Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

ENTRONS EN PASSION : LAISSONS-NOUS PASSIONNER PAR LE CHRIST !

Lectio divina pour le Dimanche des Rameaux
Is.50, 4-7 Phil.2, 6-11 Passion selon Saint Luc

lectio rameaux

C’est toujours agréable de voir avec quel empressement les fidèles courent pour avoir un rameau, pour obtenir une place… Alors on peut se poser la question : est-ce que nous sommes aussi empressés de proclamer la gloire que ce rameau signifie ? Est-ce que nous sommes si empressés de reconnaître que Jésus, dont on vient de nous décrire les dernières heures de vie, est le Fils de Dieu, qu’Il est Quelqu’un, non pas un mythe, une histoire ancienne, une tradition des aïeux ? Est-ce que nous sommes si empressés finalement d’être des saints c’est-à-dire avoir une place pas seulement à l’église mais au Ciel ?

Pourquoi n’espérerions-nous pas notre sainteté ?

Est-ce que nous espérons même encore notre sainteté ? On parle de nos vieux pays de chrétienté un petit peu rassis sous le poids du matériel, de l’argent, d’un bonheur justement acquis par le travail… Mais avons-nous encore cette flamme intérieure d’espérer notre sainteté ? Je ne crois pas que nous l’ayons beaucoup hélas…

Pourquoi n’espérerions-nous pas notre sainteté ? Pourquoi serions-nous si pessimistes, avec un horizon bouché, pensant que le Ciel est réservé aux autres ? Parce que nous avons fait beaucoup de demandes et que nous n’avons jamais eu de réponse, ou si peu, de la part de Dieu ? C’est vrai que nous demandons beaucoup, comme des enfants, comme la veuve de l’Evangile… Nous demandons de tout à Dieu : la réussite du fils, le mariage de la fille, le tiercé, la promotion, les élections… !

Nous demandons tant de choses à Dieu et nous recevons si peu ! Peut-être parce que nous n’écoutons pas la réponse.

« Que veux-tu que je fasse pour toi ? »

Or, nous le voyons bien aujourd’hui : Dieu est là, Jésus est là.

Nous nous souvenons que nous avons commencé notre année liturgique, il y a quelques mois, en contemplant Jésus venant à nous, à travers l’aveugle de Jéricho et nous posant la question : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »

Puis nous avons eu, pendant des mois, des dimanches durant lesquels nous avons accompagné Jésus dans Sa vie publique, durant lesquels nous avons pu regarder, voir Jésus vivant et nous confronter à Lui, à l’Evangile, et ainsi voir nos manques.

Nous avons pu constater ce à quoi nous étions appelés en regardant Pierre, Madeleine, Jean, Zachée et nous avons pu en déduire ce qui nous manquait durant tous ces mois où nous avons suivi Jésus.

Et nous avons pu demander : « Voilà Seigneur ce que je veux que tu fasses pour moi ; c’est de me donner telle vertu, me déraciner telle faiblesse, telle mauvaise tendance, telle habitude peccamineuse, mauvaise, lâche. »

Jésus vient à nous dans le secret de notre cœur.

Aujourd’hui Jésus vient et Il nous donne ce que nous avons demandé. C’est le sens du dimanche des Rameaux : Jésus entre à Jérusalem, la Ville sainte, celle qui représente l’Eglise, donc notre âme à chacun. Jésus vient à nous dans le secret de notre cœur.

Pour quoi faire ? Pour quoi dire ? Pour nous prendre avec Lui, nous ‘rapter’ en quelque sorte, pour nous proposer de venir faire avec Lui le chemin des derniers jours qui commence aujourd’hui et qui aboutira au Vendredi Saint en passant par l’institution de l’Eucharistie le Jeudi Saint et s’achèvera par la Résurrection du dimanche de Pâques.

