Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« C’EST LE MOMENT, L’HEURE EST VENUE ! »

Lectio divina pour le 1er Dimanche de l’Avent Année A
Is. 2, 1-5 Rm.13, 11-14 Mt. 24, 37-44

En ce premier dimanche de l’Avent. L’Église commence une nouvelle Année liturgique. Qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’est-ce que l’Année liturgique ? Comment vivre utilement ce cycle de dimanches colorés tantôt de violet, tantôt de blanc, tantôt de vert, qui revient tous les douze mois, s’achevant par le Christ-Roi et recommençant avec ce temps de préparation immédiate à Noël ?

 

L’année liturgique est le temps de l’Église

L’année liturgique est le temps de l’Église. C’est le temps que Dieu, dans Sa bonté, donne à l’Église pour que celle-ci poursuive et achève la vie exemplaire et rédemptrice de Jésus son Seigneur ; pour que l’Église poursuive et porte à l’achèvement la Vie du Christ, en aidant par la Liturgie chacun de ses membres à accomplir en lui ce que nous appelons les mystères de Jésus : le mystère de Son abaissement dans l’Incarnation, le mystère de Sa Passion, le mystère de Sa Résurrection, le mystère de la naissance de Son Épouse à la Pentecôte.

Les mystères de Jésus sont les actes qu’Il a posés dans Sa vie humaine, et les intentions intérieures qui ont sous-tendu ces actes, en particulier Son humilité à Noël et Son esprit d’oblation au moment de la Croix. Et le centre de ces mystères, c’est bien entendu le Mystère pascal.

« J’achève dans mon corps ce qui manque à la Passion de Jésus. »

Autrement dit, l’Année liturgique est l’œuvre de l’Esprit Saint, qui comme nous le proclamons dans la quatrième prière eucharistique « achève dans le monde toute sanctification. » Avec ce sens d’achèvement, d’accomplissement, de perfectionnement que Saint Paul emploie lorsqu’il dit : « J’achève dans mon corps ce qui manque à la Passion de Jésus. »

Non pas que la Passion du Christ soit imparfaite. Mais ce que la Tête a vécu, le Corps, par bonté de Dieu, est appelé à le vivre, afin qu’en recevant les grâces qui ont été vécues par la Tête, le Corps puisse bénéficier des mêmes effets ; afin que, vivant avec les mêmes vertus, (les vertus de Jésus : vertu d’humilité, vertu de petitesse, vertu de miséricorde, vertu de pardon, vertu de patience, et toutes les autres de l’Évangile… ) l’Église puisse bénéficier des mêmes effets que ceux dont a bénéficié la Vie du Christ : la Rédemption du monde.

Avec une homogénéité absolument parfaite entre ce qui fut vécu par la Tête et ce qui est vécu par le Corps, au point que l’on peut dire que les mystères de l’Église, les mystères vécus par le Corps du Christ, c’est la Tête qui continue de les vivre, avec le même moteur qui est l’Esprit Saint et le même effet qui est la Rédemption.

Spe salvi !

L’Année liturgique, en somme, est le moyen qui est donné à chacun et chacune d’entre nous, en tant que membres de l’Église, de poursuivre en lui-même durant ce temps qu’est notre vie terrestre, la vie de Jésus, de poursuivre en lui-même le Salut commencé par le Christ sur la Croix, c’est-à-dire de vivre dans l’Église la vie d’enfant de Dieu telle que Jésus l’a vécue en perfection : la vie d’amour, la vie d’oblation, la vie d’offrande, la vie d’obéissance…

Autrement dit, l’Église est l’Arche de Salut comme Jésus nous le rappelle dans l’Évangile : l’arche de Noé n’est qu’une figure bien pâle, pourtant déjà si belle, qui figure et prépare la véritable Arche qui nous sauve du déluge que sont nos passions, nos péchés : l’Église.

C’est d’ailleurs un peu ce thème du premier dimanche de l’Avent, qu’exprime déjà la Collecte dans laquelle nous avons demandé de « nous donner le courage de marcher à la rencontre du Seigneur sur la route de la justice, pour être avec lui au jour du jugement. »

L’Église est la route de l’homme !

Et quelle est la route sur laquelle nous devons nous mettre pour être sûrs de retrouver le Christ ?

C’est, nous dit la Collecte, la route de la justice. Or, c’est bien à l’Église qu’a été donnée la Loi des béatitudes qui résume l’Évangile. C’est bien à l’Église qu’ont été données les paroles sacramentelles de l’Eucharistie, du Baptême, de la Réconciliation, qui rendent juste celui qui s’en approche et qui demande, par cette démarche, d’être conformé à la loi des béatitudes : Je te baptise au nom du Père, du Fils, du Saint Esprit… Je te pardonne tes péchés au nom du Père, du Fils, du Saint Esprit … Prenez et mangez-en tous, ceci est mon corps livré pour vous, ceci est mon sang répandu en rémission pour les péchés…

C’est bien l’Église qui possède cette Loi et ces paroles sanctifiantes ! Et donc si c’est vrai que l’on peut dire que l’homme, suivant une formule très à la mode, est la route de l’Église, en ce sens que l’Église n’a de raison d’être que pour l’homme et son salut, qu’elle n’existe que pour cela, il faut d’abord dire que l’Église est la route de l’homme. C’est dans l’Église que l’homme doit entrer, rester, se perfectionner pour aller à la rencontre de Jésus, pour s’identifier à Jésus, pour vivre de la vie de Jésus, afin que le jour du jugement, il soit comme Jésus : à l’image de Dieu.

