Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« C’EST LA PRÉSENCE DU CHRIST DANS CHAQUE MINUTE DE MA VIE QUI LA REND SAINTE ! »

Lectio divina pour le 31e dimanche du temps ordinaire

Notre vie est à la fois l’appel que Dieu nous lance à Le rejoindre et la réponse à cet appel de Dieu. Pour reprendre la formule fabuleuse de saint Paul : « Pour que la gloire du Christ soit en moi et que ma gloire soit en Lui », la gloire étant la connaissance intime, intérieure, et non pas la gloire humaine de l’orgueil. Ma vie est donc l’appel que Dieu me lance et le moyen que j’ai moi, homme, de répondre à cet appel pour Le rejoindre comme enfant de Dieu, inscrivant mon éthique de fils bien aimé dans le temps qu’Il me présente depuis ma naissance.

Nous avons là un des passages les plus beaux de l’Evangile, un des plus frais, surtout quand on situe cet épisode dans son contexte géographique, Jéricho étant une des villes la plus chaude car la plus basse au monde, avec une altitude négative de moins 400 mètres. Et cet épisode est frais…

« Zachée cherchait à voir qui était Jésus… »

Zachée est un homme curieux : il veut voir Jésus, on ne sait pas trop pourquoi. Et comme il est de petite taille, (il se sait petit à ce niveau-là) il n’a pas honte de grimper sur un sycomore (que l’on vous présente d’ailleurs encore à Jéricho quand vous visitez la ville). Un sycomore, arbre magnifique et grandiose, totalement disproportionné à la taille du petit Zachée…

Donc Zachée entend l’appel : « Zachée, aujourd’hui il faut que je descende chez toi. » Zachée entend l’appel parce qu’il a été attentif, parce qu’il a été curieux, parce qu’il a été en recherche.

Cela veut dire que l’appel que Dieu me lance dans la vie est un appel qui passe par le Christ. Et la réponse que je donne à cet appel divin est une réponse au Christ. Dieu m’appelle par le Christ et je réponds par le Christ. « Le Christ est l’unique médiateur entre Dieu et les hommes », disait Paul et « Nul ne va au Père que par Lui » rapportera Jean. Reconnaissons que, si les voies de Dieu sont non seulement impénétrables mais très souvent brisées, elles passent toutes par le Christ.

Et c’est parce que le passage reste le Christ que finalement la durée et la richesse de ma vie humaine, sa forme, sa structure, n’ont vraiment aucune importance. Vous pouvez être saint en étant riche, vous pouvez être saint en étant pauvre, vous pouvez être saint en étant en bonne santé, vous pouvez être saint en étant malade, vous pouvez être saint dès la jeunesse, où le devenir dans la vieillesse… Puisque c’est le Christ qui est le passage, la porte, la voie, comme Il le précise Lui-même ! Le principal sera de faire comme Zachée, répondre vite : « Vite il descendit pour aller L’accueillir chez lui. »

« Zachée, aujourd’hui il faut que je descende chez toi. »

Saint Luc use dans ce passage d’un terme très particulier (utilisé également par ( )Paul) que le Christ emploiera dans un autre passage du même Luc : « il faut. » Souvenons-nous des pèlerins d’Emmaüs : « Ne fallait-il pas que le Fils de l’homme souffrit pour entrer dans sa gloire ? » Et Paul écrira : « Il faut que nous nous glorifiions dans la Croix de Jésus… »

Ce mot « opportet », « il faut », c’est la nécessité de l’étreinte du cœur de Dieu comme nous le rappelle la première Lecture. Ce n’est pas une nécessité métaphysique, c’est la nécessité de l’Amour de Dieu qui a créé l’homme pour que l’homme soit heureux. Oui, Dieu a créé l’homme par Amour pour l’homme et Il passe Son éternité à parler à l’homme, à le redresser, à le relever pour l’éloigner du Mal et pour qu’il marche vers Lui.

Jésus ne dit pas : « Ce serait bien Zachée si je descendais. » Jésus est dans l’absolu de l’Amour envers l’homme qu’Il partage avec Son Père : « Il faut que je descende chez toi ! ». Opportet : mot qui rappelle la passion d’Amour divin de Dieu pour l’homme et qui entraînera la Passion du Christ au sens physique du mot.

