Lectio divina

Une lectio divina est une commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposées par l’Église pour la Messe du jour.

Lectio divina pour la fête Trinité

CHOISIT-ON LE LAIT DE SA MERE ?!

Bien que, comme nous l’assure l’évangile d’aujourd’hui, Jésus soit avec nous jusqu’à la fin du monde, cela ne nous empêche pas de nous poser des questions. Regardez les Apôtres : devant Jésus Lui-même ressuscité, « d’aucuns doutèrent » ! A tout péché miséricorde… Mais, nous-mêmes n’aurions-nous pas quelques fois douté de l’utilité du mystère de la Sainte Trinité ?

Douter du mystère trinitaire serait douter de notre propre existence

En effet, nous sommes liés, attachés, dépendants de la Trinité : parce que nous en venons, parce qu’Elle est en nous, parce que nous y retournons !

Remarquons d’ailleurs que la première fête que l’Eglise célèbre après son anniversaire qu’est la Pentecôte, c’est justement le mystère de la Trinité. L’Eglise ne reconnaît-elle pas en cela le lien puissant qui la rattache aux Trois Personnes Divines ? Or ce lien est double : L’Eglise fête la Trinité parce que l’Église est d’abord la présence visible de la Trinité dans le monde, et ensuite parce qu’elle est le don de la Trinité aux hommes. Nous ne faisons pas toujours le lien, il est vrai, entre ce mystère qui est abstrait, purement spirituel, invisible et incompréhensible, et cette Eglise aux apparences bien humaines et dans laquelle nous sommes. Et pourtant, il y a cette double relation : l’Eglise est justement la Trinité rendue visible aux hommes et elle est aussi le don de la Trinité aux hommes.

Marie est le don de Dieu reçu car accueilli

Lorsque nous avons du mal à saisir le mystère de l’Eglise, il nous faut nous tourner vers Marie puisqu’elle est le premier membre de l’Eglise. Non seulement au plan chronologique, mais aussi au plan de la perfection. Car aussi Marie est Mère de l’Eglise et c’est dire qu’elle donne la vie à l’Eglise, que l’Eglise est sa fille et qu’elle participe donc à la même nature. En regardant donc les rapports que Marie entretient avec la Trinité, nous pouvons comprendre les rapports que l’Eglise entretient aussi avec cette Bienheureuse Trinité. Autrement dit nous pouvons entrer dans le mystère essentiel de l’Eglise qui est constitué par ce double rapport que je viens d’énoncer. Or qui est Marie ? Comment se définit-elle par rapport à la Trinité ?

Marie, pure capacité de Dieu

Marie est le don de Dieu qui est reçu en plénitude car il est accueilli sans réserve. Le fiat de Marie est le mot qui résume excellemment tout son mystère. A l’annonce de l’Ange qui lui propose un plan de Dieu insondable, allant à l’encontre même de son vœu de consécration, Marie s’ouvre totalement à ce plan et accueille l’action de Dieu sans aucune limitation. Elle L’accueille dans une foi intégrale, se livrant à la vérité de Sa Parole, pour reprendre l’expression de Saint Jean Paul II dans son encyclique Redemptoris Mater.

Parce que sa foi est parfaite, c’est-à-dire parce qu’elle se livre sans retenue au désir de Dieu pourtant si étonnant, parce qu’elle a cru, elle reçoit Dieu en elle. C’est pourquoi nos Pères dans la foi disaient que Marie a conçu dans la foi avant de concevoir dans la chair.

En se livrant à Dieu Marie devient ainsi le premier lieu humain et historique de la présence de Dieu sur notre terre. Elle devient Temple de la Trinité, oratoire dans lequel la Trinité vient demeurer. Elle anticipe ainsi de manière extraordinaire cette parole de Jésus : « Celui qui M’aime, mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons chez lui notre demeure. »

Voilà qui est Marie : l’accueil de Sa Parole, l’accueil de Son Amour, l’accueil de Sa Volonté, qui lui fait accueillir son Être et la transforme en Temple de Vie divine, l’intégrant dans la communion trinitaire.

L’Eglise, présence visible du don de Dieu

Et ainsi est l’Eglise. L’Eglise, à la suite de Marie qui est sa Mère en même temps qu’elle en est son archétype, l’Église est accueil du don de Dieu, l’Eglise est la présence de Dieu sur la terre. C’est la présence visible du don du Dieu trinitaire. Et de même que dans cet accueil sans ombre, sans réticence, sans repli, Marie nous dévoile le caractère spirituel de sa virginité, de même l’Eglise, lorsqu’elle accueille intégralement le don de Dieu, dans la foi, nous montre qu’à l’image de Marie, elle est vierge.

Le premier élan que Marie a à la suite de l’Annonciation, c’est la visite à sa cousine Elisabeth, c’est-à-dire l’annonce de ce qu’elle est et de ce qu’elle porte en elle. Marie donne gratuitement ce qu’elle a reçu gratuitement. Aussi peut-on dire que Marie est le chemin que Dieu prend pour venir à l’homme ; elle est le chemin que la Trinité prend pour venir jusqu’à nous.

