Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

LA VIE A VAINCU LA MORT ET LE PÉCHÉ, TEL EST LE MOTIF DE NOTRE JOIE

Lectio divina pour le troisième dimanche Pâques – Année B

Act. 3, 13…19 1Jn. 2, 1-5 Lc. 24,35-48

Le thème de la joie colorera le 3ème dimanche du temps pascal : « Garde à tes serviteurs cette joie… » prierons-nous dans la Collecte. Cette joie est décrite à plusieurs reprises chez les apôtres, témoins des apparitions multiples que Jésus leur offre. « Gavisi sunt… » : les apôtres sont remplis, sont ‘gavés’ de joie. Et pourtant cette joie, elle n’est pas achevée. C’est une joie à l’origine toute intérieure et qui est liée à la foi et à son progrès, à la perception que les apôtres ont de Jésus : ils étaient ébahis, ils étaient stupéfaits, ils n’osaient pas croire…

« Gavisi sunt… »

La joie des apôtres, joie intérieure, joie d’intimité, fonde toute la joie de l’Eglise. Le temps de l’Eglise, depuis le mystère de l’Incarnation et de la Rédemption de Jésus, est un temps de joie. Et plus particulièrement bien entendu ce temps de la Résurrection appelé temps pascal qui est le temps de la naissance de l’Eglise.

L’Eglise vivra jusqu’à l’éternité, jusqu’à l’accomplissement dans ce sentiment des apôtres : temps de joie, lié à la progression de leur foi au rythme des différentes apparitions du Christ, il est vrai, totalement bouleversantes.

En effet, elles bouleversent le sens de l’Histoire, elles bouleversent leur cœur, elles bouleversent leurs sens et leur relation à Dieu puisqu’elles leur font voir que Jésus ressuscité est vainqueur de la mort du péché.

« Vous êtes morts au péché et vivants pour Dieu dans le Christ… »

Voilà le motif profond de la joie de l’Eglise qui, depuis la Résurrection du Christ, médite sur cette vérité. Le Christ ressuscité et avec Lui, nous-mêmes ressuscités, nous sommes vainqueurs du péché. Le péché et la mort n’ont plus aucun pouvoir sur nous.

En disant cela nous comprenons bien qu’il ne suffit pas d’une journée, d’une octave, d’une année chrétienne pour entrer dans ce mystère de la délivrance du don de la vie. Ce n’est pas la joie de réussir un examen, c’est une joie d’entrer quelque part, de découvrir un monde nouveau, une terre promise.

Qu’est-ce que cela veut dire que le péché n’a plus de pouvoir sur nous, sur l’Eglise et sur ses membres ? Est-ce que cela veut dire que nous ne péchons plus ? Non malheureusement, mais c’est comme cela ! On pourrait presque dire plutôt heureusement ! Car si nous arrivions à ne plus pécher cela mettrait en cause notre liberté profonde d’hommes.

Nous pouvons encore pécher mais la phrase de saint Paul indique que le pouvoir du péché n’est plus un pouvoir d’emprisonnement, nous ne sommes plus enfermés comme dans les murs de cette prison, dans cette dictature de la passion du mal et de la faute. Justement, parce que le pouvoir de Jésus, le pouvoir de Sa Vie, est plus fort que le pouvoir de la mort, il nous est rendu possible, depuis le Baptême, d’extraire le péché de notre âme, d’éradiquer l’habitus mauvais.

« Le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ… »

Le Christ, pour toutes les nations, est devenu porteur de Vie, pardonneur du péché. C’est le message rappelé dans la lecture des Actes des Apôtres.

Bien entendu, dans notre vie, les deux états sont mélangés : nous sommes à la fois demeure de Jésus-Christ pour une part plus ou moins grande qui varie au fil des jours et des années. Donc dans la grâce de Jésus-Christ et de Sa vie en nous, nous avons le pouvoir d’extraire doucement telle ou telle faute, telle ou telle passion, telle ou telle tendance du vieil homme.

Et puis, pour la part de nous dans laquelle Jésus ne réside pas et ne nous permet pas de vaincre le mal, nous avons le recours au pardon de ce Christ qui, de l’extérieur, vient nous pardonner.

« Sachez que vous avez un défenseur auprès du Père. »

D’où l’importance de ce que Jean nous révèle du Sacerdoce éternel de Jésus-Christ dans sa première épître : « Petits enfants ne péchons pas, ne vivez pas avec le péché. Mais s’il vous arrive de retomber dans la faute, sachez que vous avez un défenseur auprès du Père. »

Cette phrase fonde la joie de l’Eglise parce que Jean nous affirme que Jésus est à jamais devant Son Père, ressuscité, dans Son état d’intercesseur et de défenseur qui est propre à la personne du Christ, particulièrement à la Croix. Aussi, Jean nous révèle qu’éternellement Jésus intercède pour, diront les Actes des Apôtres, toutes les nations de la terre, c’est à dire toutes les générations humaines qui viennent à l’existence en notre monde, afin de leur pardonner et de leur donner la vie.

