Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« Vous êtes la lumière du monde ! »

Lectio divina pour le 4éme dimanche de Carême (Laetare) 26 mars 2017

Avec ce 4ème dimanche, nous poursuivons notre réflexion sur cette vertu essentielle du chrétien qu’est la foi. Par l’environnement liturgique, (l’orgue, les fleurs…) l’Eglise nous invite à comprendre cette vertu, à la ‘prendre-avec-nous’, en goûtant un de ses plus beaux fruits : la joie. Ce dimanche de Lætare, du nom de l’introït latin, est en effet le dimanche par lequel l’Eglise, dans la poursuite de notre préparation du mystère pascal, veut nous introduire dans le sens profond de ce mystère et de la joie qui en déborde à profusion. Regardons comment.

L’évangile des signes…

L’Evangile de Jean est un évangile qui est tourné vers les signes accomplis par Jésus. Aujourd’hui, nous avons même trois signes en même temps. Nous avons le signe de David qui représente, on le verra, le Christ ; nous avons le signe de l’aveugle qui représente l’humanité ; nous avons enfin le signe de la guérison qui représente l’action de Dieu sur l’homme, plus exactement : le don à l’homme de la vision de Dieu par la foi. Et c’est la conjonction de ces trois signes qui cause aujourd’hui notre joie chrétienne. Dimanche dernier, Jésus s’est contenté de parler à la Samaritaine. Aujourd’hui, Jésus agit : Il guérit l’aveugle. C’est la première guérison que nous trouvons sur notre route vers Jérusalem, sur notre montée vers Pâques. C’est une guérison qui, signifie et anticipe la guérison totale du jour de Pâques : notre résurrection en Jésus. D’où la joie en ce 4ème dimanche.

« Et le Verbe était tourné vers Dieu… »

Quel est le sens de cette première guérison que Jésus effectue dans cette montée vers Jérusalem ?

C’est la guérison de la méfiance, c’est-à-dire du manque de foi. C’est la guérison de la non-vision de Dieu. C’est pour cette raison que Saul sera condamné par Yahvé : parce qu’il n’a pas confiance en Dieu : il n’obéit pas à Sa Parole. Saul ne faisant pas confiance à Dieu, il ne peut donc plus guider le peuple d’Israël qui est un peuple de fils, une communauté de personnes qui doivent vivre une relation de confiance avec Yahvé.

Saul sera remplacé par David, par ce beau jeune homme qui est selon le cœur de Dieu, c’est-à-dire qui appuie sa vie, qui appuie son esprit sur Dieu, (comme plus tard le fera Jean lui-même avec la tête sur la poitrine de Jésus), qui est tout en confiance par rapport à Yahvé. C’est pourquoi Dieu le choisit pour guider le peuple d’Israël vers la plénitude de la vie filiale.

Cependant David lui-même reste un homme, il reste pécheur. Nous nous souvenons de son attitude vis-à-vis d’Urie et de sa femme : assassinat et adultère. David ne connaît pas parfaitement Dieu et David n’est donc que l’image floue de Celui qui, au contraire, parce qu’Il est Fils totalement tourné vers le Père, connaît parfaitement ce Père et peut nous Le faire connaître : le Verbe, ainsi décrit par Jean dans son Prologue.

« Sachez reconnaître ce qui plaît au Seigneur ! »

Le Christ ne va pas se contenter de nous faire connaître Dieu de manière abstraite. Il veut nous faire connaître Dieu de la manière la plus concrète possible, et pour cela Il veut nous révéler ce qui plaît à Dieu.

C’est cela la connaissance véritable et profonde, la connaissance intime qui procède de la confiance, de la foi et qui n’est pas une connaissance philosophique et abstraite.

Lorsque je suis en confiance avec quelqu’un, je saisis presque spontanément ce qui lui plaît en me tournant vers lui. C’est cette connaissance que Jésus veut apporter à l’homme. Une connaissance « de ce qui plaît au Seigneur » comme le rappelle Paul dans la 2ème lecture.

Tel est le sens de la guérison de cet aveugle qui représente l’humanité. Jésus nous le signale dans l’Evangile : « Je suis venu pour que ceux qui sont aveugles voient, et que ceux qui croient voir deviennent aveugles. » La guérison de cet aveugle, c’est donc bien la guérison de l’humanité. C’est Jésus qui nous donne la foi, qui guérit l’œil de notre âme afin que nous puissions voir Dieu et reconnaître ce qui Lui fait plaisir…

« Le Royaume de Dieu est au milieu de vous… »

Les œuvres que nous faisons et qui sont le fruit de notre foi, puisque la foi consiste à faire ce qui plaît au Seigneur, sortent de nous-mêmes, ce qui montre que la source de notre bien est en nous-mêmes et que le Royaume divin que nous construisons, il est bien au dedans de nous comme dit l’évangile. « Ce n’est pas ce qui entre en l’homme qui rend l’homme impur, c’est ce qui sort de l’homme » ; de même c’est ce qui sort de l’homme qui est pur, qui purifie et qui construit le Royaume.

