Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« D’UN SEUL CŒUR, ILS PARTICIPAIENT A LA PRIERE… »

Lectio divina pour le 7ème Dimanche de Pâques
Ac.1, 12-14 1P.4, 13-16 Jn.17, 1-11

Voici le dimanche qui ouvre notre dernière semaine avant la célébration du ‘Noël de l’Église’ : la fête de Pentecôte, par laquelle nous allons célébrer le mystère de notre propre naissance, parce que nous célébrons le mystère de la naissance officielle, publique de l’Église. Ce n’est pas pour rien que l’Église dans sa tradition nous invite à faire une neuvaine préparatoire à cette fête qui a presque autant d’importance dans notre vie de chrétien que la fête de Pâques : elle en est le prolongement, elle en est l’application, elle en est le fruit.

« Mens concordet voci ! »

Nous faisons une neuvaine en invoquant l’Esprit-Saint par la prière du Veni Creator. Mais cela ne suffit pas : il faut que notre esprit concorde avec nos voix, pour reprendre l’expression de Saint Benoît. Il nous faut donc savoir quelle attitude spirituelle avoir dans ces huit jours qui nous séparent de la fête qui va clôturer le Temps pascal et nous lancer dans le Temps ordinaire, temps de l’évangélisation.

Alors tournons-nous vers les textes que l’Église nous propose et regardons quelle est l’attitude fondamentale des apôtres qui sont, comme nous, en attente de l’Esprit-Saint.

Nous pouvons remarquer deux attitudes : le recueillement communautaire et la prière.

« Que faites-vous donc hommes de Galilée… ? »

Que font donc les apôtres lorsqu’ils se font taper sur les doigts par les anges ? C’est le premier rappel à l’ordre de l’Église : à peine le Christ est-il parti que l’Église commence déjà à ne pas trop savoir ce qu’elle fait : « Que faites-vous donc hommes de Galilée à regarder comme ça celui qui est monté au ciel et qui va revenir de la même manière ? » Autrement dit, arrêtez de bâiller aux corneilles et agissez. Allez… Et les apôtres s’en vont…

Que vont-ils faire ? Vont-ils se disperser ? C’eût été notre premier réflexe : nous partager les continents comme l’Église le fit plus tard, nous partager les terres à évangéliser et puis partir avec l’armée ou les micros, suivant les époques !

Or les apôtres ne vont pas se disperser. Au contraire, ils se rassemblent. Vont-ils se séparer ? Non, ils se réunissent. Ils se ‘récollectent’ ensemble. Ils font ce recueillement communautaire. Extraordinaire !

Alors que les anges leur demandent de se presser dans cette action ecclésiale, voilà qu’ils se rassemblent à l’image de nos rassemblements dominicaux auxquels nous pourrons bientôt participer. Avant même que de recevoir la force de l’Esprit-Saint qui va leur donner, ainsi qu’à l’Église, l’autonomie, avant même que de recevoir cette force qui va pouvoir les propulser aux quatre coins de la terre, les apôtres se rassemblent.

Eglise, ecclesia, convocation divine pour être communauté…

Ainsi pour nous : avant de recevoir le Corps du Christ nous nous rassemblons, nous nous regroupons, nous faisons communauté. Parce que justement, à l’image des apôtres, l’Église se constitue comme une assemblée. Avant même de recevoir le Saint-Esprit l’Église est rassemblement.

C’est son nom, ecclésia, qui est la traduction grecque du concept hébreu de peuple élu, choisi et convoqué, « ce peuple particulier que j’aime » dit Dieu, « que je me suis choisi. » L’Alliance de Dieu se fait avec le peuple.

L’Église se rassemble. L’Église constitue l’ecclesia, la communauté convoquée par le Seigneur pour être Son peuple.

Pourquoi est-ce que l’Église sent le besoin avec Pierre, avec les Douze, de se regrouper, de faire famille ? Parce que justement Dieu ne se donne aux hommes qu’à travers un peuple. Dans l’ancienne Alliance, c’est à partir de l’Exode, quand le peuple est constitué par Dieu qui le libère de l’esclavage, quand le peuple est constitué par la marche dans le désert, qu’il est constitué par un chef, (Moïse, image du Christ et figure de Pierre), que Yahvé donnera Sa Loi, que Yahvé se révélera, que Yahvé parlera, donnera les règles du culte, surtout les règles du cœur qui doivent conduire le peuple hébreu à la perfection : « Soyez saints parce que moi je suis saint. »

De la philadelphie à l’Agapé…

Dieu ne peut donner Sa charité, Son agape, l’Esprit Saint de Pentecôte, qu’à partir du moment où il y a déjà une structure de fraternité, où il y a déjà ce que les Grecs appellent de ce mot merveilleux : la philadelphie, l’amour fraternel.

