Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« RIEN N’EST IMPOSSIBLE A DIEU ! »

Lectio divina pour le 4ème Dimanche de l’Avent ANNÉE B
2Sam.7, 1-16 Rom.16, 25-27 Lc.1, 26-38

     Après les joies de dimanche dernier, l’Eglise nous met en compagnie de la Vierge pour nous faire retrouver avec un certain calme une attitude contemplative. C’est le dimanche de Marie. Après elle il n’y a plus rien à attendre : nous arrivons à l’heure du Messie, à l’heure de Jésus qui est né à Bethléem la « maison du pain » pour se faire pain des hommes, Pain de Vie…

Marie se situe à la fin d’une grande lignée qu’expriment les quatre cierges de la traditionnelle couronne d’Avent, décoration florale classique de ce temps liturgique de l’Avent. Cette décoration  part avec la couleur violette qui signifie le péché, la misère, la faiblesse pour arriver progressivement, en passant par les teintes roses de la joie, puis rouges, jusqu’à la blancheur immaculée qui signifie la pureté de Marie. Car Marie se situe dans un temps, dans une histoire qui est l’Histoire du Salut et dans laquelle elle a une part et une place toute particulière.

« Il se souvient de son amour… »

Marie inaugure le Nouveau Testament c’est à dire l’accomplissement des promesses de Dieu. Marie mère de Jésus est mère de l’Eglise. Par cette maternité elle devient notre éducatrice, en même temps qu’elle est notre modèle, notre archétype, elle qui est née de notre chair, petite fille vierge d’Israël.

Mais, en tant qu’elle clôt l’Ancien Testament, elle fait aussi partie de cette économie ancienne commencée par la Création et le péché originel.

Ce qu’il est important de comprendre, c’est que, si elle est notre modèle et notre exemple elle est aussi figurée, annoncée par tous ceux qui l’ont précédée. Alors, en nous retournant vers les origines nous pourrons mieux comprendre le personnage, la richesse spirituelle de Marie et nous pourrons mieux l’imiter. Je veux dire par là que Marie n’est pas une génération spontanée, miraculeuse comme souvent nous l’entendons, ce qui ferait d’elle un être si exceptionnel qu’il serait inimitable, voire inintéressant.

« Vous êtes le temple de Dieu… »

Nous aurons remarqué que l’Eglise nous donne en lecture ce dimanche cette anecdote bizarre et apparemment presque sans intérêt de la construction -projetée soudainement par David- d’un temple pour l’Arche de Dieu. Dans cette lecture bien entendu les exégètes voient, à juste titre, l’annonce de la naissance de Jésus.

C’est en partie pour cela que cette lecture est faite aujourd’hui. Nous nous situons dans le dernier dimanche avant la célébration mystérique de la naissance du Christ ; nous nous situons avec Marie dans la plus grande proximité physique -mais sacramentelle bien entendu !- de cette naissance. Il y a donc tout naturellement cette compréhension messianique de la lecture de Samuel : « Ta descendance sera perpétuée à jamais, je te donnerai un fils qui régnera… »

Nous avons, je dirais presque cette déformation apologétique de voir dans l’Ancien Testament des annonces personnelles et précises, de ce qu’il adviendra avec la vie de Jésus ; c’est d’ailleurs ce que cherche à faire l’évangéliste Matthieu qui, s’adressant à des Juifs, veut leur montrer le prolongement entre l’Ancienne et la Nouvelle Alliance.

« L’arche de Dieu habite sous la tente ! »

Mais il y a quelque chose de plus intéressant qu’on peut voir tout de suite : c’est l’attitude de David comme préparation et figuration de celle de Marie.

Bien entendu Marie est parfaite, ce que n’est pas David : nous savons tous ce qu’il a fait avec Bethsabée la femme d’Urie… Ceci dit, voilà notre David -personnage saint quoique pécheur- qui tout à coup se rend compte qu’il vit dans une maison riche à côté de l’Arche de Dieu et que cette Arche (donc les Tables de la Loi contenues dans l’Arche ce qui signifie pour le peuple juif la présence de la Parole de Yahvé, la présence de Yahvé lui-même, présence sainte comme au buisson ardent) n’est  abritée que par une simple tente.

Alors s’opère en lui, une espèce de retournement, de conversion au sens le plus fort du terme : il se décentre de lui pour considérer Dieu. Comment ! Moi je suis si richement logé alors que l’Arche est sans abri ! Et tout de suite la voix de Dieu répond, par Nathan : « Ce que tu veux faire, fais-le ! »

« Ce que tu veux faire, fais-le ! »

Première leçon : Dieu nous accompagne toujours dans notre mouvement de conversion. Et quand je parle de conversion je l’entends au sens de saint Paul, comme metanoïa, retournement ; pas forcément à la manière d’un saint Augustin ou d’une Madeleine ou d’un Charles de Foucauld qui sont des cas particulièrement explicites, comme des phares lumineux nous montrant, nous rappelant de temps à autre la puissance de la grâce de Dieu.