Nous sommes dans le temps de la Résurrection qui se fonde sur l’acte de la Résurrection de Jésus-Christ, moteur de la résurrection du peuple de Dieu, de l’Eglise, de l’humanité qui vit ainsi comme suspendue à l’éternisation de l’acte sacerdotal de Jésus-Christ et de Son état d’intercession, devant le Père.

« Puisque l’Esprit est votre vie, laissez-vous mener par l’Esprit ! »

Nous sommes entrés véritablement avec la Résurrection pascale dans un temps nouveau qui est ce temps de l’ecclésia, de la communauté des croyants, Corps de la Tête. L’Eglise ce n’est pas seulement nous, c’est le Corps de la Tête ; et le Corps est relié à la Tête par cet influx, cette grâce qui part de la Tête : grâce de la vie, grâce du pardon, grâce de la résurrection, grâce de l’homme nouveau, vie de l’Esprit…

Cette foi en Jésus ressuscité et donc en Jésus, Prêtre des biens à venir, Prêtre éternel dira l’épître aux Hébreux, intercesseur éternel, est fondée sur le témoignage des apôtres. Comment notre foi est-elle fondée sur le témoignage des apôtres ? L’est-elle au même titre, au même niveau que, dans un livre d’histoire, notre confiance, notre adhésion à l’histoire est fondée sur le récit de tel et tel biographe, historien qui nous raconte l’histoire d’Henri IV ? La foi n’est pas une adhésion purement humaine de l’intelligence à un message par la volonté.

La foi est mue par la grâce qui, seule, nous permet de dépasser notre propre horizon d’homme, notre horizon de créature, notre horizon naturel. Seule la grâce de foi nous permet de dépasser l’horizon humain pour accéder à quelque chose qui, de nature, est hors de notre portée, mais nous est révélé dans l’Ecriture : cela s’appelle la Vie intérieure de Dieu.

« Prenez le glaive de l’Esprit, c’est à dire la Parole de Dieu… »

La Bible n’est pas seulement un écrit et n’est surtout pas d’abord un écrit ; elle est d’abord Parole. En tant que Parole, l’Écriture est Souffle, elle est Vie. Jésus dira : « Mes paroles sont esprit et elles sont vie. » En tant que Parole, la Bible est insaisissable pour celui qui ne renaît pas de cette Vie c’est à dire du Souffle, de l’Esprit. Jean rapporte le discours de Jésus à Nicodème : « Pour celui qui ne renaît pas de l’Esprit, il n’est pas possible d’entrer dans le Royaume. »

Le Royaume c’est bien la Vie de Dieu, c’est l’intimité de Dieu. Celui qui accepte de renaître dans l’Esprit peut, non pas capter ou saisir la Vie de Dieu, mais entrer en Elle, se laisser séduire par cette Vie, se laisser emprisonner par cette Vie… Jusqu’à finalement la garder, la mettre en pratique, s’établir dans un phénomène d’osmose entre lui et la Vie, renaître, co-naître, naître avec Dieu.

« Celui qui connaît Dieu c’est celui qui garde Ses commandements »

Celui qui connaît Dieu c’est celui qui garde Ses commandements nous dit Jean, c’est à dire celui qui garde la Parole, qui demeure en Elle. Ce n’est pas celui qui La maîtrise intellectuellement, qui La possède, qui La capte, mais c’est celui qui, au contraire, se fait dépouiller, s’élimine, s’oublie en Elle. Celui-là alors connaît Dieu comme Père et s’établit en Lui dans la relation d’intimité propre à l’enfant.

Au contraire celui qui n’accepte pas de renaître dans l’Esprit, qui n’accepte pas ce don de la grâce, celui-là ne peut rien dire sur Dieu, il est un menteur, il n’est pas dans la vérité. Pour pouvoir parler de Dieu, il faut être enfant de Dieu, il n’y a que l’enfant qui puisse nommer son Père, qui puisse décrire son Père, qui puisse se laisser posséder par cette relation du Père.

Saint Paul le dira dans son épître aux Corinthiens : « Nul ne peut nommer Jésus Seigneur s’il n’est pas né de l’Esprit. » Encore une fois, il ne s’agit pas tant de posséder techniquement la Bible comme on possède un document sanscrit ou le code d’Hammourabi. Il s’agit de se laisser capter, posséder par Elle, d’accepter de recevoir la Vie propre de la Parole qui s’appelle l’Esprit et qui, infusé dans mon intelligence, prend le nom de Foi et me permet d’adhérer à la Personne, à la Vie intime de Dieu.

« Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous… »

Concluons par une mise en garde nécessaire à une époque où un désir de consensus parle des trois religions du Livre. Non seulement c’est absurde car le Coran n’est pas la Bible.

Mais de plus, notre religion n’est même pas une religion du Livre ! Elle est la religion de la Parole. C’est ce qui fait son exceptionnalité ! Car toutes les sagesses, les philosophies, les religions dites naturelles ont un Livre.

Alors que nous, les chrétiens, nous avons une Personne ; et cette Personne en qui nous mettons notre foi, c’est le Verbe incarné, la Parole : « Si vous gardez ma parole, vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres… »

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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