Oui, au niveau humain, nous avons non seulement le droit mais le devoir de nous aimer. Et c’est ce rassemblement fraternel, ce peuple, cette communauté sur laquelle Dieu va agir, que Dieu va transformer, que Dieu va transfigurer avec un don extraordinaire qui est celui de Son Esprit d’Amour. Cet Esprit d’Amour va changer la dimension de nos amours humaines pour leur donner, de par l’origine et la finalité, la dimension de Dieu.

Si l’Église se constitue autour de Pierre et des Douze comme une institution, ce n’est pas pour être puissance : voilà le dérapage de notre regard politique et humain, qui nous est reproché. Ce n’est pas pour être puissance humaine que l’Église se constitue, se rassemble, c’est pour être vase de la Puissance de Dieu, parce qu’elle sait que Dieu ne se donne qu’à un peuple rassemblé et non à des individus en discorde.

Et nous remarquons que Marie, la mère, le membre éminent, la première des rachetés, le modèle, celle qui a donné naissance à la Tête et qui donne naissance au Corps, Marie elle-même se soumet à cette loi du rassemblement, du recueillement communautaire.

Réfléchissons bien à cette notion. Il ne suffit pas pour nous d’être là physiquement à la Messe, il faut que cette proximité physique, cette ‘récollection’, comme l’exprime bien la première prière de nos Eucharisties, la Collecte, il faut que ce rassemblement soit intérieur. Il faut que nous soyons heureux d’être ensemble, même si nous ne nous connaissons pas.

Ce n’est pas une question psychologique, c’est une vérité métaphysique profonde : les hommes doivent se rassembler car ils sont frères. Et c’est de ce rassemblement, que va surgir la capacité pour chacun d’être en relation avec le Père de tous et de chacun, avec Dieu ! Nous devons restaurer en nous la joie du rassemblement dominical.

« Voici mon corps… »

Deuxième point. Nous remarquons que les apôtres se recueillent, se rassemblent, se regroupent, pas dans n’importe quel endroit, mais dans un endroit bien précis, parce qu’ils ne vont pas faire n’importe quoi. Ils se rassemblent dans la chambre haute, le Cénacle lié à l’Eucharistie, à l’instauration de la Cène, lié au discours de testament spirituel que nous avons entendu dans l’Évangile en particulier le chapitre 17 de Jean, lié par le symbolisme à la partie haute de notre personne.

La chambre haute, la chambre secrète, la chambre cachée est la chambre de l’intimité dans laquelle ne sont invités que les bons amis, dans la tradition du pays. Cette chambre haute est l’image de l’intimité avec Dieu.

D’abord une intimité cordiale, avec le souvenir de l’Eucharistie, Jésus disant à Ses apôtres quelques jours avant : « Prenez et mangez voici mon corps. »

Puis une intimité intellectuelle puisque, il n’y a encore pas si longtemps que cela, à peine 40 jours, Jésus disait à Ses apôtres : « Demeurez en moi… », « Je suis la vigne vous êtes les sarments. »

Intimité ecclésiale enfin puisque le repas de la Cène est le repas pascal, c’est-à-dire le mémorial de la relation, de l’alliance entre Dieu et le peuple.

« Là où deux ou trois sont réunis, je serai au milieu d’eux. »

Il est vrai, Jésus le recommande Lui-même, qu’il y a une relation d’intimité personnelle entre l’âme et Dieu : « Lorsque tu veux prier, enferme-toi dans ta chambre, ferme la porte et prie dans le secret. Ton Père qui voit dans le secret t’écoutera, t’entendra et t’exaucera. »

C’est vrai aussi qu’il y a des rassemblements d’Église qui ne sont pas directement orientés à l’intimité avec Dieu. Il y en a même beaucoup : les congrès, les pèlerinages, les sessions, les séminaires…

Mais il y a aussi des rassemblements de communautés d’Église qui sont, eux, directement orientés à notre intimité personnelle avec Dieu. Et il faut dépasser ce faux problème qui consiste à préférer être seul dans l’église pour être seul avec le Christ !

Erreur ! Car le Christ ne vient à toi qu’à travers l’Église ! Jésus le rappelle : « Là où deux ou trois sont réunis, je serai au milieu d’eux. » Et c’est le sens profond de l’assemblée dominicale. Nous sommes un rassemblement communautaire dans un lieu bien déterminé. Nous ne nous rassemblons pas n’importe où, nous sommes dans cette chambre haute, réservée à l’intimité, où nous entendons la Parole de Dieu, où nous goûtons comme est bon le Seigneur par la communion eucharistique et où, dans ce troupeau de brebis que représente l’Église, nous sommes en intimité personnelle avec notre Christ, avec notre Pasteur et Maître.

« D’un seul cœur, ils participaient à la prière… »

L’Église se rassemble dans un lieu bien précis qui est la chambre haute parce qu’elle ne fait pas n’importe quoi. Que fait l’Église, que font les apôtres lorsqu’ils sont rassemblés dans la chambre haute ?

