Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« Qu’ils soient un comme nous sommes un ! »

Lectio divina pour le 3ème Dimanche de Pâques

Apoc.21, 1-5              1Jn.2, 1-5                   Lc.24, 35-48

Le thème de la joie colorera le prochain dimanche, 3ème du temps pascal : « Garde à tes serviteurs cette joie… » prierons-nous dans la Collecte. Cette joie est décrite à plusieurs reprises chez les apôtres, témoins des apparitions multiples que Jésus leur offre : « Gavisi sunt… », les apôtres sont remplis, sont ‘gavés’ de joie. Et pourtant cette joie, elle n’est pas achevée ! Et c’est une joie toute intérieure qui est liée à la foi et au progrès de la foi, à la perception qu’ils ont de Jésus : Ils étaient ébahis, ils étaient stupéfaits, ils n’osaient pas croire…

 

« Pourquoi êtes-vous bouleversés ? »

La joie des apôtres, joie intérieure, joie d’intimité, fonde toute la joie de l’Eglise.

L’Eglise vit dans un temps de joie qui est le temps de l’Eglise depuis le Mystère de l’Incarnation et de la Rédemption de Jésus. Et plus particulièrement, bien entendu, depuis ce temps de la Résurrection appelé Temps pascal qui est le temps de la naissance de l’Eglise.

L’Eglise vivra jusqu’à l’éternité, jusqu’à l’achèvement, jusqu’à l’accomplissement dans ce même sentiment qui fut celui des apôtres, vivant ce temps de la joie dans la progression de leur foi dynamisée par ces différentes apparitions du Christ totalement bouleversantes. En effet, avant même de bouleverser le sens de l’Histoire, elles bouleversent leur cœur et leur relation à Dieu puisqu’elles leur font voir que Jésus ressuscité est vainqueur de la mort du péché.

« Si l’un d’entre vous vient à pécher, nous avons un défenseur devant le Père… »

Voilà le motif profond de la joie de l’Eglise qui, depuis la Résurrection du Christ, médite sur cette vérité. Le Christ ressuscité, et avec Lui, nous-mêmes, ressuscités, nous sommes vainqueurs du péché. Le péché et la mort n’ont plus aucun pouvoir sur nous. En entendant cela, nous comprenons bien qu’il ne suffit pas d’une journée, d’une octave, d’une année chrétienne pour entrer dans ce mystère de la délivrance du don de la Vie ! Ce n’est pas la joie de réussir un examen, c’est une joie d’entrer quelque part, de découvrir un monde nouveau, une terre promise.

Qu’est-ce que cela veut dire que le péché n’a plus de pouvoir sur nous, sur l’Eglise et sur ses membres ? Est-ce que cela veut dire que nous ne péchons plus ? Non malheureusement, mais c’est comme cela ! Je dirais presque plutôt heureusement. Si nous arrivions à ne plus pécher cela mettrait en cause notre liberté profonde d’homme.

Nous pouvons encore pécher, mais la phrase de saint Paul indique que le pouvoir du péché n’est plus un pouvoir d’emprisonnement, nous ne sommes plus enfermés comme dans les murs de cette prison, dans cette dictature de la passion du mal et de la faute. Justement parce que le pouvoir de Jésus, le pouvoir de Sa vie est plus fort que le pouvoir de la mort, il nous est rendu possible, depuis le Baptême, d’extraire le péché de notre âme, d’éradiquer l’habitus mauvais.

« Revenez à Dieu pour que vos péchés soient effacés… »

Pour toutes les nations le Christ est devenu porteur de vie, pardonneur du péché. C’est le message rappelé dans la lecture des Actes des Apôtres.

Bien entendu dans notre vie les deux états sont mélangés, nous sommes à la fois demeure de Jésus, pour une part plus ou moins grande qui varie au fil des jours et des années, et donc dans la dynamique de Sa Vie en nous, nous avons le pouvoir de repousser telle ou telle faute, telle ou telle passion, telle ou telle tendance du vieil homme.

Et puis pour la part de nous dans laquelle Jésus ne réside pas encore et ne nous permet pas de vaincre le mal, nous avons le recours au pardon de ce Christ qui, de l’extérieur, vient nous pardonner.

« Sachez que vous avez un défenseur auprès du Père. »

D’où l’importance de ce que Jean nous révèle du Sacerdoce éternel de Jésus-Christ dans sa première épître : « Petits enfants ne péchons pas, ne vivez pas avec le péché -c’est l’exhortation de Jésus qui est reprise par la bouche du disciple bien-aimé- mais s’il vous arrive de retomber dans la faute, sachez que vous avez un défenseur auprès du Père. »

Cette phrase fonde la joie de l’Eglise parce que Jean nous affirme que Jésus est à jamais devant Son Père, ressuscité, dans Son état d’intercession et de défenseur qui est propre à Sa personne et à Son Sacerdoce, particulièrement exercé à la Croix.

