Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« VIVEZ COMME DES FILS DE LA LUMIERE ! »

Lectio divina pour le 4ème Dimanche de Carême Année A
1Sam.16, 1-13 Eph.5, 8-14 Jn.9, 1-41

Sur ce nouveau tronçon commencé dimanche dernier, nous voilà à notre deuxième étape, avec un dimanche tout à fait particulier : le dimanche de la joie. Nous le connaissons, bien sûr, puisque nous le retrouvons chaque année en essayant d’en tirer les significations profondes. Lors de ce dimanche de la joie, tous les signes sensibles qui parlent à notre cœur -fleurs, musique… – nous sont redonnés par l’Église pour pouvoir manifester, stimuler, développer ce mouvement presque inexplicable qui vient du cœur et doit s’exprimer sur le visage et qui s’appelle la joie !

« Vous êtes aveugles… »

Le motif de cette joie est simple. C’est la fenêtre ouverte sur la Résurrection qui nous la fait anticiper. Ce n’est pas encore la résurrection de la vie, que nous analyserons dimanche prochain avec Lazare. Aujourd’hui c’est la résurrection de la vue.

Avec la Samaritaine, nous avons découvert le Christ, source de Vie à travers le symbolisme de l’eau. Aujourd’hui, nous découvrons le Christ Lumière, à travers le symbolisme de cet aveugle à qui Jésus rend la vue.

À travers le miracle physique, Jésus signifie qu’Il rend la vue, c’est-à-dire la vue intérieure, la vue spirituelle à l’humanité !

Cet aveugle n’est pas nommé, ce n’est pas encore quelqu’un de connu de Jésus, un ami comme le sera Lazare. Non, ce n’est pas un ami, c’est juste un inconnu, qui plus est un pauvre. C’est un mendiant. Nous avons vraiment là le signe le plus approprié pour symboliser notre humanité face à la grandeur de Dieu. Jésus ne disait-Il pas aux juifs : « Vous êtes aveugles… » L’humanité est aveugle : nous ne savons ni qui nous sommes, ni d’où nous venons, ni où nous allons, ni même comment vivre, ainsi que le manifestent avec évidence les désordres sociétaux qui nous entourent et nous plongent dans une nouvelle récession humanitaire…

Et le péché des juifs ne sera pas cet aveuglement, (puisque nous sommes tous aveugles et que Jésus est venu pour nous guérir), mais l’endurcissement de leur cœur : « Vous mourrez dans votre péché… » Prenons garde, chacun, de ne pas mourir dans ce péché d’aveuglement…

« C’est la lumière qui donne la bonté, qui produit la beauté. »

Jésus guérit l’aveugle et signifie par là qu’Il rend la vue à l’humanité. Mais quelle est la signification précise de ce miracle ?

L’aveugle voit. Autrement dit, chacun d’entre nous, représenté par cet aveugle, moi par exemple, je vois, je découvre. Ce n’est pas le passage de la nuit au jour, passage par lequel une lumière extérieure me dévoile une réalité. Je ne vois rien dans la nuit, et puis le soleil se levant, je vois quelque chose. Le soleil me découvre une réalité. Tandis que là, comme pour l’aveugle, c’est moi, le sujet qui est changé : je vois, je découvre.

Je découvre un être et sa valeur. Je dévoile, comme lorsqu’on enlève le voile d’une statue qu’on inaugure.

Je donne la valeur : tu es amical, tu es beau, tu es bon, comme dit Paul dans la lecture : « C’est la lumière qui donne la bonté, qui produit la beauté. »

Je donne un nom à la valeur de l’être qui est en face de moi. Plus exactement : j’éclaire par ma lumière, j’illumine par cette lumière intérieure qui est celle de Jésus, j’illumine la valeur de l’être qui est devant moi, valeur qu’il possède en tant qu’il est justement un être créé par Dieu.

J’éclaire, c’est l’illumination : « Vous êtes devenus lumière », nous dit encore Paul. Vous êtes lumière parce qu’à l’intérieur de vous, par la présence de Jésus et de Sa Lumière dans votre âme depuis le baptême, vous éclairez.

« Vous êtes devenus lumière. »

Voilà que Jésus me donne ce pouvoir extraordinaire de valoriser le monde, d’illuminer les réalités qui sont autour de moi, de leur donner leur dignité. Et pour être plus exact, de reconnaître à ces réalités qui m’entourent la dignité qu’elles ont en tant que réalités créées par Dieu, posées dans l’existence par Dieu, avec leurs valeurs vraies, profondes, leur beauté et leur bonté propres ! Quelle merveille Dieu nous fait-Il partager ! Un peu comme s’Il nous faisait participer à Son acte créateur en nous offrant de reconnaître les beautés du fruit de cet acte !

