Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« UNE JOURNÉE DE JÉSUS… »

Lectio divina pour le 5ème Dimanche Ordinaire
Job 7, 1-7 1Cor.9, 16-23 Mc.1, 29-39

L’évangéliste Marc fut le scribe en quelque sorte de l’apôtre Pierre. C’est lui qui nous transmet la catéchèse du premier des apôtres ; une catéchèse simple, si elle n’est pas simpliste. L’évangile de Marc est le plus bref, le plus synthétique ; c’est l’évangile du patron pêcheur qui ne s’embarrasse pas trop de considérations théologiques comme Matthieu qui cherche toujours, lui, à relier l’Ancien et le Nouveau Testament ou comme Jean le Théologien.

« Viens, suis-moi, je ferai de toi un pêcheur d’hommes. »

C’est le patron pêcheur qui a été marqué une fois pour toutes (ce qui ne l’empêchera pas de trahir…) par l’invitation et même l’ordre de Jésus : « Viens, suis-moi, je ferai de toi un pêcheur d’hommes. » Oui, Pierre fut marqué par cette injonction du Christ : « Laissant là leurs filets ils le suivirent… »

C’est pour cela peut-être que Pierre se contente de décrire la vie et les journées de Jésus à travers la plume de saint Marc. On pourrait appeler l’Evangile d’aujourd’hui, comme celui de dimanche dernier : Une journée de Jésus.

Pierre nous lance ainsi un appel pour que nous aussi, après lui, nous marchions à la suite du Christ.

Cette journée de Jésus est simple et se répétera dans l’Evangile : synagogue, guérison, enseignement, prière, recherche, départ…

« Comme le Père m’a aimé moi aussi je vous ai aimés. »

Je propose de relever trois idées.

La première est celle-ci : Jésus passe de la synagogue à la maison de Pierre, ce qui veut dire que Jésus passe de la rencontre personnelle avec Son Père (la synagogue est le lieu de la prière et du culte, de l’adoration), à la maison de Pierre dans laquelle Il va pour rencontrer les hommes de manière personnelle.

Jean relèvera dans son évangile : « Comme le Père m’a aimé moi aussi je vous ai aimés. » Autrement dit la relation que Jésus vit personnellement avec Son Père est cette même relation qu’Il va vivre personnellement avec chacun d’entre nous ! J’insiste sur le caractère personnel de cette relation.

C’est Jésus qui fait découvrir à l’humanité cette relation de cœur à cœur, de personne à personne qu’Il a, Lui, avec ce Dieu qu’Il appelle Son Père. Cette richesse de la vie de Jésus nous savons donc aujourd’hui qu’elle est poursuivie entre Jésus et l’homme, et ce, identiquement : « Comme le Père m’a aimé moi aussi je vous ai aimés. » !

Autrement dit Jésus entre dans une relation communicative avec Son Père pour connaître les hommes, pour connaître le mystère de Dieu sur les hommes, pour connaître le plan du Salut, pour connaître ce que le Père veut de chacun. C’est en sortant de cette connaissance qu’Il a dans Sa prière avec le Père qu’Il peut entrer en contact personnel avec chacun : Pierre ou sa belle-mère, Jacques, Jean, André ou chacun d’entre nous pour lui apporter ce dont il a besoin.

Entrer dans la profondeur de Dieu…

Quelle est la conséquence de cet acte de Jésus ? Nous devons retenir que pour entrer en relation vraie et personnelle donc avec notre prochain qu’il soit l’époux, l’enfant, l’ami, le paroissien, le collègue, le supérieur, nous devons d’abord entrer dans la profondeur de Dieu !

Je dois d’abord entrer dans la relation personnelle avec mon Père du Ciel qui connaît parfaitement (puisqu’Il l’a créé) celui qui se trouve en face de moi, qui a sur lui un regard bien particulier : sa vocation personnelle.

C’est en entrant dans cette profondeur de Dieu, dans cette Vie divine à travers laquelle je découvre mon prochain que je peux ensuite entrer en relation vraie, et non mondaine, une relation vraie de personne à personne, d’époux à épouse, de parent à enfant, d’enseignant à enseigné, d’ami à ami avec l’autre…

Je dois même dire que c’est lorsque j’entre en Dieu que Dieu me renvoie spontanément, automatiquement à l’homme ! Parce que c’est dans la profondeur du mystère de Dieu que se niche le mystère de l’humanité créée par Dieu, dépendante de Dieu, fille de Dieu.

