Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« LA VIE ETERNELLE EST LA FIDELITE DE DIEU ET DES HOMMES EN JESUS ! »

Lectio divina pour le 32ème Dimanche Ordinaire Année C
2M.7, 1-14 2Thess. 2, 16- 3, 5 Lc. 20, 27-38

Nous avons droit, pour ce 32ème dimanche, à des lectures quelque peu barbares et fastidieuses, que ce soit les 7 frères qui se laissent trucider pour ne pas manger de porc ou cette veuve 7 fois mariée… Et pourtant, en y réfléchissant bien, ces textes nous éclairent sur deux réalités essentielles de la vie chrétienne que sont la Vie éternelle et la fidélité.

« …Tous vivent pour Lui. »

Commençons par la dernière, la Vie éternelle. Qu’est-ce que la Vie éternelle ?

La réponse nous est donnée par Jésus dans l’évangile : « Le Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob n’est pas le Dieu des morts mais des vivants ; tous vivent pour Lui. »

Nous nous situons donc dans la perspective de l’Au-delà. En effet Jésus nous parle de ceux qui sont considérés comme morts, ceux qui dans la tradition juive habitent le shéol. Or Jésus nous précise que ces âmes qui sont parties ne sont pas mortes mais vivantes !

Et de quelle vie vivent-elles ?

Jésus nous explique que la Vie éternelle n’est pas tant un lieu (le shéol) qu’un état. Cet état est celui où « Tous vivent pour Lui. » Première particularité de l’Au-delà donc : il n’y a pas de brebis perdue, malade ou boiteuse. Tousceux qui participent à la Vie éternelle vivent et vivent pleinement.

Ils vivent pour Dieu, pour Yahvé. Dans cette Vie éternelle, la fin, le but est unique. Alors que sur notre terre, la vie se partage entre plusieurs finalités : famille, profession, santé, enfants…, la Vie éternelle, au contraire, se caractérise par l’unicité de sa fin, de son objet, de sa direction qui est Dieu.

« In vita motu ! »

A partir de cette remarque de Jésus, nous pouvons lutter contre cette perception si fréquente que les hommes ont de la Vie éternelle : celle de l’ennui et de la peur. Que ferons-nous au Ciel ? pense-t-on ? Quelle lassitude, quel ennui nous sont promis Là-haut ! Et donc quelle peur est la nôtre de quitter une vie changeante et si mouvante pour aller se fixer définitivement, comme immobile, en compagnie de Dieu !

Eh bien justement, la Vie éternelle n’est pas une vie d’ennui parce que c’est la Vie ! Et : « In vita motu » disent les philosophes : « Dans la vie, le changement » !

Bien sûr, ce n’est pas le changement vécu dans notre vie terrestre : il n’est pas visible, il n’est pas physique. Cependant, la Vie éternelle est activité. La Vie éternelle, disaient les Pères, c’est l’activité de Dieu. La Vie éternelle, c’est le dynamisme, c’est le mouvement. C’est donc tout le contraire de l’immobilisme, du fixisme, de l’ennui.

« Et la vie était la lumière des hommes… »

Et puis, la Vie éternelle ne peut être ennuyeuse pour une deuxième raison.

Parce que sa fin qui est unique, c’est la contemplation de Dieu qui est infini. Elle oriente donc tout notre être. Ici-bas, l’ennui arrive lorsque, la découverte faite d’une réalité, nous avons fait le tour de la question. Nous n’avons plus rien à découvrir de telle réalité, de telle structure, voire même de telle personne que nous pensons connaître parfaitement car nous anticipons ses réactions !

Mais dans la Vie éternelle, ce n’est pas possible parce que l’objet de cette Vie étant Dieu -qui est infiniment grand- Il emplit toute notre intelligence et toute notre volonté qui n’arrêtent pas de Le découvrir, de Le connaître et surtout de L’aimer !!! Et donc sans lassitude aucune.