Et ainsi est l’Eglise. L’Eglise est, elle aussi, à la suite de Marie sa Mère et son premier membre, le chemin de Dieu vers l’homme. L’Eglise, c’est donc non seulement Dieu présent sur la terre, mais c’est aussi Dieu qui vient vers l’homme. Dans ce mystère de sacrement, de canal par lequel Dieu se précipite à la rencontre de l’homme, l’Eglise, comme Marie, nous montre le mystère de sa maternité.

Marie et l’Eglise : sacrement de la maternité divine

Marie et l’Eglise sont Mères. Elles sont même l’expression de la maternité divine, de l’aspect maternel de la nature de Dieu, de son aspect nourricier. Lorsque nous évoquons Marie comme Mère de Miséricorde, lorsque nous donnons à l’Eglise le même titre, nous implorons finalement cette Miséricorde de Dieu : les entrailles de Dieu, car on se souvient que le mot miséricorde traduit le concept hébreu d’entrailles porteuses de l’embryon et sur lesquelles on s’appuie avec confiance. Le cœur de Marie est le signe du Cœur maternel de Dieu qui bat pour l’humanité comme bat pour son enfant le cœur d’une mère.

Marie est nourricière. Marie nous donne Jésus, elle nous donne la Trinité en Jésus-Christ. Marie nous donne la Vie. Marie est notre Mère au baptême : elle nous engendre à la Vie car elle a engendré la Tête. Comme Marie est la Mère des hommes, l’Eglise est aussi notre Mère nourricière qui nous donne la Vie par le baptême avec lequel elle nous incorpore à son propre corps. Elle nous fait entrer dans la Vie divine parce qu’elle fait entrer la Trinité dans notre âme par le don de l’Esprit qui, nous le rappelle Paul dans la Lecture, vient en nous, nous prend et nous emmène habiter en communion avec Dieu.

Aimons-nous l’Église qui nous engendre à Dieu ?

Voilà les liens existant entre l’Eglise et la Trinité, à l’image de ceux qui ont existé, et existent encore, entre Marie et les Trois Personnes. Sans la Trinité il n’y aurait pas Marie. Marie serait inutile. Marie ne serait pas. Et de même, il n’y aurait pas d’Eglise.

Alors, nous pourrions aujourd’hui faire notre examen de conscience sur notre rapport à l’Eglise, plus exactement sur le sens concret que nous donnons à notre appartenance à l’Église qui est d’abord la Vierge pure ayant donné tout son cœur, toute sa foi, toute sa confiance en Dieu. Est-ce que nous regardons l’Eglise comme cette Présence de Dieu parmi les hommes ? Avons-nous un véritable regard de foi, un regard surnaturel ? N’avons-nous pas trop souvent, au contraire, un regard seulement humain qui s’arrête aux aspects visibles, matériels, humains de l ‘Eglise et de ses hommes ?

Finalement : aimons-nous l’Église ? Car si nous l’aimions, nous l’aimerions d’autant plus qu’elle est bafouée et déchirée de l’intérieur par ses propres enfants comme l’écrivait le Cardinal Journet. Nous faisons si souvent le contraire, nous détachant d’elle à la vue de ses membres qui ne sont pas cohérents avec leur appartenance à son Corps ! Nous jugeons si facilement au lieu d’aimer, au lieu d’admirer l’essentiel de son être : la Présence Trinitaire en son cœur, en son âme !

Choisit-on le lait de sa mère ?

Et la deuxième question à nous poser est celle-ci : que faisons-nous par rapport à l’Eglise Mère, l’Eglise nourricière, l’Eglise qui nous donne Dieu ? Car choisit-on le lait de sa mère ? Non bien sûr ! On s’y abreuve spontanément et simplement !!

Regardons l’enfant : va-t-il choisir ? Va-t-il faire le difficile ? Il trouve en sa mère la source de vie, la nourriture et pour cela il aime sa mère et il plonge vers elle. Alors que nous, nous regardons l’Eglise comme un Grand Magasin dans lequel nous venons piocher deux bricoles par-ci, trois bricoles par-là ; pour nous qui vivons cela, l’Eglise n’est pas une Mère, elle n’est pas LA Mère ; elle se résout à être un lieu de passage, une auberge… Si nous voyions l’Eglise comme une Mère, nous serions là attachés, agrippés à son sein, attendant notre nourriture : son enseignement, sa Vie !

Voilà les deux questions que la fête de la Trinité sainte nous incite à nous poser aujourd’hui, nous poussant à nous remettre en face du mystère de l’Eglise, c’est-à-dire en face de notre propre mystère tel que Dieu nous l’a dévoilé en Jésus.

Mgr Jean-Marie Le Gall, Aumônier catholique H.I.A Percy, Clamart

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