C’est au cœur du Cœur de Dieu que je découvre l’humanité parce que l’humanité est le premier souci de Dieu. Si l’on emploie un langage imagé on peut dire ceci : à quoi Dieu pense-t-Il toute la journée ? Il ne pense pas à Lui-même, Il pense aux hommes, Il pense à Ses enfants, Il pense à Ses créatures à qui Il a donné la vie, à qui Il a donné la liberté pour qu’elles puissent L’aimer et partager Sa Vie et donc Son Amour et Sa Joie !

Révéler l’homme à l’homme !

La deuxième idée est que, Jésus passant de la synagogue à la maison de Pierre passe de l’enseignement de la Parole de vérité qui illumine l’esprit, (nous l’avons vu dimanche dernier « Il parlait comme ayant autorité »), à la mise en pratique de cette Parole qui est Parole de Vie, qui est Parole en acte (on le verra sur la Croix !), qui est réchauffante et éclairante, qui est charité, et guérison, de la fièvre de la belle-mère de Pierre comme des souffrances des autres malades qu’on lui amène.

Conséquence pour notre vie chrétienne : nous devons nous aussi enseigner la vérité, proclamer la parole de vérité.

Nous devons révéler l’homme à l’homme. A commencer par nous-mêmes !…

Nous sommes des guetteurs, nous sommes des veilleurs. Nous n’avons pas le droit de démissionner de ce rôle qui est à la fois le premier rôle du baptisé, anticipant le rôle de parent ou de prêtre, mais qui assume, transforme et renforce ce rôle d’éducateur naturel que chacun a de par sa vocation spécifique. Nous n’avons pas le droit de démissionner de cet appel fondamental qui vient toucher le baptisé pour en faire un « guetteur d’Israël », révélant le mystère de l’homme à l’humanité.

Pratiquer la Parole de Vie !

Et, dans le même temps, nous devons appliquer cette parole qui est aussi Parole de Vie ! C’est dire que nous devons soigner l’humanité, comme Jésus le fit avec les malades.

Soigner l’humanité dans sa structure physique, non pas seulement au sens du corps charnel, mais au sens plus général de tout ce qui fait la structure matérielle de l’humanité, cette structure dont Saint Jean Paul II nous disait qu’elle est une « structure de péché. »

Si l’humanité souffre dans sa structure visible, matérielle c’est parce qu’effectivement elle a perdu le chemin de l’invisible, elle a perdu la lumière de la Vérité. Le meilleur exemple en est la guerre. Nous voulons parler des multiples guerres qui se déroulent dans le monde, mais aussi de nos guerres personnelles, guerres dans le couple, dans une famille, dans une communauté, dans une ville… Toutes ces guerres politiques, ces combats stupides que chacun cherche à gagner pour un salaire, une parcelle de territoire, une parcelle d’autorité !…

Le bien de l’homme, le bien de l’humanité, le bien de la famille, le bien d’un pays, le bien d’une race, d’une ethnie passe après ma soif de pouvoir, ma soif d’argent, de puissance ! C’est donc bien parce que l’homme perd le sens de la vérité, (révélation de l’homme à l’homme qu’a fait Jésus), qu’il blesse ou participe à la blessure de l’humanité dans sa structure.

« C’est pour cela que je suis sorti… »

Il nous faut donc agir sur ces deux niveaux comme Jésus : il faut à la fois envoyer des vivres, des médicaments, panser les cœurs, panser les corps, mais il faut aussi proclamer le juste, le vrai, le droit ! Il faut proclamer la vérité et il faut mettre en pratique la Parole de Vie.

« C’est pour cela que je suis sorti… » du Père et non pas seulement de la maison dit Jésus. Jésus veut dire : Je suis sorti du Père pour annoncer la Bonne Nouvelle, la Parole de vérité et pour guérir c’est-à-dire pour appliquer cette Parole de Vie !

L’un ne doit pas aller sans l’autre.