Dieu est une Source qui désaltère parfaitement sans jamais rassasier. Dans la Vie éternelle Dieu capte toutes mes activités : je frémis, je pense, j’aime et me donne… Et ces activités sont saisies totalement ; elles sont immergées dans l’Océan divin qui les remplit et les entoure…

Mais ce n’est pas moi qui Le possède. Malgré le temps qui m’est donné, malgré cette éternité qui est devant moi pour Le découvrir et Le pénétrer, ce n’est pas moi mais c’est bien Lui qui me possède ! Ainsi peut se définir la vision béatifique : le face à Face avec Dieu, communion de l’âme avec Celui qui l’engloutit…

Rassurons-nous donc et n’ayons pas peur de l’Au-delà : on ne peut s’y ennuyer !

« Le Seigneur est fidèle. »

La deuxième réalité dont nous avons dit qu’elle était soulignée par les lectures de ce dimanche, c’est la fidélité. Voilà une vertu qui doit être bien mal comprise pour être si mal vécue dans notre quotidien familial ou social !

Qu’est-ce que la fidélité ?

Saint Paul nous avertit immédiatement : « Le Seigneur est fidèle. » Autrement dit Dieu seul est fidèle, totalement. La fidélité, c’est Dieu. Comme la charité, l’agapè.

Si nous découvrons donc quelque fidélité dans notre âme, nous devons l’attribuer à Dieu qui nous la donne. C’est le Seigneur qui est source de notre foi, de notre constance dans la foi, de notre fidélité puisque la fidélité c’est la foi étendue dans le temps. Je me fiance : je donne ma foi ; et ces fiançailles se prolongent dans le temps à travers le sacrement de mariage : c’est la fidélité.

La fidélité n’est pas une vertu au rabais, une vertu accessoire à l’union d’amour ou d’amitié !

Comment le Seigneur nous fait-II être fidèles ? De deux manières.

D’abord par Son exemple. Lorsque nous regardons Jésus avec honnêteté, nous prenons conscience de la foi que Dieu a en l’homme, de cette confiance qu’II lui fait depuis la Création d’Adam jusqu’à la fin des temps, en passant par le Christ.

En passant aussi par cette merveilleuse rencontre qui se multiplie sur les points du globe, à chaque instant et qui est le sacrement de la Réconciliation. Là, le Christ fait sans cesse confiance à mon repentir après avoir accepté ma trahison ! Il m’embrasse comme le Père embrasse Son fils prodigue revenant à la maison.

Oui, Dieu est fidèle, je L’ai rencontré ! L’existence de Dieu, c’est vraiment Sa fidélité.

« Serviteur bon et fidèle, entre dans la joie de ton Maître ! »

Alors, j’ai naturellement le désir de répondre à cette fidélité de Dieu.

Et j’ai hâte d’y répondre comme il me plaît de répondre à la fidélité d’un ami. Combien de fois avons-nous renoué une relation amicale après des années d’éloignement, uniquement parce que cet ami, lui, était fidèle ! Combien d’entre nous ont-ils renoué avec Dieu après tant de temps de tiédeur, uniquement parce qu’ils ont découvert à un moment de leur vie qu’ « II était le Dieu fidèle » ?

Bien entendu, notre foi en Dieu, notre fidélité à sa Parole, nous la reprenons souvent, lorsque nous trahissons l’Évangile. Mais nous la réaffirmons tout de suite lorsque nous disons notre acte de contrition, lorsqu’à la Messe nous célébrons le rite pénitentiel, et, de manière plus profonde encore lorsque nous rencontrons la Miséricorde du Fidèle au sacrement de la Réconciliation.

La deuxième manière que le Seigneur a de me faire participer à Sa fidélité ne regarde plus l’exemple -le Christ cause exemplaire de nos vertus- mais la force même de Jésus qui me donne Sa fidélité. Par l’Eucharistie, par exemple, avec laquelle je reçois Son humanité, Ses vertus, Sa divinité… C’est le Christ cause efficiente de mon salut.