« Vite il descendit pour aller L’accueillir chez lui. »

Donc Zachée répond vite. C’est là le nœud de l’histoire et le nœud de notre vie spirituelle. Il faut répondre vite parce qu’en répondant au Christ on transforme chaque minute de notre vie qui devient ainsi une minute de la vie de Jésus. En effet, si nous accueillons Jésus, nous vivons chaque minute de notre vie avec Lui et comme Il a vécu chaque minute de Sa vie, c’est à dire en la voyant, comme l’appel de son Père pour le salut du monde, gagné en vivant Sa propre offrande d’amour filial : « Que ta volonté soit faite, non pas la mienne. »

Je transforme chaque minute de ma vie en l’adhésion que Jésus Lui-même a donnée à Son Père, ainsi qu’Il le souligne par saint Jean : « De même que le Père est vivant et que je vis par le Père… » ! Rendons-nous compte du mystère et de cette puissance (l’Esprit reçu au baptême) : je transforme chaque minute de ma vie à moi, pauvre pécheur en une minute de la vie de Jésus qui, Lui, voit Sa vie comme un don de Dieu.

Le commentaire le plus sûr de cet épisode de Zachée, nous le trouvons dans l’incipit de la Lettre de Paul aux Ephésiens : « Que Dieu ouvre votre cœur pour qu’Il vous fasse comprendre la Puissance infinie qu’Il déploie pour nous les croyants : c’est la force même, le pouvoir, la vigueur qu’Il a mis en œuvre dans le Christ. » Cette force, c’est l’Esprit de Jésus que le Sauveur me permet de partager avec Lui chaque seconde si seulement je l’accueille chez moi, dans mon cœur…

« Le Père et moi nous sommes UN »

Nous ne voyons pas toujours notre vie comme un don de Dieu, comme une divine volonté aimante que Dieu nous présente à travers les obligations (terme réducteur de notre morale humaine mais il n’y en a point d’autre) de nos devoirs d’état et les réalités plus ou moins dures de notre vie.

Jésus nous invite, au contraire, à les voir ainsi que Lui-même a vu Sa vie comme étant l’expression de l’heure du Père. Souvenons-nous : « Père l’heure est venue… » : l’heure du Père ! Jésus n’est pas allé tout seul au combat. Jésus n’y est pas allé comme un surhomme libéré des états de la nature humaine : « Père glorifie Ton Fils pour que Ton Fils Te glorifie… » Jésus y est allé parce qu’Il sait que « le Père et Lui ne font qu’un. » Il sait que Sa vie est la volonté aimante du Père pour Sa gloire de Fils de Marie et pour le salut de l’humanité, par Lui Jésus Fils de Dieu : « Il donnera la Vie éternelle à tous ceux que Tu Lui as donnés. »

« Je suis venu pour accomplir la Loi »

Dans la mesure où, comme Zachée, j’accueille Jésus dans ma vie pour que ma vie soit en Lui, pour que ma minute soit la Sienne ou que Sa minute soit la mienne, alors j’accomplis -par cette Puissance de l’Esprit dont parle Paul, l’Esprit de Jésus- j’accomplis cette minute comme Jésus veut l’accomplir : « Je suis venu pour accomplir la Loi », minute par minute, iota par iota. J’accomplis parfaitement chaque minute de ma vie avec et par la perfection de Jésus.

De commencement en commencement…

Quelquefois je refuserai cette perfection de Jésus et resterai Zachée dans sa première vie. En me rendant au sacrement de la Réconciliation, je deviens alors Zachée dans la deuxième part de sa vie. Et je vais comme ça de chute en relèvement, de relèvement en chute, en progressant. De commencement en commencement par des commencements qui n’ont jamais de fin…

Mais à chaque fois que je suis en face du Christ, que ce soit comme Zachée avant ou comme Zachée après, je suis déjà Zachée : et le salut arrive dans mon âme, même si je suis pécheur, car je suis comme Zachée c’est à dire devant Jésus, et Son écoute, Le recevant.

Avant même que Zachée dise au Christ : « Je rends, je rends tout l’argent que j’ai volé », le salut est déjà dans cette maison parce que le Christ est déjà sous le toit de Zachée. Avant même que nous nous rendions au confessionnal, dès qu’ayant fait une faute, nous avons la conscience de ce dérapage, le Christ est en nous. Le Christ est en nous et Lui-même, par Sa grâce, nous mène au sacrement de Réconciliation pour assurer ce relèvement, non pas par la force de notre psychologie, mais par la Puissance de l’Esprit que manifeste le sacrement.

Ce texte de Zachée est vraiment magnifique. C’est comme cela que le salut arrive dans notre maison, dans notre vie, encore une fois quelle que soit la vie, qu’elle soit brève ou longue, peu importe… Ce n’est pas ma vie qui quantifie ma sainteté, c’est la présence du Christ dans chaque minute de ma vie qui me fait voir cette vie comme Jésus a vu la Sienne, qui me fait accomplir cette vie comme Jésus a accompli la Sienne et qui me la fait accomplir en Lui !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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