Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« SOYEZ FÉCONDS, MULTIPLIEZ-VOUS !… »

Quel étrange contraste entre la cérémonie de la Passion célébrée hier sans fleur et sans lumière, ténébreuse même et cette soirée plus qu’amicale, ecclésiale, communautaire, avec ses fleurs et sa musique, sa lumière… Oui, quel contraste !

Du cinéma direz-vous. Je vous répondrais : mieux que du cinéma, du théâtre ! La Liturgie est un théâtre dont Dieu est le metteur en scène. Ce n’est pas nous qui inventons la Liturgie. La Liturgie n’est que la représentation partielle, moment après moment, d’une grande histoire.

La Liturgie est un théâtre dont Dieu est le metteur en scène.

Et comme toutes les histoires, que ce soit celles des enfants ou celles des adultes, il y a des détails. Regardons l’Ancien Testament ou même l’Evangile, avec cette description -pourtant toujours succincte en saint Marc- de ces saintes femmes qui vont au « grand matin » se demandant qui leur roulera la « grande » pierre du tombeau ; et elles voient un homme « en blanc » qui leur dit : « N’ayez pas peur ! »

Notre foi est la foi en un Dieu qui s’est fait homme, qui est venu dans notre histoire pour nous dire l’Histoire, pour former avec nous l’Histoire, pour vivre avec nous l’Histoire. Et donc la Liturgie n’est que la représentation, tout à fait partielle car jour après jour, dimanche après dimanche, Pâques après Pâques, de cette immense Histoire, si pleine de beaux détails, à laquelle nous appartenons tous, dans laquelle nous vivons, dans laquelle nous sommes conviés pour nous sanctifier.

Alors il est normal que tout soit beau ce soir avec ces fleurs et cette lumière…

« La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent… »

Le héros de l’histoire ce soir ce n’est plus la Croix qui reste un petit peu en retrait mais c’est le Cierge fait avec la cire de l’abeille (le monde animal et le monde végétal) pour donner la lumière. Il brûle et se consume pour chauffer et éclairer.

Ce Cierge planté sur le chandelier décoré en arbre de vie, c’est bien entendu le Christ qui surgit au sommet de l’arbre de vie, de l’arbre de la connaissance. C’est le Christ venu nous apporter la Vie, c’est à dire la connaissance du Bien, de Son Père ! Il remplace ainsi l’arbre de la connaissance de l’Eden premier qui devint à cause d’Adam et Eve l’arbre de la mort.

« Qui cherchez-vous ?… Il n’est pas ici. »

Et pourtant ce n’est pas si facile lorsque  nous lisons l’Evangile : « Qui cherchez-vous ?… Il n’est pas ici. »

Est-ce que le tombeau vide serait par hasard le signe de l’absence de Dieu ? Parce que finalement personne ne l’a vu dans le tombeau ! Bien au contraire, le tombeau vide est le signe de la présence de Dieu aux hommes, d’une présence proche, dense, d’une présence totale.

Adam, lui, est absent. Nous nous souvenons qu’après le péché originel il s’en va, il fuit, il se cache : il est nu et il a peur ! Il s’est dépouillé lui-même de l’Amour divin, il ‘s’est absenté’ de Dieu, lui-même s’est excommunié…

Le Christ au contraire, le nouvel Adam, n’est pas absent, Il est proche. Certes comme Adam, Il est lui aussi nu, ou plus exactement pauvre, habillé avec le seul linceul dans lequel Il fut mis au tombeau et qui est le signe de l’Amour dont Il nous a aimés hier sur la Croix. « Il s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté » comme dit Paul.

« Il vous précède en Galilée et là vous le verrez. »

Mais le Christ ne se cache pas. Au contraire Il se lève : c’est le sens profond de la parole « resurrexit », se relever. Il se lève, Il se dévoile.

Où peut-Il bien se dévoiler le Christ puisqu’Il n’est pas dans le tombeau ?

« Il vous précède en Galilée et là vous l’y trouverez, là vous le verrez. » La Galilée, pour les Juifs, c’est déjà le monde païen. Au nord du pays, c’est un carrefour commercial des routes marchandes entre le monde grec, le monde romain, et tous les grands courants qui passent bien au nord de Jérusalem, pauvre petit village perdu et délaissé de la vie de l’époque. La Galilée c’est la vie, le carrefour des païens disaient les Pères.

« Il vous précède en Galilée » cela veut dire qu’Il va vous trouver dans votre vie et vous L’y verrez ! Il appartient à votre vie, Il est dedans, c’est dans votre vie qu’Il se manifeste !

« Il l’a faite pure en se livrant pour elle. »

Voilà la présence du Christ au monde, une présence vraie. Adam, lui, s’est séparé de sa femme, je veux dire par là qu’il a été séparé d’Eve par la responsabilité du péché. Nous nous souvenons de sa remarque peu courageuse lorsque Yahvé l’interroge : « C’est la femme que tu as mise auprès de moi qui m’a donné le fruit à manger. » Il se sépare de sa femme, il n’assume pas.