Je parle de notre conversion quotidienne, de cet instant miraculeux où, on ne sait trop pourquoi ni comment, nous prenons conscience que notre vie est centrée sur notre moi, et nous vient le désir, en regardant Dieu, de changer cet état des choses ! Nous  disons alors : Décentrons-nous, Dieu est si mal logé ! Dieu n’a pas de place dans notre vie sur tel ou tel point, familial, professionnel, politique…

Et Dieu accueille avec une immense joie (rappelons-nous les paraboles de la miséricorde au chapitre 15 de Luc) cet instant miraculeux de conversion : tout d’un coup un homme, comme fit David, cesse de se regarder et de faire tourner sa vie autour de son ego pour se rendre compte que ce Dieu qui existe et qui est au-dessus de lui n’a pas toute la place qui Lui revient !

« J’ai été avec toi dans tout ce que tu as fait… »

Et voilà que Dieu, comme s’Il se rendait compte de Sa précipitation, fait dire par Nathan à David : « Est-ce que c’est toi qui va me construire une maison ? C’est moi qui vais le faire ! »

Voilà un retournement immédiat, incompréhensible ! C’est Dieu qui prend en main mon désir et agit ! C’est la deuxième leçon : Dieu agit ; dès que nous désirons faire une démarche de conversion, Dieu prend le relais et nous donne la voie à suivre.

Troisièmement, David, dans sa bonne volonté, veut construire un temple au Seigneur. Il y arrivera d’ailleurs avec Salomon son fils, le fils du péché. Donc Dieu laisse quand même l’homme agir avec ses voies.

« En te délivrant de tous tes ennemis… »

Mais surtout David veut rendre gloire à Dieu, il veut donner à Dieu toute la richesse qui est en sa possession. David veut glorifier Dieu et voilà que c’est Dieu, qui a accepté cette conversion et qui agit à la place de David, qui va lui donner la richesse !

C’est Lui qui va revêtir l’homme ! C’est Lui qui va le combler de grâces en lui donnant un fils, en lui donnant une génération, une postérité, une « descendance à jamais », « un trône établi pour toujours », finalement en lui donnant Son Fils : Jésus, fils de David par Joseph et par Marie…

Voilà la magnifique leçon à tirer de cette anecdote. La conversion de David n’est pas la conversion après le péché avec Bethsabée, donc n’est pas une conversion dramatique, une conversion extraordinaire, charismatique.

Non, c’est une conversion de l’ordinaire qui fait les jours : David en se couchant dans sa maison pleine de richesses, de noyer, de cèdre,… s’aperçoit que Yahvé est à la porte en plein courant d’air. Cette conversion est acceptée par Dieu avec beaucoup de bonheur. Et c’est Dieu finalement qui agit dans la vie de David, c’est Lui qui va prendre les rênes de la sanctification du roi et va le combler de richesses. Comme c’est Dieu qui prend en main ma sanctification…

« Voici la servante du Seigneur… »

Et en Marie, fille d’Israël, fille de David, il va se produire, mutatis mutandis, la même expérience. Bien entendu David est pécheur, Marie est immaculée.

Il n’empêche que Marie, comme David, s’ouvre totalement dans son regard à la présence de Dieu. Marie c’est le reste du petit reste d’Israël, ce petit troupeau dont parle l’Ecriture, qui est fait des justes, des à moitié justes et à moitié pécheurs… Souvenons-nous de Moïse qui n’est pas entré dans la Terre promise, souvenons-nous d’Aaron et du veau d’or, souvenons-nous de David et de Bethsabée, souvenons-nous de tous ces exemples des justes qui ont attendu, espéré, qui ont regardé le Salut, mais pas complètement, pas en perfection parce que ce sont des hommes marqués par le péché et qui ont eu tout au long de leur vie ces mouvements de conversion (comme celui que nous décrit la Parole en la vie de David), ces métanoïas successives…

Et ce petit peuple, ce petit troupeau, ces pauvres comme on les appelle, ces anawim vont se focaliser petit à petit jusqu’à donner naissance à Jean-Baptiste le cousin et à Marie…

Marie, pure capacité de Dieu…

En Marie va se concentrer en perfection cette attente du Messie, cette ouverture entrevue en figure chez David. Il n’y a donc pas de conversion à proprement parler puisque Marie est toute capacité, pure capacité de Dieu.

Mais il y a le résultat de la conversion de David : ce regard tourné vers Dieu, cette attente, ce don de soi. David veut lui donner une maison et Marie lui donne sa virginité, la ‘maison des maisons’ : son être en totalité !

