Lectio divina pour la Dédicace du Latran

Ez.47, 1-12                  1Cor.3, 9-17               Jn.2, 13-22

OFFREZ VOS PERSONNES EN SACRIFICE SPIRITUEL, VOILÀ LE CULTE QUI PLAÎT À DIEU !

Nous célébrons aujourd’hui la dédicace, c’est à dire l’anniversaire de la consécration de la basilique du Latran qui est la cathédrale de la ville de Rome dont l’évêque n’est autre que le Pape. Cela doit donc déjà nous faire peut-être réajuster notre regard sur ce personnage, extrêmement médiatisé à l’heure actuelle, qu’est le Souverain Pontife.

« Pais mes brebis, pais mes agneaux, pais mon troupeau… »

Celui-ci est donc avant tout un pasteur comme le sont les évêques dans leurs diocèses. Il est avant tout un pasteur et non pas un administrateur de la Cité Vaticane ou un chef d’état. Son pastorat, il le tient de Jésus-Christ, de la volonté expresse et formelle du Christ qui dit par trois fois à Pierre : « Pais mes brebis, pais mes agneaux, pais mon troupeau… » Quant à son statut réel de chef d’état, il lui a été dévolu par les remous de l’histoire et non pas par la volonté de Dieu.

Profitons de cette célébration et de ce dimanche consacré au Latran pour revoir l’attitude que nous avons vis à vis du Pape, quel qu’il soit. Ce doit donc être une attitude fondée sur notre foi en Jésus-Christ dont il est le Vicaire ou, pour reprendre l’expression de Catherine de Sienne : « le doux Christ sur la terre. » Aussi devons-nous avoir envers le Pape une attitude de confiance filiale, une confiance absolue, totale, spontanée, instinctive; en un mot, cette attitude que saint Paul appelle « l’obéissance de la foi. »

L’Église, lieu où Dieu convoque Son peuple pour partager avec lui…

L’anniversaire de la Dédicace de cette cathédrale du monde, cathédrale de la chrétienté construite sous les ordres de Constantin dans les années 320 pour y loger le Souverain Pontife, doit nous faire aussi réfléchir sur ce qu’est l’Église.

Cathédrale vient du mot ‘cathèdre’ c’est-à-dire le siège du docteur, celui qui enseigne magistralement, en maître. D’ailleurs tous les évêques sont docteurs, c’est-à-dire qu’ils sont maîtres de l’enseignement dans leurs diocèses. Les prêtres et les laïcs doivent se soumettre à cet enseignement en tant qu’il rejoint l’enseignement du Souverain Pontife.

La cathèdre c’est le siège du docteur et la cathédrale est le lieu où se situe cette cathèdre. Donc ça nous oriente tout de suite sur deux sens.

D’abord l’église est le lieu où il y a cette cathèdre. C’est un lieu, un temple, pour reprendre l’expression de l’Ancien Testament et de saint Paul. C’est un temple où réside la présence de Dieu ; souvenons-nous de l’Arche d’Alliance dans le Saint des Saints… Et la présence de Dieu suscite une adoration, une louange, un culte… Non pas le culte au sens de la rubrique pratique de l’encensoir ou des cierges ; mais le culte au sens premier du mot : au sens de la liturgie, c’est-à-dire le service de l’adoration.

J’évoquais la cathèdre qui était le siège du maître enseignant à un peuple ; donc dans un deuxième sens l’Église sera ce peuple convoqué par Dieu ; ce n’est pas une université ! Oui, l’Église est un peuple convoqué par Dieu et rassemblé autour de Dieu, justement, pour pratiquer ce culte de louange et d’adoration.

Ces deux notions de temple et d’assemblée sont déjà présentes dans l’Ancienne Alliance puisque c’est dans le Deutéronome qu’apparaît pour la première fois dans l’Écriture la notion d’ecclesia, mot grec qui traduit l’assemblée : ecclesia c’est-à-dire le peuple ; le peuple juif qui est assemblé par son Dieu.

