Lectio divina pour le 3e dimanche de l’Avent

« DILATATO CORDE… » : SE LAISSER DILATER LE CŒUR PAR LA PRESENCE DE DIEU EN NOUS

Le troisième dimanche de l’Avent est le dimanche de la joie. C’est pour cela que la Liturgie s’embellit à nouveau et exceptionnellement de fleurs et demande à l’orgue d’aider les fidèles à élever leur cœur pour qu’ils comprennent la pédagogie de l’Eglise. En effet, pourquoi la joie ? Pourquoi nous faut-il nous établir dans la joie, et comment ?

Là où est ton trésor, là sera ton cœur

A la première question répond la collecte qui ouvrira la Liturgie dominicale. Nous avons demandé à Dieu de diriger notre joie vers la joie d’un si grand mystère pour que nous fêtions le mystère du Salut avec un cœur nouveau, c’est-à-dire un cœur neuf. Nous pourrions dire : avec un cœur qui n’a jamais servi, un cœur qui est comme le cœur d’un enfant, comme le cœur d’un fiancé, qui est toute capacité d’amour parce qu’il n’est pas usé, parce qu’il n’est pas blasé. Bernanos a eu cette phrase terrible mais si vraie : « Il y a des ramollissements de l’esprit; mais il y a pire encore : ce sont les ramollissements du cœur. »
Si nous nous regardions, nous verrions combien notre cœur est usé, combien il est devenu limité dans sa capacité d’amour. Notre cœur est vieux et n’a plus de ressort. Il ne réagit plus parce qu’il est dans la tristesse. Combien de visages tristes rencontrons-nous autour de nous ! Notre cœur vit dans la tristesse parce que nous le nourrissons avec mésintelligence. Nous croyons le nourrir en lui présentant des créatures à aimer : ce n’est pas là ce pour quoi il est fait d’abord. Lorsque le cœur actualise son pouvoir en aimant des créatures finies, il n’est pas satisfait et il est déçu. Il tombe dans la désillusion qui déteint ensuite sur toute notre vie.
Alors que si nous établissions notre cœur dans la joie tout deviendrait aimable. Nous le savons : lorsque notre cœur est réjoui, tout devient aimable dans nos journées. Même le temps gris, même l’incident, même l’imprévu. Tout est transformé. Voilà ce qu’est un cœur pur, un cœur nouveau, un cœur qui transforme le monde en lui donnant une teinte aimable, une couleur de fête. Mais pour établir notre cœur dans la joie qui ensuite déteindra sur nos journées, il faut lui donner ce pour quoi il est fait.

La joie, c’est une Vie dans ma vie

L’Eglise nous propose aujourd’hui de nous apprendre la joie. Elle désire d’abord nous apprendre ce pour quoi notre cœur est fait, ce qui va le rassasier et le combler de cette joie qui nous aidera à voir le monde d’un œil totalement différent. Puis l’Eglise nous apprendra le moyen d’établir notre cœur dans cette joie. Il nous suffit de méditer sur cette lecture du prophète.
Isaïe nous explique, dans une explosion sentimentale, ce qu’il a saisi de la joie. « J’exulte en Dieu, je tressaille en mon Seigneur. » Voilà la première définition qu’Isaïe nous donne de la joie : être avec le Seigneur, être avec son Dieu. Mais cela ne le satisfait pas et il précise que ce n’est pas seulement être avec Dieu mais être un avec Lui, d’une unité d’amour, sponsale : Dieu et mon âme ! Comme le dira d’une autre manière, mais tout aussi amoureuse, François d’Assise : « Mon Dieu et mon tout. » Isaïe dira, dans un autre passage, que l’âme est cette vierge épousée par son Créateur qui vient en elle. C’est pourquoi il décrit son âme comme « revêtue du vêtement du salut, drapée dans le manteau de la justice, parée comme la fiancée qui se pare de ses bijoux. »
La joie essentielle, et donc unique, d’Isaïe est la découverte de cette Présence, de cette conjonction de Dieu dans sa vie, et ce de manière très intime, personnelle et profonde. Si profonde que cette Présence « germera devant les nations » faisant du prophète le héraut « de la bonne nouvelle à annoncer aux pauvres, aux captifs, à ceux qui n’ont pas compris » La joie, c’est une Vie dans ma vie, c’est la dilatation de ma vie par la Vie de Dieu en moi…
Pour le dire autrement, le motif de la joie ce n’est pas d’aimer, c’est d’être aimé par Dieu ! Découverte merveilleuse : Je suis aimé de Dieu… Voilà ce pour quoi est fait mon cœur. Avant même d’aimer, il a été créé pour être aimé de Dieu, pour être empli de cette Présence amoureuse de Dieu qui est signifiée et actualisée par l’Onction de l’Esprit Saint : « Il m’a consacré par l’onction. » Quelle découverte merveilleuse !
Retenons que ce n’est pas d’abord l’amour que nous donnons qui nous pose dans la joie, mais c’est l’Amour infini et inconditionnel de Dieu pour nous, un amour absolu, un amour sans repentance, un amour total et fidèle qui nous offre Sa propre joie !