Et nous, nous sommes aussi sortis dans l’existence comme dans la Vie divine. Nous avons un devoir, nous sommes redevables à Dieu, (pas seulement à nos parents) de nous avoir procréés. Et nous sommes redevables à Dieu du don de la Vie surnaturelle.

Donc Dieu ne nous a pas fait pour nous tourner les pouces, pour jouir de manière hédoniste et égoïste, mais pour transformer notre monde, « pour panser les cœurs meurtris, pour apporter la joie aux affligés, pour guérir les malades, pour annoncer le règne de Dieu. »

« Tout le monde te cherche dit Pierre… »

La troisième et dernière idée est celle-ci. L’évangéliste nous précise en ce passage si bref : « Toute la ville se pressait à la porte de la maison pour y amener tous les malades… »,   

« Tout le monde te cherche dit Pierre… » : Jésus est tel que les hommes courent après Sa personne.

Le chrétien doit être tel que les âmes courent après lui. Il ne s’agit pas pour le Christ ni pour le chrétien de cavaler après les âmes dans un activisme effréné, de leur imposer notre regard, de faire un prosélytisme de mauvais aloi…

Il s’agit seulement d’être tels que les hommes aient envie de venir nous voir, de venir se nourrir, de venir se laisser guérir, panser, soigner. Et nous savons bien que dans notre époque particulièrement difficile, surtout avec la crise sanitaire, les plaies de nos frères sont multiples.

Elles sont multiples et nous devons donc être tels que tous nos malades physiques, moraux, mentaux, économiques, spirituels soient aspirés vers notre personne, alors que si souvent malheureusement nous les repoussons, et sans même nous en rendre compte !

« Tout à tous ! »

Il faut que nous soyons multiformes, si je puis dire. Nous devons être capables d’écouter, dans une relation vraie et personnelle les misères, de compatir, d’agir face à ces multiples maladies qui touchent l’humanité.

Il nous faut être comme Paul le dit « tout à tous » : homme avec les hommes, femme avec les femmes, faible avec les faibles, riche avec les riches, malade avec les malades etc…

Et, pardonnez-moi le néologisme, cette ‘multiformité’ de notre personne, de notre intelligence, de notre cœur, nous ne pouvons l’avoir que si nous sommes, encore une fois, dans le mystère de Dieu qui, Lui, est tout à tous parce qu’Il est au-dessus de tous et qu’Il a créé toutes les créatures comme le rappelle saint Paul dans son épître aux Ephésiens : « Il est en tous, au-dessus de tous, Père de tous, par tous. »

Ma multiprésence aux autres, mon efficacité multiple de pouvoir guérir toutes les maladies de ces frères qui viennent me voir, qui voudraient me voir, qui voudraient me parler, me dire leur peine, elle n’est possible que si je suis véritablement en présence de Dieu comme Jésus, sorti au petit matin pour prier Son Père.

« Et là il priait. »

Etre en présence de Dieu, être baigné, se noyer dans ce mystère de la divinité dans lequel je trouve au centre comme un point rouge et brûlant, le souci de Dieu pour l’humanité.

Car nous nous rendons bien compte que nous ne pouvons pas humainement répondre à toutes les demandes, mais nous le pouvons divinement. Nous pouvons élargir l’horizon de notre intelligence, nous pouvons élargir la dimension de notre cœur divinement, à l’infini ! Comme ont su le faire un certain nombre de saints dans l’histoire de l’Eglise ; pour répondre, pour rassasier, pour guérir, pour nourrir tous ceux qui ont besoin de recevoir un secours. Je pense tout spécialement à cette sainte des temps modernes et de l’inhumaine pauvreté que fut Mère Térésa.

C’est la démarche que nous faisons nous-mêmes par rapport à Dieu lorsque nous venons à la messe du dimanche et lorsque nous communions à l’Eucharistie qui est le Corps de Jésus, qui est le Pain de Vie !

Ce geste que Dieu fait de nous nourrir, de nous guérir, d’entrer en nous pour diffuser Son amour dans chaque partie de notre personnalité plus ou moins blessée par la « structure du péché », nous devons à notre tour le faire aux autres.

Ce sera d’ailleurs la meilleure preuve apportée au Père que nous L’aimons !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Communauté Saint Martin

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