La source du bien est en moi, mais elle n’est pas de moi. Elle est en moi parce que Jésus Christ l’y a mise. Je sais bien qu’en moi-même je n’ai pas la possibilité de faire le bien. Je sais bien qu’en tant qu’homme, je ne peux connaître parfaitement et Dieu et ce qui plaît à Dieu. Ce qui sort de moi et qui est bon, cette charité vive qui œuvre à partir de la foi, est un don de Dieu comme le fût le don de la vue pour l’aveugle. Comme disait Augustin, tout ce qui est bon en l’homme vient de Dieu, tout ce qui est mauvais procède de lui-même.

Ce bon, c’est la connaissance que Jésus Lui-même a de Son Père. Cette connaissance nous est donnée par l’Esprit reçu au baptême : « L’Amour de Dieu a été diffusé dans nos cœurs par l’Esprit qui nous a été donné… » nous enseigne Paul.

« Réveille-toi, ô toi qui dors !… »

La finalité de Pâques, c’est effectivement de revivifier en moi ce baptême, c’est-à-dire le don de l’Esprit qui m’identifie à Jésus en me faisant fils dans le Fils : « A ceux qui l’ont reçu, Il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu »… Ceux qui L’ont reçu historiquement, ceux qui Le reçoivent dans la grâce, c’est-à-dire dans la foi du baptême. Nous avons reçu par le baptême le don de l’Esprit qui nous fait enfants de Dieu, qui nous fait crier : « Abba Pater ! » comme le rappelait l’Epître aux Romains de dimanche dernier.

La fête pascale est là pour revivifier en moi cette présence de Dieu « Réveille-toi, toi qui dors, réveille l’Esprit Saint de ton Baptême et le Christ t’illuminera ! » Non pas que Dieu ne soit plus là ! Il veut revivifier en moi la conscience que je peux avoir de cette présence de l’Esprit qui me fait fils, qui me fait connaître le mystère de Dieu, qui me fait y adhérer en confiance, qui me fait accepter dans ma vie ce que Dieu veut de moi, ce que Dieu a pensé pour moi, pour ma sanctification et qui est, à cause de mes soucis quotidiens, à cause même de mon manque de foi, recouvert jour après jour de tant de réalités qui Lui sont étrangères voire hostiles et font que cette présence de l’Esprit, cette connaissance de Dieu disparaît au fond de mon âme.

Je ne sais plus alors ce qui plaît à Dieu et je ne peux plus œuvrer dans la charité. La conclusion s’impose : lorsque je manque à la charité, c’est que je manque non seulement au cœur, mais c’est que je manque aussi, et d’abord à la foi ! Je ne sais plus quoi faire en telle occasion, je ne sais plus quoi dire face à telle situation, parce que je ne connais plus les mystères de Dieu, et je ne connais donc plus le mystère de l’humanité, ni la mienne, ni celle de mon frère qui est en face de moi.

« Je suis la lumière du monde… »

Tout est là : la présence de Dieu que nous devons revivifier, c’est la conscience que nous devons avoir de cette présence de l’Esprit donné au baptême, présence renforcée par l’Eucharistie, revivifiée par nos confessions…

Je dois redonner à l’intérieur de mon âme toute la place à cette présence qui, à l’origine est lumineuse, mais qui est obscurcie par tout ce que le quotidien apporte comme interférence, distraction, voire divertissement.

Cette présence est lumineuse, le Christ le dit : « Je suis la lumière du monde… » Il est la lumière qui brille dans les ténèbres… Ce n’est pas une lumière faite pour éblouir comme le soleil à midi. C’est une lumière qui s’adapte à chacun pour l’éclairer en fonction de ses besoins. Mieux : pour faire de chacun un foyer actif de lumière ! L’aveugle guéri par Jésus en est le meilleur exemple. En rendant la vue à cet aveugle, le Sauveur, tel le soleil, lui permet de voir les réalités. Mais en lui donnant aussi la grâce qui lui permet de poser son acte de foi, Jésus le fait devenir foyer de lumière. En lui offrant la foi qui lui permet de Le reconnaître comme son Seigneur, Jésus illumine la vie de l’aveugle et lui donne d’éclairer tout ce qui l’entoure : « Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie » !

« Ceux-là sont fils de Dieu qui vivent dans l’Esprit… «

Demandons, dans cette Eucharistie du 4ème dimanche, la grâce de la confiance qui nous permet d’adhérer au mystère de la paternité de Dieu ! Demandons cet esprit de filiation qui ne peut se vivre que par l’Esprit et dans l’Esprit.

Demandons la grâce d’être conscients un peu plus profondément de la présence active de l’Esprit. « Ne savez-vous pas que vous êtes Temple de l’Esprit Saint ? » et que le Seigneur est en vous, le Seigneur avec Sa Personne de Fils, le Seigneur avec la connaissance filiale qu’Il a du Père ?!

C’est cette connaissance qui permit à Jésus de faire la Volonté du Père, jusqu’à Se nourrir de cette Volonté : « Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père. » Pour nous, c’est aussi cette connaissance enracinée dans la foi, enracinée dans la confiance qui, comme le dit la Collecte de la messe, permet de nous hâter avec amour vers les fêtes pascales !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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