Et puis bien entendu, je vous le disais tout à l’heure, il y a le Temple ; le Temple qui sera préfiguré par la Tente du Rendez-vous, selon la belle expression de Moïse, qui accompagne le peuple durant son pèlerinage au désert jusqu’au moment où l’on construira une demeure de pierre : le Temple de Jérusalem.

L’Église, corps mystique du Christ…

Ces deux notions sont présentes dans l’Ancienne Alliance et ces deux notions s’accomplissent dans le Nouveau Testament.

L’Église, lieu de la présence de Dieu, devient dans le Nouveau Testament, dans notre temps de l’Église, le lieu de la Présence Réelle et non pas seulement de la présence signifiée par les Tables de la Loi.

Et, dans le Nouveau Testament,la convocation du peuple se fait à travers cet instant bouleversant qu’est l’Incarnation, la venue de Dieu dans le monde convoquant à travers Jésus-Christ les peuples de l’univers. Tous les peuples, c’est la symbolique des rois mages, tous les peuples sont convoqués à être rassemblés autour de ce Fils. Comme à la crèche : les animaux (le cosmos), la Vierge et Joseph (les Justes), les bergers (les pauvres) et les rois mages (les peuples de l’univers entier), tous sont rassemblés autour de l’Enfant Jésus…

Ils sont rassemblés à un tel point que cette Église, ce peuple, deviendra le Corps, pour reprendre l’expression forte de Paul, le Corps mystique du Christ. Nous voyons ainsi comme, dans le Nouveau Testament, les deux notions déjà présentes dans l’Ancien, trouvent leur achèvement.

L’église-lieu est au service de l’Église-peuple…

Nous comprenons alors, en regardant les deux définitions de l’église qui est un lieu et l’Église qui est une assemblée, que la première notion, l’église-lieu, est finalisée par la deuxième, l’Église-peuple. Un peu à la manière du sacerdoce des prêtres qui est finalisé par le sacerdoce des laïcs. Car nous sommes à votre service. Nous sommes au service de votre sanctification ; c’est ce qui fait que nous passons derrière vous, comme Celui qui est venu non pour être servi mais pour servir. Nous essayons, malheureusement avec beaucoup de peine, d’être comme le Christ aux pieds des apôtres pour servir : servir votre bien, servir votre âme… D’où le nom de curé : celui qui a la cure, le soin des âmes.

L’église-lieu est au service de l’Église-peuple, dans le sens non pas qu’elle la constitue, -ce n’est pas le bâtiment qui fait notre assemblée ; la meilleure preuve est que dans une bonne partie du monde et dans une bonne partie de l’histoire, en terre de mission, ou dans les camps de concentration, il n’y avait pas d’église-lieu mais il y avait l’Église-peuple-, mais qu’elle la signifie, en aidant à son rassemblement.

« Celui qui m’aime, nous l’aimerons et ferons chez lui notre demeure… »

Elle la sert jusqu’au moment où l’Église-peuple deviendra elle-même église-lieu ! C’est-à-dire jusqu’au moment où chaque fidèle formant le peuple appelé deviendra réellement, substantiellement, vraiment (ce sont les mêmes termes qui définissent la Présence réelle), un lieu où Dieu se plaira à demeurer et à aimer, pour reprendre la phrase de Jean : « Celui qui m’aime, mon Père et moi nous l’aimerons, nous viendrons chez lui et nous ferons chez lui notre demeure. » A ce moment-là l’Église-peuple deviendra elle-même le lieu du culte.

Autrement dit, quand tous les ennemis de Dieu seront vaincus c’est-à-dire quandles péchés qui salissent ma basilique intérieure seront chassés de ce temple spirituel qu’est mon âme, comme Jésus le fait dans l’Évangile, et quand le dernier ennemi, la mort, –c’est-à-dire Satan- sera vaincu et soumis, écrit saint Paul, quand tout cela se produira, alors les rassemblements terrestres que nous sommes disparaîtront, au profit de l’Assemblée unique qu’est la Jérusalem Céleste que nous avons célébrée par la fête de la Toussaint.