« Ce n’est pas moi qui vis mais le Christ qui vit en moi. »

Nous pouvons répondre alors aux mauvaises conceptions de la fidélité.

D’abord, la fidélité ne vient pas de moi puisqu’elle vient du Seigneur. Elle ne vient donc pas non plus de vous, les époux : « Je lui suis fidèle… » Certes, c’est ma personne qui est fidèle à mon conjoint. Mais c’est plutôt le Seigneur en moi, dans la mesure où je le Lui demande : « Ce n’est pas moi qui vis mais le Christ qui vit en moi. »

Lorsque donc nous ne comprenons pas, pourquoi l’infidélité s’installe dans les couples, (ne parlons même que de l’infidélité intérieure, spirituelle) posons-nous la question : quelle est la place, dans ce couple, de Celui-là qui seul est fidèle et qui peut, seul, vous entretenir dans une fidélité vraie ?

Deuxièmement, pour justifier nos écarts d’infidélité nous disons régulièrement : la fidélité doit être intelligente ! J’ai tout de même le droit de choisir mon lieu de fidélité ! Et donc telle ou telle part de ma vie ne regarde que moi.

C’est ce que nous osons appeler notre ‘jardin secret’, travestissant cette si belle notion mystique d’« hortus conclusus » qui signifie la part intime de moi-même en laquelle Dieu se trouve et en laquelle je me rends pour Le rencontrer et L’aimer ! Notre soi-disant jardin secret lui, est tellement en friche au contraire, qu’il nous serait impossible d’y voir Dieu !

« Celui qui est fidèle dans les petites choses, l’est aussi dans les grandes » !

Cette conception de la fidélité ‘à la carte’ est fausse. Regardons notre 1ère lecture : c’est uniquement pour ne pas manger de porc (!) que ces jeunes juifs acceptent la mort ! Quel gâchis, pourrions-nous penser, pour respecter une loi disciplinaire si secondaire ! Et pourtant, l’Évangile nous le dira : « Celui qui est fidèle dans les petites choses, l’est aussi dans les grandes » !

Cher mari, chère épouse, cher enfant es-tu fidèle d’abord dans les petites choses ? Comment voudrais-tu l’être alors dans les grandes si tu ne l’es pas dans les petites ? Si tu choisis toi-même tes lieux de fidélité, ne t’étonne pas, un jour de ne plus rien trouver comme matière à fidélité…

Alors la fidélité doit-elle être aveugle ? Pas du tout. Ne nous moquons point en caricaturant, comme fait le monde avec l’Évangile !

Regardons encore la 1ère lecture : « Il vaut mieux mourir quand nous attendons la résurrection et la vie éternelle. » C’est sûr que si nous n’attendons rien dans l’Au-delà, notre foi est vaine, nous sommes les plus malheureux des hommes écrivait Paul. Comme s’écriait un des frères Karamazov : « Si Dieu n’existe pas, tout est permis ! » Mais si nous attendons la Vie, alors cela ne vaut-il pas la peine d’être fidèles ?

La Vie éternelle, c’est la fidélité réciproque entre Dieu et les hommes…

La fidélité étant la foi prolongée dans le temps, la fidélité a les mêmes propriétés que la foi. C’est dire qu’elle est raisonnable. C’est raisonnable de croire, mais c’est un acte supra-rationnel. Il est aussi raisonnable d’être fidèle bien que cela soit aussi inexplicable de pouvoir rester fidèle jusqu’à la mort. La fidélité ne se prouve pas. Elle vient du cœur illuminé d’une lumière qui vient d’ailleurs…

Pour conclure, regardons le lien qui existe entre fidélité et Vie éternelle. Ces deux réalités viennent de Dieu. Elles s’originent en Lui. Elles sont aussi toutes deux orientées sur Lui. Enfin, elles regardent l’une et l’autre le salut de l’homme.

On pourrait dire que la Vie éternelle, c’est la prolongation de la fidélité réciproque entre la Terre et le Ciel, par Jésus-Christ et en Jésus-Christ.

 

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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