Ces derniers jours nous devons les suivre avec le Christ comme nous avons suivi les trois ans de Sa vie publique ; nous devons les suivre de la même manière. Jeudi, vendredi, samedi, ces jours seront difficiles et oppressants : l’institution de la Cène, le lavement des pieds, le Chemin de croix, la Passion, la Vigile Pascale et enfin le dimanche de Pâques… Oui il faut vraiment tenir la vitesse, être attentif, ne pas manquer les heures, ne pas manquer la grâce surtout… Comme Jésus. A partir d’aujourd’hui tout se précipite pour Lui, tout s’accélère, un petit peu comme dans la fin d’une vie humaine.

Je t’emmène avec Moi pour que tu meures et ressuscites avec Moi !

Jésus vient aujourd’hui nous répondre : « Tu m’as demandé telle vertu, tu m’as demandé de déraciner en toi telle défaillance, tu m’as demandé de prendre une part de ta mort c’est-à-dire de ton péché pour te donner une part de Ma vie, alors je t’emmène avec Moi… Je t’emmène avec Moi pour que tu vives avec Moi ce processus de mort et de résurrection, cette dynamique du dépouillement, si bien décrite dans la Lecture de saint Paul, qui aboutit à la gloire de la Résurrection.

Aujourd’hui nous entrons avec le Christ dans les derniers jours, dans la Grande Semaine. Il faut prendre cet engagement au sérieux, il faut prendre sérieusement la main du Christ si nous voulons recevoir ce que nous avons demandé.

Nous sommes entrés en Carême dans le désert de Jésus et avec Lui pour prendre des forces. Le Carême n’est pas le vrai combat ; le Carême c’est la préparation, c’est l’armée qui s’entraîne en temps de paix, c’est le sportif qui s’entraîne avant la compétition… Nous nous préparons avec le Christ à cet ultime combat que Lui-même a vécu et auquel Il s’est Lui-même préparé par le désert.

« Va ta foi t’a sauvé ! »

Nous entrons maintenant avec Lui dans cet ultime combat. Nous entrons avec Lui dans ces dernières heures où il va falloir maintenant, dès aujourd’hui, vraiment nous battre. Voilà que commence le combat.

Il va falloir véritablement me défaire de mes mauvaises tendances, de mes mauvaises habitudes, de tout ce qui en moi va se rebeller, se rebelle déjà contre ce que j’ai demandé au Christ, contre une sanctification supplémentaire, contre une nouvelle vertu… Toute ma nature qui depuis tant d’années a été dorlotée, chouchoutée et a été poussée dans le sens de sa pente vers justement telle habitude mauvaise, tel péché, telle faiblesse, voilà que tout cela se rebelle au moment ultime où il va falloir se dépouiller de telle ou telle faiblesse.

Il faut que nous confirmions pendant ces quelques jours notre volonté évangélique. Il faut que nous confirmions dans notre âme notre désir de recevoir : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Oui je veux que Tu me donnes cette vertu de pauvreté, d’humilité, de douceur, de miséricorde, de patience, pour moi-même, pour mon conjoint, pour mes enfants, pour mes amis, pour ma vie professionnelle… Le courage, la persévérance dans la maladie ou dans une situation économique précaire, je veux que Tu me donnes cela, je sais que Tu le peux ! « Va ta foi t’a sauvé ! »

Ressusciter avec le Christ à une vie nouvelle !

Pour ce combat ultime, pour cette véritable christianisation de ma personne, j’ai besoin de ce Christ-là : non plus le Christ de Tibériade et de la multiplication des pains, mais le Christ qui Lui aussi entre dans ces dernières heures de combat avant le Vendredi Saint : « Mon âme est triste à en mourir. » Jésus l’a dit en entrant à Jérusalem.

