Lectio divina pour la Fête de la Croix glorieuse

Nb.21, 4-9                  Ph.2, 6-11                   Jn.3, 13-17

Nous célébrons aujourd’hui l’invention, la découverte, de la Croix de Jésus par sainte Hélène, mère de Constantin. L’Église a choisi cette date en lien avec la Transfiguration qui est commémorée 40 jours avant. Ne lisons pas le lien de ces deux évènements comme un exode à l’envers, un mauvais film commençant par la fin. Si la Transfiguration prime sur la Croix, c’est qu’elle en est le sens profond et plénier : la glorification du Christ, Sa transfiguration définitive dans la Lumière du Père, c’est la Croix. Cette lecture se fonde sur les paroles de Jésus : « Père l’heure est venue, glorifie ton Fils pour que ton Fils te glorifie… 

« Ma vie, nul ne la prend mais c’est moi qui la donne. »

Nous ne devons pas lire la Croix comme un passage obligé pour atteindre la béatitude, mais comme l’endroit, le lieu, l’instant… mieux encore : la forme, ici sur notre terre, de la vraie béatitude: « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime. » C’est pourquoi le Christ est en joie, dans une joie parfaite…

Grâce à elle, Il est joyeux dans le don de Sa vie : « Ma vie, nul ne la prend mais c’est moi qui la donne. » C’est cette joie qu’Il veut nous apprendre et non pas un piège qu’Il voudrait nous tendre quand Il nous demande de nous aimer comme Il nous a aimés !

Le Christ atteint donc le sommet de la béatitude au moment même où Il offre Sa vie, physiquement par la mort et moralement par le pardon qu’Il implore auprès de son Père pour les hommes du monde entier.

« Père entre tes mains, je remets mon esprit ! »

En ce sens-là seulement il est possible et logique pour nous de demander la croix. Non comme une ordalie qui nous innocenterait, mais dans l’assurance que le Christ en nous sera vainqueur du Mal si nous mourons avec Lui et comme Lui, c’est-à-dire dans le même esprit d’abandon au Père : « Père entre tes mains, je remets mon esprit. »…

La Croix n’est pas le lieu de la force, mais au contraire le lieu de l’abandon, de l’exode de soi « jusqu’au bout » pour reprendre le terme johannique. Même si la Croix en elle-même est dure et se lève dans les ténèbres, elle est douce et lumineuse comme le chante le Vexilla Regis. Ou plutôt, l’amour avec lequel nous l’embrassons la rend acceptable, aimable même. Car par elle nous entrons dans le mystère de la Rédemption. Pour nous, pour les autres.

A chacun de nous d’inventer la croix à chaque instant de sa vie !

Nous vivons au rythme du cœur et non des idées. Aussi la présence de la croix dans nos vies n’est pas dogmatique, définie une fois pour toute, repérable à jamais, à l’instar d’un jalon indicateur au bord de la route. Comme pour le royaume à venir dont Jésus nous dit que personne ne peut annoncer les prémisses, personne ne peut nous dire : la croix est comme ceci ou comme cela, elle est ici ou là…

C’est à chacun de nous d’inventer la croixà chaque instant de sa vie.Inventer, c’est-à-dire trouver la vraie, comme Hélène, en regardant comment je suis guéri en me couchant dessus. Et non s’inventer des croix, bien choisies opportunément !

La croix qui ne nous quitte pas, c’est celle de notre vie !

La première des croix ne se situe pas chez les autres, comme le pensait à tort Sartre. Pour chacun de nous, la première des croix à inventer, c’est nous-mêmes avec nos désillusions, nos faiblesses découvertes, les pesanteurs qui nous lestent au fur et à mesure, ces phacochèresque nous repoussons dans l’ombre de nous-mêmes pour montrer aux autres notre meilleur profil, comme la Lune qui ne nous montre jamais qu’une seule face.

La croix qui ne nous quitte pas, c’est celle de notre vie, celle de notre histoire trouée à jamais et qui nous ennuie, nous épouvante, nous fait honte, nous gêne, nous vexe ou simplement nous humilie… Jésus ne nous dit rien d’autre quand il s’écrie : « Celui qui veut me suivre, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix tous les jours et qu’il me suive. Car celui qui veut gagner sa vie la perdra, celui qui la perdra à cause de moi la trouvera. »

Fêtons nos croix qui sont les lieux de nos relèvements successifs !

Cette croix-là, elle est à la fois toujours présente et toujours différente. Jamais la même et toujours là pourtant. Comme polymorphe.

Et cela se comprend puisque la vie nous est donnée par Dieu pour nous sanctifier… Comment pourrions-nous le faire sans ce combat permanent qui consiste à tuer le vieil homme pour laisser grandir en nous l’homme nouveau, celui que le Christ crée en nous chaque jour pour nous construire à Son image ?!

Aussi bien devons-nous arriver à fêter nos croix inventées puisqu’elles sont les lieux de nos relèvements successifs par lesquels nous sommes « transfigurés à son image » ! Soyons donc toujours dans la joie, prions sans cesse et rendons grâce en toute chose recommande Paul.

C’est au nom du Christ que nous devons chercher nos croix !

Si les croix sont bien nôtres, insérées dans nos vies en en faisant substantiellement partie, elles ne peuvent cependant pas être prises et embrassées sans le Christ ! Le Christ, le premier et à jamais, est monté sur la Croix. Et désormais toutes les croix du monde doivent être lues avec Lui. Encore une fois, c’est avec Jésus que nous devons mourir si nous voulons avec Lui ressusciter à une vie nouvelle.

C’est donc au nom du Christ que nous devons chercher nos croix, les inventer, les prendre et les aimer. C’est dans la lumière de Sa grâce que nous devons les découvrir et leur donner leur vrai sens, à l’aune de l’amour et donc de l’éternité.

Concluons :

« J’ai voulu de nouveau me serrer contre le tombeau vide, mettre ma main dans le trou de la Croix… Est-ce que le but de la vie est de vivre ? Est-ce que les pieds des enfants de Dieu seront attachés à cette terre misérable ? Il n’est pas de vivre, mais de mourir, et non point de charpenter la Croix, mais d’y monter, et de donner ce que nous avons en riant ! là est la joie, là est la liberté, là est la grâce, là la jeunesse éternelle ! » Paul Claudel, L’Annonce faite à Marie.

BONNE RENTRÉE À VOUS TOUS CHERS AMIS !

Qu’est ce qu’une lectio divina ?

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

Retrouvez la Lectio divina quotidienne de Mgr Le Gall sur X : @mgrjmlegall

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