Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« AIMER EN ACTE ET EN VÉRITÉ… »

Lectio divina pour le 5ème Dimanche de Pâques
Ac. 9, 26-31 1 Jn 3, 18-24 Jn. 15, 1-8.

Après le concept du Pasteur, emprunté par Jésus à l’Ancien Testament, voici celui de la Vigne. Dans l’Ancien Testament, la vigne, c’est le peuple élu, celui qui est choyé par Dieu ; c’est la richesse de Dieu, c’est Sa propriété, ce qui Lui appartient.

« Moi, je suis la vraie Vigne et mon Père est le vigneron. »

Mais voilà que Jésus, dans ce discours après la Cène, nous dit : « Moi, je suis la vraie Vigne et mon Père est le vigneron. »

« Moi, je suis… » Parce qu’Il est Dieu, Jésus reprend l’expression de la révélation de Yahvé à Moïse : « Je suis celui qui suis. »

Ce Dieu qui nous parle se définit comme la vigne véritable ! Cela s’explique : tout le monde est à l’image de Dieu, tout dans la création est vestige. En particulier l’homme, qui lui, est plus que vestige : il est « ressemblance » de Dieu. C’est pourquoi il pourra être d’autant mieux appelé vigne qu’il voudra vivre à la ressemblance de Dieu, ce à quoi était appelé le peuple élu.

Le Christ est Dieu et Il est la véritable vigne. Non pas au sens où quelquefois nous l’entendons, pensant que Jésus nous dit : Je suis la vigne, je suis comme la vigne, je suis, si vous voulez, une vigne.

Mais non ! La réalité plénière n’est pas la vigne que nous connaissons. Le prototype, l’archétype, la plénitude de la réalité, c’est Dieu, dont l’homme est à l’image, et dont les réalités terrestres ne sont qu’une pâle reproduction. Autrement dit, ce n’est pas Jésus qui est comme notre vigne ; c’est notre vigne qui représente, de très loin, qui signifie, la personne de Dieu incarnée visiblement en Jésus.

« Celui-ci est mon Fils, mon Chéri… »

Voilà donc que le chéri de Dieu, ce n’est plus, apparemment, le peuple élu, c’est le Fils : « Celui-ci est mon Fils, mon Chéri, mon Unique, mon Bien-Aimé, celui que vous devez écouter. »

Jésus nous dit donc qu’Il est la vraie vigne, comme Il dira : « Je suis la porte… », la Porte qui ouvre sur la Vie éternelle.

Comme Il dira aussi, ainsi que nous le rapporte Saint Jean : « Moi je suis le Pain Véritable, celui qui nourrit en vie éternelle… »

De même s’est Il décrit comme l’eau qui donne la Vie : « Je suis l’eau jaillissant en vie éternelle… »

Cette vigne chérie de Dieu, cette propriété de Dieu, elle communique la Vie et c’est pour cela qu’elle est véritable ! Car seul Dieu donne la Vie. « Moi, je suis la vraie vigne » parce que je communique la Vie Eternelle. Quelle transformation par rapport aux ombres de l’Ancien Testament !

« Voici mon sang versé pour vous… »

Mais comment Jésus va-t-Il nous communiquer la Vie éternelle ?

Par la sève de la vigne : c’est elle qui donne le fruit. Et cette sève, c’est Son Sang : « Voici mon sang versé pour vous… pour que le monde ait la Vie. » Ce n’est pas pour rien que Jésus fait ce discours après la Cène : « Prenez et buvez- en tous, ceci est la coupe de mon sang pour la rémission des péchés. »

Et ce sang est le sang de Dieu : « Mon Père est le vigneron… » Là encore, nous ne saisissons peut-être pas tout le sens de cette parole. Nous en restons à l’Ancien Testament où Yahvé se définit effectivement comme le gardien de la vigne, celui qui l’entoure, celui qui la dépierre, celui qui la protège…

Mais ici, le mot prend un sens tout autre : »Moi je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron. » Le Père, c’est le géniteur du Fils et donc le vigneron est celui qui engendre la vigne. Ce n’est pas seulement celui qui la soigne de l’extérieur comme on soigne un arbre fruitier, un pied de vigne. « Mon Père est le vigneron » : c’est Lui qui M’engendre !

Et donc la Vie que je donne, elle vient de Mon intérieur et de l’intérieur de Dieu. C’est la Vie du Père qui passe dans le Fils -qui est la vigne- et c’est cette même Vie qui va passer de la vigne dans les sarments. Quelle différence avec l’approche en figure de la révélation de l’Ancienne Alliance !

« Je suis la vigne et vous êtes les sarments… »

Et les sarments qui sont-ils ?

Le sarment, c’est ce qui reste enté au cep, au pied : c’est ce qui demeure dans le pied, dans le cep. « Paul, pourquoi me persécutes-tu ?  Qui es-tu Seigneur ? Je suis celui que tu persécutes. »

Dans ce discours imagé de la vigne, Jésus nous révèle le lien indissoluble, transcendantal, qui L’unit à l’homme. La Liturgie de dimanche dernier nous montrait comment le pasteur était proche de son troupeau, ne faisant qu’un avec lui par la connaissance de l’amour.