Aussi, Jean nous révèle qu’éternellement Jésus intercède pour « toutes les nations de la terre… » diront les Actes des Apôtres, c’est-à-dire toutes les générations humaines qui viennent à l’existence en notre monde, afin de leur pardonner, c’est-à-dire de leur donner la Vie. Nous sommes dans le temps de la Résurrection qui se fonde sur l’acte de la Résurrection de Jésus, moteur de la résurrection du peuple de Dieu, de l’Eglise, de l’humanité qui vit ainsi comme suspendue à l’éternisation de l’acte sacerdotal de Jésus-Christ et de son état d’intercession, devant le Père.

Nous sommes entrés véritablement avec la Résurrection pascale dans un temps nouveau qui est ce temps de l’ecclésia, de la communauté des croyants, Corps de la Tête. L’Eglise ce n’est pas seulement nous, c’est le Corps de la Tête ; et le Corps est relié à la Tête par cet influx, cette grâce qui part de la Tête : grâce de la vie, grâce du pardon, grâce de la résurrection, grâce de l’homme nouveau, vivant de l’Esprit…

« C’est vous qui en êtes les témoins… »

Cette foi en Jésus ressuscité et donc en Jésus Prêtre des biens à venir, Prêtre éternel dira l’épître aux Hébreux, intercesseur éternel, elle est fondée sur le témoignage des apôtres. Comment notre foi est-elle fondée sur le témoignage des apôtres ? L’est-elle au même titre, au même niveau que, dans un livre d’histoire, notre confiance, notre adhésion à l’histoire est fondée sur le récit de tel et tel biographe, historien qui nous raconte l’histoire d’Henri IV ?

La foi n’est pas une adhésion purement humaine de l’intelligence à un message par la volonté. La foi est mue par la grâce qui seule nous permet de dépasser notre propre horizon d’homme, notre horizon de créature, notre horizon naturel. Seule la grâce de foi nous permet de dépasser l’horizon humain pour accéder à quelque chose qui, de nature, est hors de notre portée, mais nous est révélé dans l’Ecriture : cela s’appelle la vie intérieure de Dieu.

La Bible n’est pas seulement un écrit et n’est surtout pas d’abord un écrit ; elle est d’abord Parole.

« En celui qui garde sa parole, l’amour de Dieu atteint sa perfection… »

En tant que Parole, l’Écriture est Souffle, elle est Vie. Jésus dira : « Mes paroles sont esprit et elles sont vie. » En tant que Parole, la Bible est insaisissable pour celui qui ne renaît pas de cette Vie c’est à dire du Souffle, de l’Esprit. Jean rapporte le discours de Jésus à Nicodème : « Pour celui qui ne renaît pas de l’Esprit, il n’est pas possible d’entrer dans le Royaume. » Le Royaume c’est bien la Vie de Dieu, c’est l’intimité de Dieu.

Celui qui accepte de renaître dans l’Esprit peut, non pas capter ou saisir la Vie de Dieu, mais entrer en Elle, se laisser séduire par cette Vie, se laisser guider totalement par cette Vie… Jusqu’à finalement s’établir dans un phénomène d’osmose entre lui et la Vie, renaître, co-naître, ‘naître-avec’ Dieu.

Celui qui connaît Dieu, c’est celui qui garde Ses commandements nous dit Jean, c’est-à-dire celui qui garde la Parole, qui est en Elle qui La respire et s’en nourrit… Ce n’est pas celui qui la maîtrise intellectuellement, qui la possède, qui la capte, mais c’est celui qui, au contraire, se fait dépouiller, s’élimine, s’oublie en Elle. Celui-là alors connaît Dieu comme Père et s’établit en Lui dans la relation d’intimité propre à l’enfant.

Au contraire celui qui n’accepte pas de renaître dans l’Esprit, qui n’accepte pas ce don de la grâce, celui-là ne peut rien dire sur Dieu, « il est un menteur », il n’est pas dans la vérité.

« Nul ne peut nommer Jésus Seigneur s’il n’est pas né de l’Esprit. »

Pour pouvoir parler de Dieu, il faut être enfant de Dieu, il n’y a que l’enfant qui puisse nommer son Père, qui puisse décrire son Père, qui puisse se laisser posséder par cette relation du Père.

Saint Paul le dira dans son épître aux Corinthiens : « Nul ne peut nommer Jésus Seigneur s’il n’est pas né de l’Esprit. » Encore une fois, il ne s’agit pas tant de posséder techniquement la Bible comme on possède un document sanscrit ou le code d’Hammourabi. Il s’agit de se laisser capter, posséder par Elle, d’accepter de recevoir la Vie propre de la Parole qui s’appelle l’Esprit et qui, infusé dans mon intelligence, prend le nom de Foi et me permet d’adhérer à la Personne, à la Vie intime de Dieu, ce qui s’appelle la charité… C’est par elle, par ce Souffle de l’Esprit dont nous célèbrerons la venue à la Pentecôte, que nous pouvons n’être qu’un avec le Fils comme Lui-même n’est qu’un avec le Père : « Qu’ils soient un comme nous sommes un ! »

 

Mgr Jean-Marie Le Gall

Communauté Saint Martin

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