Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« Il vit et il crut ! »

Lectio divina pour le Dimanche de Pâques, le 16 avril 2017

« Il vit et il crut », dit Jean, en parlant de lui. Essayons de voir qu’est-ce que Jean a vu et qu’est-ce que Jean a cru. Car Jean représente l’Eglise et donc, nous représente dans notre sacerdoce de baptisés.

Nous nous souvenons qu’aux Rameaux, nous avions entrevu deux faces opposées d’un même mystère qui commençait à se dessiner avec deux teintes : la teinte éclatante de la Gloire de Jésus entrant à Jérusalem avec les acclamations des jeunes enfants d’Israël et de toute la population (laquelle se transformera en populace) ; la deuxième teinte, obscure et même noire de la mort de Jésus annoncée par le chant de la Passion. Ce mystère unique avec sa double face, l’entrée en gloire de Jésus à Jérusalem et le dépouillement de la Croix, n’est rien d’autre que d’une part : la reconnaissance éclatante de la Royauté du Christ sur le monde, et de l’autre la description de cette Royauté qui est toute de service, de charité, de don de soi jusqu’à l’offrande de Sa vie…

« Mon royaume n’est pas de ce monde. »

Dans les jours saints que nous venons de vivre et dont nous partageons la plénitude aujourd’hui (haec dies : LE Jour que fit le Seigneur), nous voyons se réaliser et s’accomplir définitivement ce mystère à double face : le Vendredi Saint, par Sa mort sur la Croix, Jésus dessine le Royaume dont Il est le Prince. Par le don de Sa mère, par le don de Son cœur en pardonnant à Ses bourreaux, par le don de Son esprit qu’Il remet à Son Père et par le don final de Sa vie, Jésus nous dévoile l’esprit de Sa Royauté.

Et ce matin de Pâques, dans la lueur de l’aurore et le cri joyeux des enfants, c’est l’explosion du Royaume de la Vie qui a vaincu et détruit la Mort.

Jésus, assumant notre nature jusqu’à la mort, vainc la mort par Sa Résurrection et annonce le Royaume de la Vie éternelle qui n’est pas de ce monde, comme Il le souligna à Pilate : « Tu l’as dit, je suis roi. Mais mon royaume n’est pas de ce monde. »

Il n’est pas de ce monde d’abord par son esprit, parce que c’est l’esprit du don et du dépouillement que nous ne sommes pas habitués à vivre. Il n’est pas de ce monde surtout, parce que cette Mort qui règne sur notre histoire et imprègne nos vies, nos siècles et nos civilisations, cette Mort est définitivement vaincue avec la Résurrection du Fils de Dieu. Certes, la mort physique va continuer à scander nos vies personnelles et nos communautés, mais la Mort spirituelle, la Mort intérieure du péché est définitivement engloutie par l’Immortel qui ressuscite, après avoir pris sur Lui notre humanité, nos souffrances, notre mort même et jusqu’à notre espérance qu’Il confirme en ce matin pascal.

« Si le grain de blé ne meurt, il reste seul, s’il meurt il porte beaucoup de fruits. »

Cette phrase, Jésus l’a énoncée en montant vers Jérusalem, dans la gloire des Rameaux. Cette phrase se réalise à merveille aujourd’hui. Si le Christ ne tombe pas en terre pour y mourir, Il reste seul. Mais s’Il meurt, Il porte beaucoup de fruits : le Salut du monde s’inscrit dans le possible !

Car en prenant sur Lui notre vie d’homme jusqu’à la mort, nous mourons avec Lui. Et lorsqu’Il ressuscite, c’est notre humanité qui avec Lui ressuscite à une vie nouvelle, pour Dieu, précisera Paul aux Romains. Voilà quel est le fruit infini, le fruit qui n’a pas de fin, le fruit qui n’a pas de nombre, du matin de Pâques : avec Lui, nous sommes ressuscités !

