Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

VIENS, SUIS-MOI POUR LA VIE ETERNELLE !

Lectio divina des textes de la Vigile Pascale
Gn 1, 1 – 2, 2 ; Gn 22, 1-18 ; Ex 14, 15 – 15, 6, 17-18 ; Is 54, 5-14 ; Is 55, 1-11 ; Ba 3, 9-15.32 – 4, 4 ; Ez 36, 16-17a.18-28
Rm 6, 3b-11 ; Lc 24, 1-12

Le rite de bénédiction du cierge pascal.

Il y a tout juste un jour, c’était hier, nous contemplions la Croix, ce lys ensanglanté au sommet du Golgotha, ce grain de blé trop riche, trop mûr, trop lourd, qui en penchant la tête nous donna le Pain… Nous regardions, nous contemplions, toujours abasourdis malgré notre âge et notre expérience chrétienne, notre expérience liturgique, nous regardions l’Amour fou de Dieu pour l’universelle humanité, sans trop comprendre, étant encore surpris cette année de cet Amour que Dieu lui porte jusqu’à donner Sa Vie pour elle !

Tout fut purifié, tout fut pardonné…

Nous sommes surpris de cet Amour et pourtant Jésus n’a pas cessé de nous y entrainer, de nous y éduquer, de nous préparer durant ces derniers jours avec le lavement des pieds de Ses pauvres amis, mais déjà aussi durant Ses trois ans de vie publique émaillés de miracles et de guérisons. Comme pour nous dire de quel Amour le Père nous aime à travers Jésus-Christ, vrai Dieu dans une véritable humanité.

Il n’y a eu aucun homme, aucune femme qui ne soit revenu de L’avoir vu sans que ses brûlures eussent été guéries, de cœur, de corps, d’âme, de péché, de vie, d’amour… Tout fut purifié, tout fut pardonné, les lépreux, les paralysés, les possédés, les pécheurs, les prostituées, les publicains…

L’Amour fou de Dieu pour l’homme…

C’est au grand jour qu’a vécu cet Amour, au grand jour que Jésus se manifesta, Il le reprocha d’ailleurs au Grand-Prêtre qui L’interrogea : « Pourquoi m’interroges-tu ? J’ai toujours prêché au grand jour, va donc interroger ceux qui m’entendirent ! »

C’est au grand jour que l’Amour se manifeste. Mais voilà que le soir est là, la nuit comme cette nuit où Judas Le livra, et apparaît alors le temps de la lumière et de l’espoir.

Oui c’est vrai que si nous regardons nos vies humaines, lorsque tout est noir l’amour disparaît. Et quand l’amour est humain et donc limité, il s’éteint. Nous avons le droit d’aimer mais aussi de ne plus pouvoir y croire, de ne plus pouvoir espérer. Contre la souffrance, contre la mort, contre l’angoisse, contre le désespoir, l’amour vient se heurter, parfois se briser…

Heureusement cet Amour de Dieu a cette particularité qu’il est ‘fou’ ! L’expression n’est pas mienne, les Pères du désert  l’employèrent, les Grecs parlant du manikos eros, l’amour « maniaque », autrement dit : la manie de Dieu qui est de nous aimer, de nous courir après, de nous retrouver, comme Adam au Paradis lorsqu’il se cachait nu après la faute et le péché ! Oui, c’est cet amour fou de Dieu que rien ne peut restreindre, ni mesurer ni arrêter, tant il est illimité et infini !

Avec la Résurrection, l’Amour se transforme en Espérance !

Et voilà que ce soir dans la nuit, dans le silence du tombeau, Jésus va muer : le linceul de Son Amour va devenir la lumière de l’espérance !

Cette espérance dont Péguy disait qu’elle étonnait toujours le Bon Dieu, car la plus petite et la plus grande des vertus à la fois, « petite fille » si discrète que l’humanité l’oublie et n’y croit plus…

Et pourtant si Jésus ressuscite, réfléchissons, ce n’est pas seulement parce qu’Il nous aime ! Sa mort seule pouvait en effet nous pardonner !

S’Il ressuscite c’est qu’il y a quelque chose d’autre, encore plus loin que l’Amour de Dieu : c’est qu’Il espère ! Il pouvait clore là la création, le monde, l’humanité, mourir et revivre dans la discrétion de la Sainte Trinité. Mais non, Il resurgit devant le monde parce qu’Il espère une terre nouvelle !

C’est vrai, Jésus s’est donné hier par Amour et aujourd’hui Il resurgit, Il ressuscite, Il se relève publiquement car Il espère notre vie nouvelle, Il espère l’homme nouveau, Il espère contre toute espérance… C’est l’Amour qui se transforme en Espérance.

Pour le Christ, l’homme est un possible !

Il nous faut réfléchir sur cette démarche du Christ qui croit que l’homme est un possible, que l’homme reste, malgré sa faiblesse et sa délicatesse, appelé par le Père à partager leur Vie commune !

Et contre cette espérance la nuit ne peut rien, les ténèbres entourent l’amour, peuvent l’étouffer, mais l’espérance point : plus la nuit est sombre plus l’étincelle brille de loin, plus on la voit !

Depuis ce premier soir ou ce premier matin, dans le fond de notre âme, dans le fin fond obscur, là où le cœur peine, brille cette lumière sur l’humanité nouvelle, sur mon humanité, sur ma vie nouvelle qui commence et par où commence mon Ciel !

Il n’y a aucun pécheur qui ne mérite une tendresse et un pardon…

Regardons cette espérance, et, comme pour l’Amour du Christ, ne nous en étonnons point… Là encore le Verbe nous a éduqués pendant Ses trois ans de vie publique.

Regardons le respect qu’Il a porté aux hommes, aux femmes qui sont venus Le trouver. La femme adultère, l’a-t-Il condamnée ? Il a respecté cet avenir tout neuf, ce lieu d’espérance qu’il y avait en elle comme en Madeleine ou en Zachée, cette espérance immortelle qui est moteur de notre vie nouvelle, de cette nouvelle terre, de ce nouveau monde qui resurgit ce soir dans le rite grandiose et justement cosmique !

Jésus, dans Ses attitudes, dans Ses gestes, dans Ses jugements qui n’en sont point, nous a appris déjà l’espérance de Dieu. Il nous a appris qu’il n’y a devant Lui aucun pécheur qui ne mérite une tendresse, un baiser, un pardon, une délicatesse.

Alors en cette nuit où l’Amour se mue, où le linceul disparaît pour donner place à la Lumière, où, plus loin que l’Amour nous trouvons maintenant l’Espérance de Dieu, faisons attention : peut-être que dès cet instant, Jésus va nous appeler, comme Il a appelé Pierre, et nous dire : « Viens, suis-moi pour la Vie éternelle. »

Mgr Jean-Marie Le Gall

Communauté Saint Martin

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