« Vous êtes le Temple de Dieu et l’Esprit habite en vous »

Nous pouvons alors nous poser la question : Est-ce que moi aussi je suis aimé de Dieu ? Ai-je moi aussi l’Esprit, la présence amoureuse de Dieu en moi ? Ou bien cela est-il l’apanage du seul prophète ?
Nous pouvons répondre : oui. Oui, parce que le Christ s’est appliqué ces paroles du prophète à la synagogue de Nazareth : « Aujourd’hui s’accomplit cette parole. »
Cet aujourd’hui s’accomplit veut dire que c’est Lui par excellence le Consacré par l’Esprit, c’est Lui dans lequel l’union de la divinité avec l’hunamité est la plus forte par l’union de la nature divine à l’humanité de Jésus dans deuxième personne de la Trinité.
C’est Lui l’Amoureux. C’est aussi Lui l’Époux, en même temps qu’Il est, dans un certain sens, l’Épousée : Le Christ n’est-il pas la Tête de l’Église ? Ce n’est pas l’apanage d’Isaïe d’être consacré par l’Esprit. Et en Jésus, c’est la Personne du Fils de Dieu fait homme qui est consacrée, pour que, justement, tous les hommes à Sa suite et en Lui soient consacrés par l’Esprit, c’est-à-dire soient le vase dans lequel Dieu-Amour se complait à habiter pour nous transfuser Sa joie.
Non seulement il est possible d’avoir l’Esprit, mais nous L’avons déjà comme nous le rappelle Paul dans la seconde lecture : « Soyez dans la joie, soyez dans l’action de grâce, n’éteignez pas l’Esprit qui est en vous. » Parce que nous avons revêtu le Christ par notre baptême. Parce que Son Esprit est venu en nous, porteur de l’Amour de Dieu : « L’amour de Dieu a été diffusé dans nos cœurs par l’Esprit qui nous a été donné » lors de notre baptême. Au même titre qu’Isaïe. Mais surtout au même titre que Jésus, avec la même force.

« N’éteignez pas l’Esprit… »

Nous n’avons donc aucun motif d’être tristes. Si nous le sommes, c’est que nous n’avons pas conscience de ce que nous sommes. Nous n’avons pas conscience de ce qu’Il est Lui : « Au milieu de vous se tient celui qui va venir et vous ne le connaissez pas. » C’est vrai, après vingt, trente, quarante ans de vie baptismale, nous ne connaissons pas encore Celui qui est venu, nous ne connaissons pas l’Oint par l’Esprit qui nous offre de participer à cette même consécration ! Nous ne connaissons pas notre bonheur car nous ignorons cette Présence de l’Esprit en nous, ou du moins, nous vivons trop souvent comme si elle n’existait pas ! En fait, nous éteignons l’Esprit en ne Le regardant pas amoureusement en notre cœur.
Ce dimanche est là pour nous faire réfléchir sur le mystère du Salut qui va venir à Noël, mystère de notre divinisation, par l’apparition dans l’humanité de l’Esprit qui réside dans l’Église pour être donné à chacun à travers la vie sacramentelle… C’est par cette contemplation de ce que Jésus est venu nous donner que nous pourrons renaître profondément à la seule et véritable joie qui est la joie du Christ partagée avec Son Père et offerte à chacun par leur Esprit commun.

Mgr Jean-Marie LE GALL, Aumônier catholique H.I.A Percy, Clamart
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