« L’amour de Dieu a été diffusé dans notre cœur par l’Esprit qui nous fut donné. »

Comment va s’opérer ce passage, entre la vie du Christ et la nôtre, entre la mort de Jésus et la nôtre, entre la Résurrection de Jésus et notre propre résurrection ?

Il se fera tout simplement, mais quelle merveille !, par le Principe de Vie, qui a fait vivre Jésus : l’Esprit dont Il a été consacré dès l’Incarnation, cet Esprit de Charité qui s’appelle l’Esprit Saint et qui L’a entretenu à chaque seconde en Le nourrissant de la Volonté du Père. Par Amour pour ce Père et par Amour pour les hommes qui sont aimés du même Père. Cet Esprit qui l’a poussé à se dépouiller jusqu’à la mort et la mort de la croix, c’est ce même Esprit, nous dit Saint Paul, qui L’a ressuscité des morts et c’est cet Esprit de vie que nous avons reçu à notre baptême : « Ne savez-vous pas que, par le baptême, nous sommes morts avec Lui pour ressusciter et vivre d’une vie nouvelle ? »

Voilà pourquoi aujourd’hui Paul nous rappelle que notre vie est cachée en Dieu, et qu’Il nous faut rechercher les choses d’en haut pour vivre ! Il nous faut rechercher cet Esprit divin qui demeure en nous si nous Lui ouvrons notre cœur en chassant le Mal. Il y devient notre raison de vivre, notre éthique, notre Sagesse… Il peut alors régir nos pensées, nos paroles, nos actions, les mouvements de notre intelligence comme ceux de notre cœur. Il est le cocher de notre diligence et Il la conduit sur la route qui mène à la maison du Père…

« Des fleuves d’eau vive jailliront de son sein… »

Cet Esprit nous a été donné à notre baptême pour apprendre à mourir avec Jésus, et pareillement apprendre à ressusciter en sachant voir ce qui est bon pour Dieu, ce qui Lui plaît, ce qui est parfait dira Paul…

Alors notre histoire personnelle ne se termine jamais mais s’engouffre dans la Vie qui ne finit pas, jour après jour un peu plus, jusqu’au passage définitif de notre pâque…

Nous n’avons plus de fin à notre vie en ce jour de la résurrection. Ce n’est même plus l’au-delà, comme une irréalité qui ne nous appartenait pas, et surtout était indéfinissable. L’Au-Delà est en nous par l’Esprit de Jésus: « S’Il a ressuscité son Fils, c’est ce même Esprit qui vous ressuscitera. » Et Il est déjà dans notre cœur par le baptême, par nos Eucharisties, par le sacrement de la réconciliation que nous recevons, Esprit de mort à soi-même et Esprit de résurrection, Esprit jaillissant en Vie éternelle…

« Il vit et il crut. »

Voilà ce que Jean voit lorsqu’il pénètre dans le tombeau : « Il vit et il crut. »

Que voit-il justement ? Rien !!! Il voit, dans la Résurrection du Maître l’image, le signe de sa propre résurrection spirituelle. Et il crut à ce renouveau substantiel qui le rendait fils du Père au tombeau vide, comme il venait d’être fait fils de la Mère du Seigneur, à la Croix… Voilà le motif de notre joie pascale mes frères.

Nous nous réjouissons non seulement que le Christ, notre Pâques, soit ressuscité, mais qu’en Lui, nous tous, nous soyons déjà ressuscités, nous appartenions déjà à la Vie éternelle, à la Vie de Dieu. Nous avons ne serait-ce qu’une étincelle de charité en nous, quelque chose que personne ne peut éteindre, quelque chose que personne ne peut nous prendre… Car personne ne peut nous empêcher d’aimer, personne ne peut nous empêcher d’être bon, personne ne peut nous empêcher de nous construire en nous dépouillant de ce que l’Esprit nous aura indiqué…

En sortant de la Liturgie pascale, en vivant notre journée de Pâques dans le monde, dans nos familles, avec nos amis, nos proches, soyons tels que les personnes rencontrées puissent dire en nous voyant vivre : je L’ai vu et j’ai cru !…  

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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