L’Église nous prépare au culte définitif de la Jérusalem céleste…

C’est par elle, par cette Jérusalem Céleste, en elle et avec elle,que se célèbrera le culte vrai et définitif, Liturgie du Sanctuaire de Dieu dont nous parle l’épître aux Hébreux ; culte vrai comme le décrit l’Apocalypse : « Amen, gloire, louange, action de grâce, honneur, puissance à notre Dieu pour les siècles des siècles, amen ! »

Nous comprenons donc le lien qu’il y a entre l’église-lieu qui est instrument pour l’édification de l’Église-peuple dont la plénitude (pour reprendre le mot de Paul), sera cette Jérusalem Céleste dans laquelle, par laquelle et avec laquelle sera célébrée la Sainte Liturgie c’est-à-dire le service d’adoration de Dieu avec les anges, les archanges et toutes les puissances d’en haut…

Mais en attendant cette Jérusalem Céleste que devons-nous faire ? Eh bien nous devons poursuivre l’édification de notre temple spirituel. C’est la purification de ce temple spirituel qui est en nous par notre Baptême qu’il nous faut effectivement nettoyer, en en chassant les taches, les péchés (mensonges, compromissions, haines, jalousies, envies…) qui, de notre temple, ont fait une maison de voleurs, de brigands…

Purifier c’est-à-dire construire ce temple spirituel qui ne peut être qu’une pierre vivante dans la construction de l’Église ; qui ne peut être que membre du Corps total du Christ pour vivre ; car vous ne voyez jamais vivre un membre coupé d’un corps !

L’Église est le prolongement de Jésus-Christ !

Cette image du corps que prend saint Paul dans son épître aux Corinthiens, nous rappelle bien entendu que l’Église est le prolongement de Jésus-Christ, comme ma main est le prolongement de mon bras qui est le prolongement de ma tête ; cela fait que mon énergie vitale part de mon cerveau pour arriver à ma main. La vie, l’Église la reçoit donc de sa tête qui est le Christ !

Il est très important d’avoir cette notion du prolongement de l’Église Corps de Jésus : cela explique que c’est par elle seulement que je reçois la vie du Christ, vie qui me christifie, qui me conforme au Christ

L’Église reçoit la Vie du Christ qui est la Tête car le Christ est le Temple parfait dans lequel le Père est loué par la présence agissante de l’Esprit-Saint: « Père, dit Jésus, je te rends grâce de m’avoir exaucé… », « le Père et moi nous sommes un… » Le Temple parfait c’est Jésus en tant qu’homme bien sûr : en tant que Dieu le problème ne se pose pas. En tant qu’homme, Jésus est le Temple parfait puisque consacré par l’Esprit et tout dévoué à cet Esprit ; Il loue Son Père jusqu’à donner Sa vie : « Entre tes mains je remets mon esprit. »

Le temple dont parle Ézéchiel dans la Lecture, avant même que cela soit l’Église, c’est le Christ ! C’est Lui Le Temple ! Et de ce temple parfait, de Son côté droit écrira Ézéchiel, de Son côté droit ouvert par le coup de lance à la Croix va s’écouler cette Vie dans l’Église : la Vie de l’Église c’est la Vie de Jésus ! C’est la Vie même du Christ qui s’écoule de Son côté dans le champ de l’Église pour reprendre une autre image utilisée par les Pères : l’Église est aussi un champ, ou une vigne…

L’Église est le champ de Dieu…

Et dans ce champ il y a une multiplicité d’arbres : c’est vous, c’est nous, c’est la multiplicité universelle, catholique, de l’Église qui concerne tous les hommes appelés à donner du fruit, chacun selon son espèce pour reprendre l’expression de la Genèse… Nous sommes appelés à donner du fruit. Mais nous sommes appelés d’abord à avoir du feuillage, un feuillage qui sera un remède c’est-à-dire qui va remédier à notre nature blessée car avant d’être témoin (le fruit) il nous faut nous repositionnef vis-à-vis de la grâce : je dois me guérir !