Aujourd’hui, Jésus insiste : « Je suis la vigne. » Donc Je suis cep et sarment ! Vous êtes sarments : donc vous êtes sarments et cep ! Nous sommes unis de manière indissoluble, la Tête avec le Corps, le Corps avec la Tête, par ce qui fait la jointure avec tous les membres, dira Saint Paul, cette sève, ce flux vital qui passe d’une jointure à l’autre pour permettre à tout et à tous de se mouvoir et de vivre : l’Esprit Saint qui est la charité de Dieu. Voilà que nous sommes Un : « Comme le Père et moi nous sommes Un, je suis en vous et vous êtes en moi, et nous sommes Un. »

« Ceux qui vivent de l’Esprit sont fils de Dieu. »

Le sarment qui reste greffé pompe la sève, pompe le Sang de Jésus, pompe la Vie du Fils, et ce faisant aspire la Vie du Père, la Vie divine.

A condition d’avoir foi en Jésus : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyez en celui qui l’a envoyé. »

Et de nous aimer les uns les autres, car, nous rappelle Saint Jean, pour demeurer en Dieu, il faut avoir foi en Son Fils et nous aimer les uns les autres. Voilà le commandement que Jésus nous donne : « Si vous gardez mon commandement vous demeurerez en Moi, et Moi je demeurerai en vous… Et celui qui demeure en moi, il portera du fruit. »

Quel commandement essentiel pour notre vie chrétienne que celui d’adhérer à Jésus ! Celui de ne faire qu’un avec Lui pour vivre de Sa vie. Quel commandement important que celui-là puisque c’est par cette union à Jésus que nous respirons du même Esprit : nous inspirons du même Esprit et nous expirons comme Jésus sur la Croix, du même Esprit : « Ceux qui vivent de l’Esprit sont fils de Dieu. »

Ce commandement est important non seulement pour nous-mêmes, pour notre personne, pour notre salut, mais parce que si nous demeurons en Lui, nous portons du fruit : nous sommes l’Eglise qui est appelée à transmettre, à porter du fruit.

Jésus nous le dit lui-même : « Allez, enseignez toutes les nations et baptisez-les.… » Transmettez-leur la Vie ! D’où cette affirmation de Saint Jean Paul II : « Celui qui ne porte pas de fruit n’appartient pas à l’Eglise. »

« Comment en entendront-ils parler si personne ne le leur prêche ? »

Regardons l’importance de l’Eglise dans nos vies.

Et commençons par Paul. Il a vu le Christ, dans cette expérience mystique du chemin de Damas, et pourtant, il doit se faire baptiser parce qu’il n’a pas vécu avec Jésus, il n’a pas demeuré avec Lui jusqu’à cet instant où il reçoit le Baptême des mains d’Ananie. Il doit passer par l’Eglise, qui est transmetteuse de la Vie de Dieu. Comme Jésus nous transmet la Vie de Son Père, l’Eglise nous transmet la Vie du Fils, essentiellement par le Baptême.

L’Eglise est le corps intermédiaire nécessaire pour créer notre relation à Dieu, pour la construire. Songeons-nous que notre foi, notre vie chrétienne, notre vie de fidélité n’est possible que dans l’Eglise et par l’Eglise ? Songeons-nous que c’est l’Eglise qui nous a transmis la foi, ne serait-ce que par la présence autour de nous de nos parents, de nos amis, de nos grands-parents, d’une communauté ? Nous ne croyons pas en Dieu tout seul ! Car pour croire, il faut que l’on nous ait enseigné et pour que l’on nous ait enseigné, il faut qu’il y ait eu quelqu’un d’envoyé comme le rappelle Saint Paul.

« Aimer en acte et en vérité… »

L’Eglise est transmetteuse de foi et l’Eglise est aussi transmetteuse de charité par l’exemple que nous pouvons voir autour de nous de génération en génération, dans nos familles, dans nos villes, dans toutes nos relations : la charité qui est vécue face à nous et envers nous ! N’est-ce pas comme cela que l’enfant peut grandir et découvrir l’amour en regardant et voyant de quel amour ses parents s’aiment ?

Quand nous aimons en acte et en vérité, comme nous le demande Saint Jean, nous témoignons de notre adhésion à Jésus, nous témoignons que nous sommes entés, greffés sur Lui, que c’est le même Esprit, la même sève, le même Sang qui passe du Père au Fils et du Fils en nous. Et nous vivons de foi et de charité.

A ce moment-là, nous portons du fruit automatiquement, pour la gloire du Père. Mon être est greffé sur l’être de Jésus, et l’être de Jésus dépend de l’être du Père. Et si j’aime en acte et en vérité, je prolonge donc mon être : de sarment que je suis, vis-à-vis de Jésus, je deviens cep vis-à-vis de mes frères : je porte du fruit et un fruit qui demeure !

Alors la chaîne de sainteté dans l’Eglise se continue, se transmet de génération de fidèles en génération de fidèles : « Sans moi vous ne pouvez rien faire. » Mais « celui qui demeure en moi porte beaucoup de fruits… »

Essayons donc, aujourd’hui, de redécouvrir le mystère de l’Eglise non pas seulement comme une institution qui a bien entendu ses défauts et ses fixismes, ses richesses, ses misères, ses péchés, mais comme une Mère, une Mère qui donne la Vie, une Mère qui engendre, comme Marie : « Femme, voici ton fils, fils, voici ta mère. » C’est la meilleure manière de nous préparer à l’anniversaire de l’Eglise qui sera prochainement célébré par la Pentecôte !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Communauté Saint Martin

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