Et Dieu accepte. Dieu accepte la virginité de Marie. Les Orientaux (et même aussi, avec les Croisés, la théologie occidentale) ont représenté avec beaucoup de bonheur cette consécration de la Vierge qui habitait près du Temple… Elle vient, encore toute petite fille, consacrer sa virginité, toute sa vie à Yahvé. La Vierge est toute jeune, elle doit avoir 15 ans à cette époque…

Dieu accepte. Mais tout aussitôt Il reprend les rênes, comme avec David. Il enverra Gabriel.

« La puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre… »

« L’ange Gabriel fut envoyé… », celui qui vient de la part de Dieu, le messager de Dieu porteur de Sa Parole vient. Retournement complet de situation : il demande à Marie le contraire, comme pour David : Ce n’est pas toi qui vas construire la maison c’est moi qui vais m’occuper de mes propres affaires. Il demande à Marie d’être mère !

Le résultat de cette action divine, de cette ouverture totale de Marie, comme le résultat de l’ouverture partielle de David, ce n’est pas l’enrichissement de Yahvé (que désirait Marie), c’est l’enrichissement de l’humanité : l’enrichissement de son corps, par la maternité divine. Le Fils, ce fils promis à David, c’est le sein de Marie qui va Le porter !

Dieu est si amoureux de l’homme qu’Il accepte le moindre geste par lequel l’homme lui exprime sa filiation, sa confiance.

Mais Il est si désintéressé, si gratuit, si riche, si plein, qu’Il reprend tout de suite ce pauvre petit cadeau de l’homme pour revêtir l’homme de Sa propre richesse divine !

« Toutes les nations me diront bienheureuse… »

La grande gloire de ce dimanche, la grande gloire de l’Histoire du Salut ce n’est pas la gloire de Dieu, c’est la gloire de Marie et à travers elle la gloire de l’humanité : « Toutes les nations me diront bienheureuse, le Puissant fit pour moi des merveilles …» en me faisant porter Son Fils !

Regardons comme Marie s’inscrit charnellement, humainement dans cette ligne d’hommes jalonnée par les grands patriarches, les prophètes et les rois, jalonnée par les justes… Elle s’y inscrit pour devenir à son tour, en Dieu -elle qui fut figurée par ceux qui l’ont précédée- la mère de ceux qui vont la suivre !

Vois comme Je suis à l’étroit en toi…

Nous sommes nous aussi appelés à la suite de Marie, et comme David, nous qui sommes aussi pécheurs, à opérer ce retournement, cette conversion, cette métanoïa.

Nous sommes conviés à nous dire, au moins jusqu’à la fête de Noël : Dieu est mal logé dans mon cœur ! Dieu n’a pas toute la place dans mon cœur de prêtre, de laïc, d’homme marié, de femme, d’enfant… Dieu dans ma vie n’a pas toute la place qui Lui revient.

Nous avons encore quelques jours pour en prendre conscience, pour imiter Marie qui lui a donné toute la place. En sachant qu’on ne peut pas faire mieux que Marie ! C’est pourquoi l’Eglise a trouvé en Marie sa perfection qu’elle ne retrouvera que dans la Jérusalem céleste de l’Apocalypse.

Mais avec l’image de David qui est, je dirais, plus semblable à nous car pécheur, et avec l’intention d’imiter Marie, nous avons cet appel de l’Eglise, cet appel de Dieu par Son Eglise : Convertis-toi, retourne-toi… Décentre-toi, oublie-toi, efface-toi… Vois où Je suis, vois comme tu Me laisses à la porte… Vois comme Je suis mal logé.

Vois comme Je n’ai pas la place que Je devrais avoir dans ton cœur, dans ton corps, dans ton intelligence, dans ta cordialité et ta vie sentimentale, dans ta vie de travail ou ta vie de détente… Vois comme Je suis à l’étroit en toi…

Rien n’est impossible à Dieu !

Et dès que nous entamerons ce mouvement de métanoïa, de conversion, dès que nous dirons : mais oui Seigneur, comment n’ai-je pas vu plus tôt qu’en moi je prends toute la place !?, alors Dieu inversera la vapeur et accomplira en nous des choses merveilleuses.

Alors, de notre stérilité Il fera surgir la fécondité comme chez Elisabeth, « car rien n’est impossible à Dieu. »

Retenons cela : quel que soit notre passé, quel que soit notre âge, quels que soit notre lassitude, notre fatigue, nos angoisses, nos handicaps, rien n’est impossible à Dieu et nous pouvons passer de cette stérilité spirituelle à la fécondité ! A l’image de David, à l’image de Marie surtout qui se présente à nous aujourd’hui dans la perfection de cette ouverture à Dieu. C’est la grâce que nous demandons pour chacun au cours de ce 4ème Dimanche de l’Avent.

Mgr Jean-Marie Le Gall

Communauté Saint Martin

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