La Croix Liturgique

Ce travail est le fruit de l‘Ecole de Théologie de la Comunauté Saint Martin. Il s’agit d‘une présentation de la liturgie dans tous ses objets, ceux-ci étant utilisés par les prêtres lors des cérémonies religieuses. Cette présentation a aussi une dimension culturelle visant à promouvoir l’art sacré.

Histoire      

De la croix stationnale à la croix d’autel

De la croix stationnale à la croix d’autel La croix de procession, ou croix stationnale, est la croix liturgique employée lorsque la croix de l’autel ne peut servir, c’est-à-dire principalement lors des processions. Elle est la vraie croix liturgique. Si l’archéologie ne semble la trouver qu’à partir de l’époque carolingienne, l’hymne « Vexilla Regis » pouvant être datée du Vème s., pourrait attester déjà de son existence, puisqu’on y mentionne la croix comme étant    « l’étendard du Christ. » D’ailleurs, son nom de croix stationnale atteste son antiquité. La station était en effet le lieu de rassemblement des fidèles qui se réunissaient chaque année au jour anniversaire de la mort d’un martyr. La station fut aussi l’église où se rendait le Pape en procession à Rome pour célébrer les saints mystères. Toujours la croix précédait le cortège, encadrée de deux flambeaux pour les processions nocturnes. Nous avons-là une possible origine de son encadrement par les cierges d’acolytes. Ornée d’un crucifix, elle domine la procession qu’elle guide : c’est le Christ qui ouvre la marche. L’image de crucifix est toujours tournée vers l’avant, sauf quand la croix fait fonction de croix archiépiscopale. Le Christ est alors tourné vers l’archevêque. La croix archiépiscopale est un insigne propre aux archevêques résidentiels. Rien ne la distingue d’une croix de procession.

Précisons ici que la croix de procession est réservée au clergé et à ses servants lors des processions liturgiques ; elle précède donc uniquement celui-ci. Il existe d’autres croix de processions à l’usage des fidèles laïcs (archiconfréries, hospitalités, etc…), souvent en bois peint et sculpté, qui peuvent accompagner ceux-ci lors de leurs fêtes votives (cf. ci-dessous, la croix des Pénitents de Perpignan). Les premières mentions de la croix d’autel apparaissent aux XIIème et XIIIème s. Nous pouvons trouver des traces de croix suspendues au centre ou sur les côtés du ciborium (baldaquin supporté par des colonnes, destiné à abriter l’autel) mais celles-ci furent remplacées à l’époque carolingienne par la croix processionnelle, attachée à l’autel au moment de commencer le sacrifice eucharistique. Au XIIème s., l’Ordo Romanus n° XI mentionne cette croix processionnelle marchant en tête du cortège qui se rend à la basilique stationnale. Une fois arrivée, le sous-diacre la place sur l’autel. C’est au XIVème s. que la croix restera à demeure sur l’autel, le crucifix étant tourné vers le célébrant pour l’inviter à s’identifier au Christ.

Utilisation spécifique dans l’année liturgique : du dimanche de la Passion au Vendredi Saint

Il est d’usage, dans la liturgie latine, de voiler les statues et les croix dans les églises, du Vème dimanche de Carême au Vendredi Saint. Cette pratique traditionnelle, toujours prescrite, permet aux fidèles de se préparer à la disparition et au deuil du Seigneur et de vivre avec une plus grande intériorité, sans le soutien des images saintes, le temps liturgique de la Passion. La croix est dévoilée progressivement au cours de l’office de la Passion, office célébré dans l’après-midi après le traditionnel chemin de croix. Cette croix est alors l’objet d’un rite liturgique où chaque fidèle est invité à venir adorer la croix puis à la vénérer (cf. ci-dessous). Cette croix doit être portative pour des raisons pratiques, et doit d’être la seule dévoilée jusqu’à la Vigile Pascale. On génuflecte devant elle pour signifier la révérence envers le Corps du Sauveur.

Excursus : le pape et la croix

La croix papale — Les Ordines Romani, cérémoniaux romains du début du moyen-âge, mentionnent la croix aux processions pontificales comme sorte d ‘étendard du Souverain Pontife et des basiliques. Il s’agit d’une croix de procession réservée au pape qui a habituellement la particularité de ne pas avoir de crucifix. Il arrive que le Pape la prenne en main en certaines occasions, par exemple à l’ouverture de la Porte Sainte lors des Jubilés, étant donné qu’il ne fait pas usage de crosse.

L’antique « ferula » — À ne pas confondre avec la croix papale, la férule est le bâton pastoral du Pape. C’est son symbole de pouvoir et de juridiction. Son usage remonterait à saint Grégoire le Grand (540-604) et est attesté entre le IXème et le XIème s. Il est alors privé de caractère liturgique. L’évêque Durand de Mende, au XIIIème s., explique que le pape n’a pas de crosse puisque, ne recevant son pouvoir que de Dieu, il n’est investi par personne. La mention de la férule se trouve ainsi documentée dans cette période que les historiens appellent la Querelle des Investitures. Lors de son investiture, l’évêque recevait la crosse du seigneur laïc qui exigeait en retour une forme d’allégeance. Nous comprenons la volonté du pape de ne pas se parer d’un tel symbole tandis qu’ il combattait les prétentions des princes sur les nominations abbatiales et épiscopales. La férule disparaîtra de l’usage ordinaire vers le XVIème siècle, lorsque la crosse sera devenue progressivement un symbole pastoral et liturgique.
En décembre 1869, Pie IX y recourt à l’ouverture du concile Vatican I ; en octobre 1962, c’est à Jean XXIII d’en faire autant, puis Paul VI et ses successeurs l’utiliseront comme bâton pastoral durant les liturgies solennelles.