Ils prient. Voilà ce que fait l’Église qui devait si rapidement s’insérer dans l’histoire, si l’on en croit les anges : Allez ! Que faites-vous hommes de Galilée ? Allez, allez, partez, agissez… ! Mais les apôtres sont rentrés à Jérusalem, ils sont montés dans la chambre haute, dans la chambre du mémorial et là, avec Marie la mère de Jésus, ils se sont mis en prière, c’est-à-dire en présence de Dieu comme étant chacun des âmes adoptées et quémandant à leur Père tout le nécessaire qu’il leur fallait pour aller témoigner.

Ils attendaient. Ils n’attendaient pas sans rien faire. Ils attendaient communautairement, comme un vase prêt à recevoir la force d’En-Haut pour ensuite pouvoir communier, comme dit l’apôtre Pierre, aux souffrances du Christ. La traduction juste c’est : « avoir part. » Et de fait pour avoir part aux souffrances du Christ et à Sa gloire, il faut la force de l’Esprit parce que c’est l’Esprit qui a poussé Jésus sur la Croix. C’est Son amour du Père et Son amour des hommes qui a poussé Jésus à donner Sa vie.

Sans Lui nous ne pouvons rien faire…

Et pour nous chrétiens qui sommes appelés, après les apôtres, à rendre présente la Vie du Christ dans toutes les époques, à rendre vivante la Vie du Christ devant chacun, à rendre crédible le Salut de Jésus pour toute personne, il nous faut recevoir cette force spirituelle qui s’appelle l’agapè, la charité, pour aller nous donner, pour continuer le don de Jésus… Donc chacun de nous est là et attend en priant le Père de lui donner cette force qui lui est absolument nécessaire, car sans lui nous ne pouvons rien faire !

C’est ce que font les apôtres et c’est ce que nous faisons à chaque Messe. Nous prions et sommes en attente de recevoir l’Amour de Dieu pour pouvoir ensuite porter l’Évangile à nos frères.

Il ne s’agit pas de distribuer des Évangiles dans la rue, il ne s’agit pas de distribuer des petits caractères noirs sur du papier blanc, morts, déchirables, jetables… Il s’agit de donner à nos frères l’Évangile vivant ! Il s’agit de donner à nos frères l’Évangile de 2020. Il s’agit de faire vivre le Christ ! Donc de nous donner aux autres, de nous donner à Dieu, d’aller vers l’autre, de nous considérer en dernier, comme plus petit, comme au service de chacun, et en particulier des plus petits…

« Près de la croix de Jésus se tenait sa mère… »

La prière est vitalement, nécessairement, biologiquement, liée à la réception de l’Esprit Saint pour l’Église et donc au témoignage qu’elle doit accomplir. Car c’est là la raison de son existence : être la route où les hommes rencontrent le Salut !

La prière est le centre de gravité de cet immense corps qui est l’Église. Immense, répandue sur les cinq continents, c’est la plus grande force humaine et politique qui n’ait jamais existé.

Et ce ‘monstre’ ne peut tenir debout que par un centre de gravité profond, immense, abyssal, dont Dieu seul connaît l’endroit et le poids. Satan lui-même l’ignore mais il le hait. Il le hait parce qu’il sait que c’est cette prière, la prière des monastères contemplatifs, la prière des saints, la prière du laïque, notre prière de tous les jours qui permet à l’Église de rester stable.

« Je suis la voie, la vérité et la vie ! »

Ni en arrière, ni en avant dans l’Histoire : ce n’est pas le problème. L’Église n’est pas dans l’Histoire. Nous n’avons pas à précéder les modes ou à les suivre. Nous avons à surplomber l’Histoire pour l’illuminer, comme la Croix surplombe le monde. Et nous ne pouvons surplomber l’Histoire pour éclairer les décisions des hommes que si nous sommes debout, comme Marie au pied de la croix, que si nous sommes stables. Notre équilibre c’est notre prière. C’est à notre prière, c’est à la prière de nos frères et de nos sœurs de tous les pays, de tous les temps, que nous le devons.

Nous savons maintenant ce qui nous reste à faire. Revigorer notre esprit de rassemblement communautaire, revigorer notre prière personnelle, quelle qu’en soit la forme : chapelet, oraison, méditation de la Parole… Prier, prier pour être stable, prier pour stabiliser l’Église, prier pour que l’Église domine, non pas d’une domination de puissance mais d’éclairage et de miséricorde !

Il n’y a que cette domination-là, il n’y a que l’amour, il n’y a que le don de l’Évangile à travers l’Église et à travers les chrétiens qui pourra faire face, lutter contre les guerres, les haines, les misères et les désespoirs…

C’est nous qui avons dans nos mains la solution qui dépasse infiniment les solutions, nécessaires mais ponctuelles, des gouvernements. La solution pour l’humanité ? La solution c’est Jésus !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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