur le Calvaire il y a 2 000 ans, l’activité rédemptrice du Christ, la vertu chaleureuse de Dieu est projetée dans notre vie pour s’en emparer par la communion, pour consommer, pour consumer cette vie dans l’énergie éternelle de l’Amour de Dieu. « Ma chair est une vraie nourriture, mon sang est une vraie boisson… -parce qu’ils vous donnent Ma Vie dit Jésus- … et je le ressusciterai au dernier jour. »

Ils donnent cette Vie même qui fut la vie de Jésus et qui est encore la même vie de Jésus au Ciel.

Lorsque je communie je reçois la grâce du Christ, je reçois Son union au Père, je reçois Son Esprit : « La chair ne sert de rien, c’est l’esprit qui vivifie… »

« Donne-nous de vénérer d’un si grand amour les mystères de ton corps et de ton sang que nous puissions en recevoir les fruits… »

Oui, l’Eucharistie est nourriture de Vie !

A condition que nous l’accueillions comme telle : « Donne-nous de vénérer d’un si grand amour les mystères de ton corps et de ton sang que nous puissions en recevoir les fruits… » Le latin dit « ita ut » : que notre amour soit si grand… Comme quoi ?

Comme quoi faut-il que soit l’amour du communiant pour qu’il en reçoive les fruits de la Rédemption ?

Il faut que son amour soit aussi grand que l’Amour qu’il va recevoir dans l’Eucharistie, cet Amour divin qu’elle contient…

Mais est-ce possible ? Est-ce possible d’aimer cette Eucharistie autant que cette Eucharistie est contenante d’Amour ? Comment puis-je prétendre recevoir cette Eucharistie avec l’Amour infini qu’elle contient et qu’elle est venue me donner ?

Parce que vouloir aimer c’est déjà aimer ! Il nous suffit, à nos communions, de désirer aimer Dieu comme Lui nous aime. Il nous suffit, à nous fidèles qui nous approchons de la table eucharistique, d’accepter que notre cœur soit effectivement rempli de cet Amour infini pour qu’il soit capable en s’ouvrant de recevoir l’infinité de cet Amour et pour qu’il soit capable d’en vivre ! Vouloir aimer c’est déjà aimer ! Vouloir aimer infiniment le Seigneur c’est déjà aimer infiniment le Seigneur !

C’est donner notre âme comme vase ouvert pour recevoir la rosée fécondante.

« Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur… »

Nous aurons remarqué peut-être le refrain du psaume : « Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur… »

C’est à l’inverse de notre regard humain. Nous, en général, nous voyons et nous le goûtons, nous voyons un plat et nous goûtons.

Pour Dieu c’est le contraire : nous goûtons d’abord. Je dirais qu’il n’y a rien à voir, sauf cette misère qu’est l’hostie. Par contre ce que nous devons voir, c’est le prix de l’hostie : « Goûtez et voyez. » Goûtez l’Eucharistie et voyez les résultats de cette manducation, de cette nutrition dans votre vie !

Si nous n’aimons pas notre Père du Ciel, nos frères, notre conjoint, nos enfants, nos amis, nos ennemis, ce n’est pas parce que nous ne pouvons pas, c’est parce que nous ne voulons pas.

« Celui qui me mange vivra par moi ! »

Nous venons communier comme des automates. Nous Le recevons de manière irrespectueuse très souvent, que ce soit dans la main ou dans la bouche. Nous tirons la langue ou on tendons la main en pensant à tout autre chose !

La manière de communier n’est qu’un signe mais un signe révélateur de ce qu’il y a dans le cœur ! Nous pensons à autre chose, nous sommes déjà ailleurs. On ne sait même pas pourquoi on vient d’ailleurs… Parce que tout le monde le fait ?

Si nous n’aimons pas c’est parce que nous ne voulons pas, nous ne prenons pas suffisamment le temps de réfléchir à ce que nous faisons. C’est parce que nous ne voyons pas que nous mangeons cette manifestation unique, réelle, infinie de l’Amour de Dieu !

Essayons de faire de ce dimanche, une journée d’action de grâce pour ce don que nous recevons quotidiennement, chaque semaine, chaque dimanche, chaque fête… Avec cette patience infinie de Dieu qui nous redonne le Corps de Son Fils Prêtre, sachant très souvent que nous ne l’utiliserons pas au maximum de Ses possibilités.

Et souvenons-nous : si nous communiions vraiment en sachant ce que nous faisons, nous serions des saints !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Communauté Saint Martin

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