Attendre et espérer ! Le risque est grand de vivre la longue attente, dans nos vies, en nous projetant au loin, vers un objectif plus ou moins rêvé. Le véritable guetteur se rappelle qu’on espère toujours au présent, car aujourd’hui est le moment où Dieu donne sa grâce.
Quel regard sur le présent ?
« Il y a un moment pour tout, et un temps pour chaque chose sous le ciel : un temps pour donner la vie, et un temps pour mourir ; un temps pour planter, et un temps pour arracher. » Ainsi s’exprime le livre de l’Ecclésiaste, d’une manière qui peut nous sembler quelque peu désabusée. Il y a quelque chose d’étonnant qu’un auteur biblique prenne les accents d’une forme de sagesse païenne : Carpe diem ! Cueille le jour, car tout a une fin et tout est vanité ! Il se fait l’interprète de cette pensée qui siège au fond du cœur de tout homme : le sentiment du temps qui passe, l’impression très réelle que le présent nous échappe toujours. Le temps nous est donné par Dieu comme signe et gage de notre condition de créature. Signe, parce que notre vie aura une fin. Gage, car l’écoulement du temps est le moyen pour nous de croître dans la sagesse et le bien, jusqu’à recevoir la récompense de l’éternité bienheureuse.
C’est ici que l’événement de la résurrection du Christ vient donner une nouvelle dimension au temps et un nouveau sens au présent : si le passé recouvert par la miséricorde nous invite à l’action de grâces et le futur à l’abandon à la providence, le présent est le temps de la grâce ! À chaque instant de notre vie, nous avons l’occasion d’accueillir la grâce du Christ ressuscité, qui siège désormais, au Ciel, dans l’éternel présent, auprès de son Père.

Être maître de son temps : le défi de la paresse
Le défi qui se présente au chrétien est celui d’habiter son présent, de ne pas se laisser submerger par le temps. Si Dieu seul est maître du temps, nous avons, chacun, à exercer sur notre emploi du temps une certaine maîtrise. L’ennemi arrive, à l’affût : la paresse. Ne nous attardons pas sur la forme la plus capitale de la paresse, l’acédie, qui nous éloigne de Dieu, par un manque de désir spirituel. Regardons lucidement la paresse plus quotidienne, celle qui nous fait zapper, scroller, papillonner ! Quand la paresse, sans prendre les formes les plus sournoises de l’acédie, est devenue notre compagne habituelle au bureau comme à la maison, ce n’est pas toujours le signe d’une grande crise spirituelle, du « démon de midi » qui nous guette, cherchant à nous dégoûter de tout. C’est peut-être l’invitation à utiliser des petits moyens tout simples pour nous mettre au travail et y trouver, peu à peu, du sens. Chacun peut trouver ses propres astuces pour lutter contre le paresseux qui « sommeille » en lui : mise à distance des écrans (jamais dans ma chambre), applications qui limitent mes temps de connexion à internet, réflexion sur un horaire quotidien, organisation des activités dans un ordre qui me rend plus efficace (du plus au moins agréable, ou l’inverse, chacun jugera ce qui lui convient le mieux). Bref, être maître de son temps, avec vertu !
À chaque instant de notre vie, nous avons l’occasion d’accueillir la grâce du Christ ressuscité, qui siège désormais, au Ciel, dans l’éternel présent, auprès de son Père.
« Suis-moi ! » Ou la saveur de l’imprévu
Et, pourtant, il y a un moment où la maîtrise doit cesser, car l’instant présent est aussi celui de l’imprévu, des surprises de Dieu ou de nos frères. Le présent, s’il doit être anticipé pour éviter la paresse, est aussi un lieu nous sommes invités à nous laisser surprendre, déranger, à la manière de ces personnes qui ont maintes responsabilités mais dont la porte est toujours ouverte, prête à accueillir l’imprévu qui s’exprime sur le visage d’un frère ou d’une sœur. C’est au présent que Jésus dit à Pierre « Suis-moi ! », après l’avoir renvoyé dans ses buts, face à sa recherche curieuse du sort que l’avenir réservera à saint Jean. « Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ? Toi, suis-moi. » (Jn 21, 22) Notre avenir et celui de nos frères ne nous appartient pas, mais à Dieu seul. Ce qui nous appartient, c’est de redire chaque jour au Seigneur : « Me voici, Seigneur, je viens de faire ta volonté. » C’est ainsi que nous lui laissons la possibilité de faire dans notre vie les merveilles que nous ne pouvions même pas imaginer !