Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

LES ORDINATIONS, LES VACANCES ET LE REPOSITIONNEMENT EN DIEU DE NOTRE VIE…

Ce Vendredi 28 et Samedi 29 Juin 2019, onze frères de la Communauté Saint Martin seront ordonnés diacres et neuf autres seront ordonnés prêtres. Profitons de ce bel événement pour réfléchir sur le Sacerdoce avec l’aide de Benoît XVI. Méditons ces paroles pour mieux comprendre le mystère du prêtre qui, selon la définition paradoxale, mais si juste, de S. Jean Paul II, est appelé à remplacer l’Irremplaçable !

Demeurer en Christ !

Voici ce qui, pour Benoît XVI, aide à définir le prêtre :

« Je voudrais aborder ici un point qui me tient particulièrement à cœur : la prière et son lien avec le service. Être ordonnés prêtres signifie entrer de manière sacramentelle et existentielle dans la prière du Christ pour les « siens. » C’est de là que découle pour nous les prêtres une vocation particulière à la prière, dans un sens fortement christocentrique : c’est-à-dire que nous sommes appelés à « demeurer » en Christ -comme aime à le répéter l’évangéliste Jean (cf. Jn 1, 35-39; 15, 4-10)-, et cela se réalise particulièrement dans la prière. Notre ministère est totalement lié à ce « demeurer » qui équivaut à prier, et son efficacité dérive de cela. Dans cette perspective, nous devons penser aux diverses formes de la prière d’un prêtre, avant tout à la Messe quotidienne.

La célébration eucharistique est l’acte de prière le plus grand et le plus élevé, et il constitue le centre et la source dont les autres formes reçoivent également la « sève » : la liturgie des heures, l’adoration eucharistique, la lectio divina, le chapelet, la méditation. Toutes ces formes de prière qui ont leur centre dans l’Eucharistie, ont pour effet que dans la journée du prêtre, et dans toute sa vie, se réalise la parole de Jésus : « Moi je suis le bon pasteur, je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis. » (Jn 10, 14-15). En effet, ce « connaître » et « être connus » en Christ et, à travers Lui, dans la Très Sainte Trinité, n’est autre que la réalité la plus vraie et la plus profonde de la prière. »

Perdre sa vie…

Le prêtre qui prie en toute pureté de cœur est progressivement exproprié de lui-même et toujours plus uni à Jésus Bon Pasteur et Serviteur des hommes qu’Il n’a pas dédaigné appeler Ses frères, comme dit l’Epître aux Hébreux.

Uni à l’Unique Prêtre Jésus, il partagera d’autant Son être et Sa mission. Celle-ci consiste à naître aux brebis (« Je connais mes brebis ») pour partager leurs faiblesses : et nous avons là le mystère de l’Incarnation, premier acte de Sa vie sacerdotale. La mission consiste ensuite à les combler de Sa Force en S’offrant pour elles, faisant ainsi réellement naître les brebis à Sa propre Vie (« mes brebis me connaissent ») en La leur donnant en partage. Nous retrouvons là, bien sûr, le mystère pascal par lequel Jésus, Prêtre et Victime, offre Sa Vie pour Ses brebis afin qu’elles puissent en vivre !

Donnant sa vie à l’Unique Prêtre, le prêtre donne ainsi, avec sa vie, la Vie de Jésus aux brebis qui lui sont confiées. Personne ne lui ôte sa vie : il l’offre lui-même, en union avec le Christ Seigneur, qui a le pouvoir de donner Sa Vie et le pouvoir de la reprendre dans l’acte de Sa Résurrection non seulement pour Lui, mais également pour Son troupeau. Ainsi, la Vie même du Christ, Agneau et Pasteur, est transmise à toutes les brebis, à travers les ministres consacrés.

Le prêtre donne la Vie du Christ ; en même temps il donne sa vie à lui. Et plus il désire offrir la Vie du Christ, plus il comprend qu’il lui faut donner sa vie pour pouvoir accomplir ce don ! Et plus il offre sa vie, plus il le fait spontanément en union avec Jésus offrant Sa Vie… C’est dans cette identification du don que le prêtre rejoint personnellement, on dira subjectivement, son identification au Christ-Prêtre reçue objectivement à son ordination.

Cette convergence avec le Christ rend le prêtre, comme Jésus, sacrement de l’Amour du Père, ainsi que le dit Jésus dans l’évangile de Jean : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. » (Jn 20, 21) C’est aussi pourquoi Jésus ajoute immédiatement que le seul moyen de vivre cette identification, c’est de demeurer en Son amour !

… A l’école du Bon Pasteur !