Le Christ fait tout le contraire et c’est pour cela qu’Il est avec nous dans la vie. Le Christ s’unit à Son Epouse, à l’Eglise, à notre âme en se livrant pour elle.

C’est pour cela qu’il est au fin fond de mon cœur par la purification qu’Il a opérée hier et qu’Il continue d’opérer par les sacrements et en particulier par le sacrement de la Réconciliation.

Il s’est uni à Son Eglise, « il l’a faite pure en se livrant pour elle. » Et c’est d’ailleurs ce texte qui sera repris par saint Paul pour présenter aussi, parallèlement à ce mystère du Christ et de Son Epouse l’Eglise, le mystère du mariage de l’homme et de la femme dans la Nouvelle Alliance.

« Moi en eux et toi en moi… »

Jésus reste uni de manière indissoluble, indéfectible, à son Epouse c’est-à-dire à chacun et chacune d’entre nous, à notre âme.

C’est la raison pour laquelle, dès cette Vigile avec notre théâtre de Liturgie, avec nos signes humains qui se veulent riches mais qui sont finalement bien pauvres et peu de chose par rapport à la Liturgie céleste, dès cet instant secret autant que solennel, cet instant silencieux autant que saint où Jésus se relève et se dévoile du tombeau pour aller retrouver Son Eglise dans la Galilée des Gentils, dès cet instant, nous ne sommes pas seuls !

Aucun de nous n’est seul face à son destin. Jésus est avec nous, Jésus est en nous. Nous sommes chacun relevés avec le Christ.

« Vivants définitivement pour Dieu en Jésus-Christ. »

Nous sommes relevés pour être posés dans cette nouvelle vie, une vie qui est celle du Christ ressuscité apparaissant à Ses apôtres, traversant les murs… Une vie qui est surtout la Vie de la paix : « La paix soit avec vous… » Une Vie sans limite, une Vie sans mesure, une Vie infinie, une Vie déjà qui participe à l’éternité, qui touche à la Lumière.

« Le Christ lui-même est vivant pour Dieu », pour Son Père et nous devons nous considérer chacun et chacune d’entre nous, dès ce soir, avec ce renouvellement de la Résurrection du Christ, comme vivants définitivement -nous dit saint Paul- « vivants définitivement pour Dieu en Jésus-Christ », enfantés à Dieu par Jésus-Christ pour partager Sa Vie et Son éternité avec Jésus-Christ.

« N’ayez pas peur »

« N’ayez pas peur » crie saint Paul. Il est vrai que nos vies ne sont pas toujours drôles ; elles sont faites de croix, de souffrances, de peines, de complexités, de soucis, de problèmes à résoudre… N’ayons pas peur, le Christ est avec nous ! Ce n’est pas une phrase de rhétorique, c’est une réalité théologique. Le Christ est avec nous parce que depuis notre Baptême nous appartenons à la Vie de Jésus qui vit pour Son Père de manière totale. Et le Christ de notre Baptême, Il est là, vivant en nous !

« Et Dieu vit que cela était bon… »

Ce soir, c’est véritablement le premier jour de la nouvelle Création. D’où, d’ailleurs, cette Liturgie pascale un peu complexe et longue, mais qui est là pour nous rappeler la place de l’homme dans le Cosmos, la place du Cosmos autour de l’homme et surtout la place du Christ : l’Alpha et l’Omega le point d’où tout a jailli et le point vers lequel tout converge.

Souvenons-nous du récit de la Création, proclamé durant la liturgie de la Parole, qui nous renvoie au Verbe créateur Lui-même manifesté aux hommes dans Son Incarnation :

« Que la lumière soit et la lumière fut » ; et le Christ nous dit : « Je suis la lumière. »

« Que le ciel soit… » Et le Christ nous dit : « Je suis la Vie », autrement dit, l’Eternité symbolisée par le ciel…

« Soyez féconds, multipliez-vous… »

« Faisons l’homme à notre ressemblance, et il le créa homme et femme »…Et voici le Christ qui ressuscite en notre âme, l’Epoux avec l’âme, l’Epouse, indissolublement liés. Indissolublement liés, homme et femme Il les créa : Adam et Eve oui… Mais le Christ et l’Eglise encore plus ! Le Christ et moi-même, le Christ et chacun, chacune d’entre nous…

Et c’est à ce couple mystérieux, ce couple mystique, ce couple indissociable contre lequel aucun divorce humain ne peut agir, même pas le divorce de notre péché, de nos trahisons (parce que le Christ est toujours là pardonnant), c’est à ce couple indissoluble –« mon âme et mon Créateur » disait Saint John Newman- que Dieu s’adresse et dit : « Soyez féconds, multipliez-vous… » Soyez féconds de divinité, soyez féconds de joie, soyez féconds de justice, soyez féconds de vie !

C’est la grâce que nous demandons les uns pour les autres !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Communauté Saint Martin

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