Moi qui suis un petit arbre dans le champ de l’Église, je reçois la vie c’est-à-dire l’eau, celle qui surgit du temple mais aussi celle dont nous parle Jésus au Temple, selon saint Jean : « Celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura jamais soif, et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle. » Donc je reçois l’eau, je reçois la vie de l’Église qui elle-même la reçoit du Christ, de Son côté ouvert.

Je vais porter du feuillage, je vais commencer par me remettre en face du Christ. Ce sera l’attitude de Zachée. Je me remets en face du Christ et ensuite je porte du fruit, c’est-à-dire je suis témoin. Ainsi en est-il pour chacun, dans la multiplicité des vocations et de ce qu’elles apportent au monde, c’est-à-dire le remède et le témoignage, le bon fruit, l’arbre bon qui donne le bon fruit.

Nous devons être la demeure de l’Esprit !

Voilà ! C’est ce que nous devons faire. Reprenant l’expression de Paul pour être temple de Dieu, nous devons être la demeure de l’Esprit.

Être d’abord demeure de l’Esprit, c’est-à-dire de l’amour ! Cet amour, ce n’est pas forcément tout de suite le grand amour des mystiques. Nous partons de la base, nous faisons comme Zachée. L’amour c’est d’abord le désir. Regardons Zachée : il sort de chez lui avec la volonté de voir le Christ, il monte dans le sycomore ; ensuite quand Jésus lui dit : » Il faut que je descende chez toi Zachée » il descend et se jette aux genoux de Jésus. Il se repent de ses fautes. Voilà une action posée sous la motion de l’Esprit : c’est l’amour premier qui lui fait chercher le Christ et l’amour premier qui me fait découvrir mon péché en face de la pureté du Seigneur, et me fait mettre à genoux pour demander pardon. Comme Pierre : « Éloigne toi Seigneur, je suis un pécheur. »

Ensuite, cet amour grandit à travers le sacrement de Réconciliation. Alors à ce moment-là, Celui qui M’aimeet Son Père viendront chez moi faire leur demeure… « Zachée, il faut que je demeure chez toi… »

Encore une fois cette vie, cet Esprit que je reçois et qui va provoquer mon envie, et susciter, avec ma Réconciliation, mon désir de recevoir le Christ en moi, pour faire que mon âme devienne un lieu de culte, je le reçois par l’Église, donc par les sacrements, donc par le Pape.

Le Pape n’est pas seulement le chef du Magistère, Il est d’abord la tête d’où découlent les sacrements; il est celui qui ordonne les évêques, les prêtres lesquels vous baptisent et vous marient, eux par qui vous recevez l’Eucharistie…

Si je passe vraiment par l’Église, si je reçois cette vie de l’Église, si je remonte dans cette obéissance filiale au Pape dont je tiens mon sacerdoce et dont vous tenez votre Baptême et tout ce qui s’en est suivi dans votre vie, alors votre âme deviendra vraiment un lieu de culte !

Plus qu’un lieu de culte, elle deviendra le culte lui-même ! C’est encore plus beau : non seulement le lieu c’est notre âme, mais notre âme devient le culte lui-même ainsi que le disait saint Paul aux Romains : « Offrez vos personnes en sacrifice spirituel, voilà le culte qui plaît à Dieu. »

BON DIMANCHE À TOUS CHERS AMIS !

Qu’est ce qu’une lectio divina ?

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

Retrouvez la Lectio divina quotidienne de Mgr Le Gall sur X : @mgrjmlegall

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