La Croix livre son secret : l’amour !

La croix du Christ transfigure nos épreuves et en fait une source féconde pour aimer davantage, à la manière de Dieu.

29 mars 2024

Pascal-André Dumont + prêtre

Je suis habitué à la croix du Christ. Je la croise du regard bien souvent, pendue à un mur : elle fait partie de mon paysage visuel. Chaque jour je fais le signe de la croix sur mon corps : il fait partie de mes gestes. J’ai vu le film La Passion de Mel Gibson : j’ai été fortement ému, j’ai même versé une larme, et je suis passé à autre chose, comme si tout cela ne me touchait pas vraiment.
En revanche, curieusement, lorsqu’une croix, bien moindre que celle du Christ, fait irruption dans ma vie, je suis déstabilisé. Le questionnement se fait alors angoissé : pourquoi moi ? Pourquoi cette épreuve dans ma vie ?
Dans le meilleur des cas, un verset de l’évangile me revient à l’esprit : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive » (Mt 16, 24).
Prendre ma croix, qu’est-ce que cela signifie ? Face à une croix, c’est-à-dire à une épreuve, j’ai trois attitudes possibles : la fuite, la révolte et…

Fuir l’épreuve

Mon tempérament aidant, je fuis l’épreuve en faisant comme si elle n’existait pas. Je ne veux pas la voir, ni en entendre parler. Je m’enferme dans le déni en vivant maladivement dans le passé ou en me projetant faussement dans l’avenir. Je pense ainsi faire disparaître l’épreuve, mais je me leurre.
Mon comportement maintient d’autant plus et sournoisement l’épreuve au cœur de ma vie, épreuve qui me ronge de l’intérieur sans bruit. Mon coeur s’endurcit.

Se révolter face à l’épreuve

Ou bien, je me révolte. Je ne vois dans cette épreuve qu’une injustice. Je me positionne en victime en cherchant à tout prix un fautif, jusqu’à m’en prendre à Dieu. Sans m’en rendre compte, je maintiens alors l’épreuve vivace et violente. Je m’enferme de plus en plus dans ma révolte et l’épreuve fait de plus en plus mal. Mon cœur s’endurcit.

Deux impasses et une voie nouvelle

Ces deux attitudes sont des impasses, car elles endurcissent mon cœur. Elles rendent l’épreuve victorieuse, qui impose son mal. Je suis détruit. C’est donc un autre chemin qu’il s’agit de prendre. Je ne dois ni fuir l’épreuve, ni me révolter contre elle, mais suivre le Christ qui m’indique une nouvelle voie. Il m’invite à sa suite à traverser l’épreuve.

Traverser l’épreuve

D’un nouveau regard, je contemple la croix pendue au mur. A force de la contempler, je comprends qu’elle a quelque chose à me dire, un secret à me livrer pour me faire traverser l’épreuve. Ce secret ne peut être que ce qui donne son sens profond à la croix du Christ : c’est l’amour ! Aime, c’est l’appel que me lance la croix de Jésus lorsque je la contemple. Elle m’attire de plus en plus. Sans dolorisme malsain ni jansénisme stérile, je m’approche d’elle avec le simple désir d’apprendre d’elle à aimer. Cette croix devient désormais pour moi le mode d’emploi de l’amour. Elle met en lumière le commandement du «  aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15, 12). Plus je regarde Jésus sur la croix, plus je comprends qu’aimer comme lui c’est :

Aimer à sa manière

Jésus me révèle qu’aimer à sa manière c’est aimer avec les mêmes sentiments qui sont dans son cœur : « Chargez-vous de mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur… » (Mt 11,29). Je dois aimer humblement, c’est-à-dire « de bas en haut », en m’abaissant devant celui que je cherche à aimer, en me faisant petit, serviteur. Comme Jésus, je lave les pieds. Je dois aimer avec douceur. Cette douceur s’exprime dans le profond respect que je manifeste à l’autre, même et surtout si je le connais dans son péché. J’aime avec douceur chaque fois que j’aime quelqu’un tel qu’il est.

Aimer avec la même qualité d’amour que lui

Jésus manifeste un amour absolu, inconditionnel et gratuit. Je dois aimer l’autre absolument, c’est-à-dire sans bémol ; inconditionnellement c’est-à-dire sans mettre de condition à cet amour (je t’aime si…) ; gratuitement c’est-à-dire sans recherche d’un intérêt personnel, sans attente d’un retour, sans calcul.

Aimer avec la même quantité d’amour que lui

Jésus déclare solennellement qu’aimer ne supporte aucune limite quantitative, surtout face au péché qui cherche toujours à détruire l’amour. C’est pourquoi, je dois pardonner soixante-dix-sept fois sept fois, c’est-à-dire surabonder dans l’amour là où le péché abonde.

Aimer jusqu’au bout

Enfin Jésus témoigne de ce que l’amour ne peut pas s’arrêter en route, il va jusqu’au sacrifice : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ». Je dois imiter le sacrifice de Jésus car il est l’amour parvenu à son paroxysme.

Trop c’est trop !

Je suis attiré par cet amour car il est grand, très grand, le plus grand, et que mon cœur, au lieu de s’endurcir, se dilate à chaque fois que je l’expérimente même un tout petit peu, mais en même temps cet amour me donne le vertige. Trop c’est trop ! Cet amour est absolument au-dessus de mes forces, je suis incapable d’aimer ainsi.

Je n’ai plus peur

Je n’ai plus peur d’aimer à partir du moment où j’accueille cet amour du Cœur de Jésus dans sa grâce ! C’est LUI qui va aimer en moi et à travers moi. Cette croix n’est donc pas là pour m’écraser de souffrance, mais pour m’apprendre le véritable amour, celui de Jésus en moi pour les autres.

Vers la joie pascale

Dans le moment de l’épreuve, il est au-dessus de mes forces de rendre grâce pour elle. Mais lorsqu’elle est traversée et que je constate combien – parce que j’ai accepté de la traverser avec Jésus – elle m’a appris à aimer, j’incarne quelque chose de la joie de Jésus dans l’instant de sa résurrection.