« Venez, marchons à la lumière du Seigneur ! »

D’où cette prophétie d’Isaïe que nous avons entendue dans la première lecture : « Venez, marchons à la lumière », la lumière qui est le symbole du Christ, le symbole de la Vérité qui éclaire et qui réchauffe le cœur.

« Venez, montons à la montagne du Seigneur, au temple de Dieu, à Sion… » Autant d’images de l’Église, de la Jérusalem terrestre et de la Jérusalem céleste. Parce que, rajoute le prophète,  « C’est de Sion que sortent la loi et la parole du Seigneur », cette Loi des Béatitudes déjà évoquée, ces paroles sacramentelles qui conforment l’homme, le baptisé, le chrétien à son Seigneur…

D’où aussi l’appel de Saint Paul en ce début d’année liturgique : « C’est le moment, l’heure est venue… » Ce dimanche est un des plus importants de l’année. Nous nous mettons de nouveau le pied à l’étrier ou dans les starting blocks pour partir dans notre course (pour reprendre l’image paulinienne) vers une conformité plus grande à Jésus.

Cette course va être échelonnée par des étapes plus ou moins heureuses, joyeuses comme Noël, souffrantes et douloureuses comme la Passion, nourrissante comme celle du Jeudi Saint, glorieuse comme le jour de Pâques…

« Revêtons-nous pour le combat de la lumière ! »

Nous ne sommes pas là seulement pour nous avancer, aller d’anniversaire en anniversaire, de fête en fête, de sapin de Noël en pain en chocolat et en œuf de Pâques pour passer le temps comme des grands enfants, comme des adultes qui retombent en enfance et qui trouvent là des moyens de combler leur manque spirituel.

Nous sommes sur terre pour être d’autres Christ, pour être d’autres fils de Dieu à l’image du Fils Unique qui a cette immense bonté de nous donner chaque année de notre vie, par l’Année liturgique, les moyens de nous conformer toujours plus profondément, à ce qui est l’essence même de Sa filiation : les vertus évangéliques, les Béatitudes.

Alors réveillons-nous ! Réveillons-nous, cessons d’être marginaux par rapport à la vie de l’Église ! Nous sommes des marginaux bien souvent, trop souvent, quoique baptisés, quoique inscrits dans les registres de la paroisse, mariés même à l’église…

Chers amis, regardons la chaleur de notre cœur, et comparons-la à la chaleur du cœur de l’Église qui est l’Esprit Saint ! Comparons-la à la chaleur du cœur des saints, de ceux qui nous interpellent actuellement dans le monde, qui se dévouent corps et âme pour les pauvres, de ceux qui nous ont précédés, « marqués du signe de la foi », comme nous disons dans le canon de la messe : les saint François, les saint Benoît, les Don Bosco, les Curé d’Ars, les Thérèse, qui avaient un cœur brûlant de charité pour leur prochain, et cela bien sûr, au nom même de l’Amour divin qui les habitait !

« Revêtez le Seigneur Jésus-Christ ! »

Regardez comme notre cœur est tiède ! Ne nous faisons pas d’illusions et réintégrons l’Église, réintégrons l’Arche du Salut, remettons-nous sur la route, puisque nous avons cette année qui nous est proposée, peut-être la dernière, qui sait ?, pour marcher à la rencontre du Seigneur !

Participons à la vie active de l’Église, à cette Année liturgique par laquelle, sacrement après sacrement, confession après Eucharistie, se met en valeur le point sur lequel je ne suis pas suffisamment conforme à l’évangile de Jésus, à mon Maître et modèle, à mon Seigneur et Frère aîné, au Premier-né d’entre les morts, et sur lequel il faut que je travaille : le point de mon corps, de mon intelligence, de mon cœur, de mes sens qui n’est pas vraiment chrétien, les heures de ma vie, de ma journée -et elles sont nombreuses-, à commencer par nous les prêtres, ces heures qui ne sont pas encore des heures de Béatitude, des heures de pauvreté, des heures de soif de justice, des heures de miséricorde, des heures de douceur, des heures de pureté, car nos minutes de vie sont encore bien trop remplies de notre ego, de nos passions, de notre orgueil, de nos besoins comme de nos avarices…

Bonne et sainte nouvelle Année liturgique !

Soyons des membres actifs de l’Église, approchons-nous de Son cœur brûlant qu’est l’Esprit pour devenir un peu plus de véritables enfants de Dieu. C’est la grâce que nous devons nous souhaiter mutuellement.

C’est aujourd’hui en effet qu’entre chrétiens nous nous souhaitons une bonne année. Cela n’a rien à voir avec la bonne année du premier janvier, nous nous en doutons bien !

Nous nous souhaitons une sainte Année liturgique, c’est-à-dire une année de grâce et de sanctification, une belle année de vertus et, forcément, une année de souffrance parce que, lorsque l’on se dépouille soi-même du vieil homme, c’est comme lorsqu’on enlève le pansement d’une blessure : cela fait mal… Il faut que nous apprenions à souffrir un petit peu pour changer de peau, pour revêtir l’homme nouveau, suivant les termes de saint Paul.

Je vous souhaite de tout mon cœur de prêtre une bonne année pleine de désir de sanctification et d’espérance, pleine de courage et pleine de persévérance.

Bonne Année Liturgique !

 

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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