Interview avec Mgr Eric de Moulins-Beaufort

Lundi 28 juin 2021

Mgr Eric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, a présidé deux des trois ordinations diaconales et sacerdotales de la Communauté Saint-Martin, les 24 et 25 juin derniers. Nous avons pris le temps d’aller à sa rencontre pour évoquer sa vision du sacerdoce et de l’avenir de l’Eglise de France.

Mgr Eric de Moulins-Beaufort interviewé par deux séminaristes à l’occasion de son passage à Evron.

Dans quel état d’esprit avez -vous accepté de venir présider ces ordinations ?

A l’origine, don Paul m’avait demandé de venir présider les ordinations à Lourdes, où celles-ci avaient été prévues pour permettre d’accueillir toutes les familles des séminaristes. J’avais accepté tout naturellement, trouvant juste que le président de la Conférence des évêques de France préside une fois une telle célébration, alors que la Communauté est présente dans plusieurs diocèses de France. Mais la pandémie en a décidé autrement et c’est donc à Evron que je suis venu présider ces célébrations. C’est la première fois que je viens dans ce séminaire, ma seule visite à la Communauté ayant eu lieu en 2015 à Candé, juste avant son déménagement pour la Mayenne.

En tant que président de la Conférence des évêques de France, comment voyez-vous aujourd’hui le rôle de la CSM ?

Pour ce qui est de l’insertion des prêtres de Saint-Martin dans les diocèses, vous avez fait vos preuves : les évêques où la communauté est présente en sont heureux. Les séminaristes ne sont pas formés pour le seul bien de la Communauté Saint-Martin, mais de l’Eglise tout entière. Il me semble que le défi aujourd’hui pour la Communauté est de ne pas donner aux fidèles l’impression ou le rêve que nous aurions trouvé la solution pour revenir au monde d’autrefois, avec un tissu paroissial très serré et des prêtres d’une grande proximité géographique, spirituelle et humaine avec leurs ouailles. Notre société a bougé, nous vivons différemment et nous sommes en temps de basses eaux au niveau des vocations en France, même si certaines communautés attirent plus que d’autres. Dieu nous oblige à vivre autre chose que ce que nous vivions naguère avec un curé dans chaque village. Les fidèles ne doivent pas s’imaginer que grâce à la Communauté Saint-Martin, nous allons revenir à l’époque d’un curé par village. Peut-être qu’on y reviendra plus tard, dans quelques années, et ça serait tant mieux ! Mais pour l’instant, il nous faut accepter que Dieu nous appelle à autre chose et que le ministère sacerdotal s’exerce différemment.

Dans ce contexte, quels sont les enjeux prioritaires de l’Eglise pour demain ?

Concernant le ministère sacerdotal, celui-ci a été défini par Vatican II par le fait d’enseigner, de sanctifier et de gouverner. Dans la réalité, nous, prêtres et évêques, passons beaucoup de temps à administrer, ce qui n’est pas la même chose que gouverner, qui consisterait plutôt à conduire les âmes vers Dieu et non pas à gérer des salles paroissiales ou des plannings de réunions. Pour ce qui est de sanctifier, nous célébrons toujours la messe et les sacrements. Mais quant à enseigner, nous le faisons dans le temps qui nous reste, c’est-à-dire assez peu en réalité. La situation actuelle nous oblige à remettre le ministère sacerdotal dans l’ordre : d’abord on enseigne, puis on sanctifie et enfin, on gouverne.

Du côté des fidèles, il faut leur redonner de l’espérance et retrouver une certaine proximité avec eux. Il faut que le prêtre aille chez les gens, qu’il aille les voir chez eux. Et que cela donne envie à ces mêmes personnes, plus tard, de venir ou de revenir dans nos églises. Si nous restons dans nos murs, les gens n’y viendront pas, par désintérêt, par crainte que ce ne soit pas pour eux, qu’ils n’y aient pas droit ou qu’ils n’en soient pas dignes. Si nous allons chez les gens, nous nous donnons l’occasion d’une rencontre potentielle et ainsi permettons à nos contemporains d’entendre parler du Christ.

Quels sont les appels de l’Esprit Saint pour l’Eglise de France aujourd’hui ?

Il nous engage à être davantage une Eglise qui va à la rencontre des personnes, qui passe du temps à écouter ce que les gens vivent, ce qu’ils ont envie de dire ou de confier. Il nous incite à passer d’un modèle diocésain qui, depuis saint Martin et saint Rémy, était constitué de réseaux denses de communautés paroissiales et de communautés religieuses, à un système qui soit régi par la fraternité. La société ne nous encadre plus et ne nous porte pas à faire le bien, mais nous avons la liberté de le faire. Or, pour pouvoir choisir en tout le meilleur, nous avons besoin de nous soutenir les uns les autres fraternellement. Pour cela, il me semble qu’il faut que l’Eglise se restructure de façon plus horizontale, fraternelle, les ministres ordonnés venant à la perpendiculaire de cette fraternité pour rappeler qu’elle vient du Christ et de l’Esprit Saint et qu’elle doit aller vers la plénitude du Christ.

Quelle est votre espérance pour l’Eglise de demain ?

Ce qui me donne de l’espérance, c’est de voir que Dieu continue d’appeler et que des jeunes y répondent ! Dans notre société, chaque vocation est un miracle. Et même si 120 ordinations par an, cela ne nous paraît pas être beaucoup, n’oublions pas qu’il s’agit de 120 miracles ! Toute vocation, tout prêtre ordonné est un don de Dieu et une espérance formidable.

→ Retrouvez l’intégralité de l’entretien dans le prochain numéro de la revue de la Communauté Saint-Martin