Prier, c’est s’oublier pour l’Autre et pour les autres. C’est rendre Dieu à Dieu et faire que Dieu Se donne aux autres, puisqu’on le Lui demande au nom du Christ-Prêtre, et donc au nom de tous les hommes qu’Il a assumés en Son Incarnation. Et le Sauveur nous a promis que nous serions exaucés à chaque fois que nous demanderions quelque chose en Son nom, c’est à dire avec la foi en Sa Rédemption !

C’est pourquoi la prière est la quintessence de la charité. Ceci explique que la prière pour les frères qui appartiennent au Corps de l’Église, vivants ou défunts, soit l’exercice le plus simple, le plus profond et le plus fructueux de la communion des saints.

A chaque messe, le prêtre célèbre « tam pro vivis quam pro defunctis… » autant pour les vivants que pour les défunts. Ce faisant il leur donne le suc de la charité divine : la Vie même du Père présente dans le Fils et cette Vie d’Amour étant toute concentrée dans l’Eucharistie… C’est pourquoi, quand il offre Jésus, le prêtre ne peut être que don comme Lui. Il se cache, mieux : il se perd dans le don du Maître qu’il fait sien. Il atteint là à la plénitude de sa charité pastorale.

Toutes ses autres activités, aussi nombreuses et belles soient elles, ne prendront leur légitimité que si elles puisent leur sève dans cette cohérence de vie profonde, stable, libre, persévérante et dynamique avec la Vie du Bon Pasteur qui donne Sa Vie pour les brebis.

C’est le souhait que je formule pour tous les prêtres.

C’est la prière que je vous invite à offrir avec moi pour mes jeunes frères qui seront ordonnés diacres et prêtres les 28 et 29 Juin à Evron !

Que Saint Martin, perle des prêtres, les ait en sa sainte garde pour que chacun d’eux soit humble et persévérant dans cette mission de passeur de vie ! Que le Seigneur leur donne d’être toujours plus en communion avec Lui, Bon et Beau Pasteur qui ne fit pas autre chose que de donner Sa Vie pour Ses brebis !

Vacances, vacare a Deo…

Quant à nous, chers amis lecteurs, nous nous retrouverons en Septembre, après le temps de vacances bien mérité pour chacun…

N’oublions pas que le terme de vacances vient du mot, vacare, vaquer… Dans la tradition spirituelle de l’Eglise transmise de génération en génération, particulièrement par les écoles de vie monastiques, le mot ‘vacat’, qui fleurit au milieu de leurs emplois du temps quotidiens, est un appel de la plus haute importance.

Il n’invite pas le moine à ne rien faire et à se détendre entre deux activités, bien au contraire ! Il l’invite de manière pressante à revenir à l’Essentiel : vaquer à Dieu pour (re-)construire, renforcer, et mieux vivre son unité intérieure avec le Seigneur qui, bien qu’étant le cœur de sa vie consacrée, peut vite être oublié au profit des activités journalières et des soucis du quotidien.

Le terme de moine, du grec « monos : un », n’exprime rien d’autre que cette double unité.

En premier lieu, l’unification naturelle et intérieure de l’homme qui se forge en gardant l’esprit dans le cœur, centre vital qui le définit et doit orienter tout son agir. Ensuite, l’unification surnaturelle avec le Seigneur qui habite ce même cœur et qui, de ce fait, évangélisera alors spontanément, toutes les pensées, paroles et actes qui surgiront de ce cœur habité par l’Esprit du Seigneur… C’est la fameuse garde du cœur qui est une des principales clefs de la spiritualité orientale.

De la dispersion mondaine à l’unification spirituelle…

Comme on le voit, être en vacances, c’est, en fait, l’essentiel de l’activité humaine et spirituelle de l’homme ! Loin d’être un farniente, c’est un temps de ressourcement nécessaire pour vaquer à Dieu.

Il s’agit, en un mot, de faire une cure de désintoxication de toutes les distractions accumulées dans l’année. Celles-ci ont contribué à nous éloigner chacun de notre identité profonde, nous faisant perdre notre unité personnelle et, spécialement, celle qui se forge dans notre Baptême, lorsque nous avons été unifiés au Christ mort et ressuscité pour vivre pour Dieu en Jésus, comme le rappelle Paul.

Il n’est point besoin, pour ce faire, de s’enfermer dans un monastère, mais bien de se rétablir paisiblement dans l’état initial de sa vocation d’homme, de femme, de couple, de foyer et de parents ou d’enfants, de consacrés etc…

Ce rétablissement, au sens le plus sportif du mot, sera d’autant plus vrai, profond et complet qu’il se fera à la lumière de l’Esprit que chacun de nous possède et découvrira facilement, s’il veut bien se donner la peine de visiter amoureusement la Trinité qui demeure en son âme.

Dans cette perspective, je vous souhaite de bonnes vacances !

Nous nous retrouverons à la rentrée !

 

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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