Puis jeudi Il dira : « Père si c’est possible que ce calice s’éloigne de moi… » Jésus Lui aussi a remis en place constamment, minute après minute, Sa volonté évangélique sublime et suprême de sauver le monde par le sacrifice de Sa vie. Il n’y est pas allé en riant, Il y est allé en souffrant. Il y est allé en peinant pour que chaque seconde vécue par Sa volonté humaine soit une conformité parfaite à la Volonté du Père c’est-à-dire une sainteté, une donation, une offrande, un amour sans reprise et sans mesure…

C’est de ce Christ-là dont j’ai besoin pour que moi aussi je travaille dans ces dernières heures au dépouillement qui arrivera le jour du Vendredi Saint lorsque je viendrai déposer à la Croix ce dont je veux me débarrasser, ce boulet que je traîne, ce sac à dos trop lourd, ces angoisses, ces désespérances, ces manques de confiance, ces faiblesses, pour pouvoir, avec le Christ, ressusciter à une vie nouvelle, pour pouvoir avec le Christ être recréé, faire partie de toute cette re-création cosmique que nous célébrerons à la Vigile Pascale !

Avoir une part de vie supplémentaire de l’Homme Nouveau !

Être recréé, avoir une part de vie supplémentaire de Jésus, un peu plus de Sa sagesse, un peu plus de Sa tendresse, un peu plus de Son amour, un peu plus de Sa miséricorde vis-à-vis de ceux qui me font du mal, vis-à-vis de tous ceux avec qui je suis en relation… Ces relations humaines si difficiles à gérer dans la justice de l’Evangile…

C’est de ce Christ-là dont j’ai besoin et Il le sait ! C’est pour cela qu’Il vient me prendre.

« Le disciple n’est pas supérieur au maître », mes chers amis ! S’Il a souffert, s’Il a lutté, pied-à-pied, pas-à-pas, jusque dans cette trahison de Judas qu’Il accepte par le baiser de l’amitié, nous aussi nous allons devoir, c’est certain, lutter pied-à-pied, pas-à-pas, pour nous dépouiller, pour nous laisser émonder, pour extraire et déposer, définitivement espérons-le, cette mauvaise herbe du jardin de notre âme ; pour la déposer, la faire brûler au pied de la Croix, pour être recréé avec une part plus importante de l’Homme Nouveau qu’est Jésus, pour participer un petit peu plus à la nouveauté de l’humanité.

Entrons avec Jésus en Passion à Jérusalem c’est-à-dire laissons-Le entrer en nous.

Entrons en Passion c’est-à-dire laissons-nous passionner par le Christ !

Entrons en Passion c’est-à-dire laissons-nous passionner par le Christ ! Ne partons pas avec nos rameaux en disant : c’est chose faite, j’ai mon buis béni ! Cela ne sert à rien ; rien ! Ce n’est pas le buis qui compte !

Ce n’est pas avec le buis qu’il faut accueillir le Christ. Ce n’est pas avec des vêtements qu’il faut Lui préparer un chemin… C’est vers nos personnes abaissées dans l’humilité du cœur que le Christ pourra venir, ce sont elles qu’Il recouvrira de Sa grâce !

Voilà le véritable sens de cette entrée en Passion, avec l’entrée de Jésus à Jérusalem. Demandons la grâce de comprendre que ce n’est pas un folklore que nous célébrons aujourd’hui. Ces rameaux que nous allons mettre au dessus de nos lits derrière le crucifix, doivent être le rappel constant de notre engagement à suivre Jésus pour mourir avec Lui et ressusciter avec Lui à une Vie nouvelle.

Je vous souhaite une très Sainte Semaine, avec beaucoup d’humilité, beaucoup de simplicité, une bonne confession, une bonne vie familiale, une recherche intérieure de ce que vous pouvez donner à Jésus pour grandir dans l’Evangile et, en grandissant dans l’Evangile, faire grandir vos familles, vos enfants, vos petits-enfants, votre ville, votre pays et l’Eglise universelle.

Mgr Jean-Marie Le Gall

Communauté Saint Martin

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