Avec cette lumière intérieure, finalement, j’illumine ma route. J’éclaire toutes ces choses, tous ces êtres, ces évènements, ces personnes qui font ma route, qui font notre route, à chacun et chacune d’entre vous : votre mari, votre femme, vos enfants, vos parents, votre ville, vos amis, vos relations, vos collègues de travail, vos voisins… Tous ces êtres vivants, tous ces êtres créés que nous rencontrons, et qui nous sont utiles, que nous regardons et qui font notre route voilà que nous les voyons, à la lumière de Jésus !

« Il se prosterna »

C’est essentiel pour marcher dans la bonne direction. Cette direction, qu’est-elle ? La même que celle dévoilée dimanche dernier avec la Samaritaine !

Avec elle, Jésus parlait des « adorateurs en esprit et en vérité ». Et aujourd’hui, l’Évangile se conclut sur la même parole : « Il se prosterna » c’est-à-dire il adora.

La fin de ce passage d’Évangile, la fin du miracle, la fin du geste de Jésus qui rend la lumière à l’homme, c’est l’adoration de Dieu.

Pas une adoration idolâtrique, sortant du cœur d’un esclave : « Celui qui m’aime, (celui qui m’adore), ce n’est pas celui qui dit Seigneur, Seigneur… » et qui se prosterne au sens physique du mot. La prosternation que Dieu attend, c’est celle de notre cœur : « Celui qui m’aime, c’est celui qui accomplit mes commandements », celui qui accomplit ce qui me plaît. Revenons encore à Paul : « Sachez reconnaître ce qui plaît au Seigneur » dans votre vie !

Si Jésus m’illumine, si Jésus me donne d’illuminer le monde, c’est pour adorer Son Père, c’est-à-dire savoir accomplir ce qui Lui plaît.

« La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant »

Et qu’est-ce qui plaît à Dieu ?

« La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant… » disait Saint Irénée de Lyon. Ce qui plaît à Dieu, c’est que l’homme vive, et qu’il vive sa vie, comme nous disons dans notre langage moderne.

Je vis ma vie, parfaitement, alors cela plaît à Dieu ? Facile, et pratique… Mais ce n’est pas de cette vie-là que Dieu veut parler.

C’est pourquoi Irénée précise : « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme, c’est Dieu. »

La vie que je dois vivre en tant qu’homme, celle qui fait plaisir à Dieu, qui fait vibrer le Cœur de Dieu, c’est cette vie de lumière, cette vie en tant qu’elle est illuminée par la Lumière que Jésus me donne. Revenons à Paul, une fois de plus : « Vivez en fils de lumière ! »

Vivre la vie qui plaît à Dieu, c’est vivre ma route, pas celle du voisin, la mienne, celle qui m’a été donnée. Mais avec la lumière de Jésus qui me fait voir, découvrir, ma femme, mon mari, mes enfants, mes amis, mes relations, mon travail, mon repos, ma santé, mon corps, à la lumière de Jésus, c’est-à-dire, avec la valeur, le poids, la réalité, la forme que Dieu leur a donné ; avec la valeur qu’ils ont en fonction de Dieu, pour Lui, par rapport à Dieu, et non par rapport à moi !

Ma femme, mon mari, mes enfants, ma ville, mon argent, ma voiture… Non ! La femme que Dieu a donnée à mon cœur, l’enfant que Dieu a donné à mon couple, le père que Dieu m’a donné…

« Vivez comme des fils de la lumière ! »

Tous ces êtres qui ont une valeur en eux-mêmes parce qu’ils sont créés par Dieu, ils sont devant moi comme présence de Dieu, offrande de Dieu, dons de Dieu, quelquefois souffrance de Dieu. Et voilà comment je dois les voir.

Demandons au Seigneur pendant ce Carême, de nous ouvrir les yeux, afin de ne pas mourir dans notre péché : aveugles, possessifs, repliés, incurvés sur nous-mêmes… Mais au contraire avec les yeux ouverts, pour que nous puissions voir ces réalités qui nous entourent et forment notre vie, comme Lui les voit, avec la valeur que Son Amour leur a donné et qu’Il souhaite leur voir porter dans la vie.

Profitons de notre communion, profitons de notre confession de Carême, profitons de notre action de Carême, de notre prière de Carême, pour demander cette grâce à Jésus de nous ouvrir les yeux pour que nous voyions le Seigneur, et avec Lui pour que nous voyions ces réalités, ces personnes, ces êtres avec leurs valeurs à elles, celles que Dieu leur a données dans Son Amour infini pour qu’elles en vivent et qu’elles en tirent leur joie et leur plénitude…

Profitons de nos efforts de Carême pour qu’ensuite nous nous engagions à vivre avec ces êtres, en fonction de cette valeur découverte ou redécouverte. Faisons l’exercice dans notre communauté de vie : couple, famille,… dès aujourd’hui. Ouvrons les yeux sur notre plus proche prochain. Ne le voyons pas par rapport à nous, voyons-le dans la lumière de Dieu. Redécouvrons notre amour, redécouvrons notre tendresse, redécouvrons nos amitiés, et engageons-nous à vivre avec, à vivre pour, à vivre envers ces êtres, tels que nous les aurons redécouverts, à la lumière de Dieu !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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