Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
« Ne crains pas, Je Suis avec toi… »
Lectio divina pour le 32ème Dimanche ordinaire, le 12 novembre 2017
Nous nous approchons à grands pas de notre fin d’Année Liturgique qui se conclura avec la fête du Christ-Roi et qui sera pour nous l’occasion de jouer, par le théâtre de la liturgie, notre rencontre définitive avec le Christ, c’est-à-dire de faire une répétition générale de ce Moment et d’en retirer la grâce de lumière pour nous préparer à cette rencontre afin de la vivre en plénitude.
« N’ayez pas peur ! »
C’est pour cette raison que dans les derniers dimanches de l’année, dont celui-ci, l’Eglise nous prépare à ce grand théâtre liturgique du Christ-Roi.
L’Eglise a choisi cette parabole où Jésus se sert de la coutume juive (et plus particulièrement galiléenne) des noces. Imaginons des noces bien paysannes, comme il y en avait chez nous, des noces qui duraient plusieurs jours avec des repas, des rencontres amicales, de la danse et de la musique, et qui se terminaient par la rencontre de l’épouse et de l’époux. L’épouse partait à la rencontre de son mari accompagnée de ses amies, et l’époux partait à la rencontre de sa femme.
Dans cette parabole, les amies représentent la fiancée dont on ne parle pas. Ces amies sont des vierges pures c’est-à-dire qu’elles sont détachées du monde et de ses biens. Elles partent à la rencontre de l’époux avec la lampe dans la nuit afin de signifier à l’époux l’endroit où sa femme se trouve. Cette lampe signifie la lumière de notre foi qui brûle dans l’obscurité de l’inconnaissance de Dieu puisque nous ne Le voyons pas encore face-à-face. Ces dix âmes consacrées sont apparemment toutes prêtes pour participer pleinement à la rencontre de l’épouse avec l’époux.
Cette ultime démarche des noces symbolise pour nous l’agapè, l’amour manifesté, pour reprendre la traduction exacte du mot grec, l’amour qui va se consommer et se consumer, s’accomplir entre l’époux et l’épouse, c’est à dire entre le Christ et notre âme.
Ce grand passage de la Rencontre définitive n’est donc pas à craindre puisqu’il est signifié par cette consommation de l’amour nuptial dans l’intimité de deux flammes.
« L’Esprit de Vérité vous guidera vers la Vérité tout entière… »
Et pourtant, pourtant l’évangile se termine de manière quelque peu cruelle.
Parce qu’il y a quand même parmi ces dix vierges, celles que l’évangile appelle les insensées et celles qui sont sages (et non pas « prévoyantes » comme la traduction actuelle malheureusement le propose.) Les insensées manquent d’huile. Or, dans la tradition biblique, l’huile symbolise la présence de l’Esprit-Saint, Sa Force, Sa bonne Odeur (l’onction du roi, l’onction du prophète, l’onction du grand prêtre se faisaient par l’huile…)
Les deux mots sages et insensées sont donc à prendre dans leur acception la plus littérale et concrète : celles qui sont dans le bon sens et celles qui ne le sont pas. Pour reprendre l’Ecriture, la vierge insensée est celle qui n’a pas de sens : ne possédant pas la Sagesse, elle ne connaît pas le sens des choses et des personnes. Ne pas posséder la Sagesse, c’est dire qu’elle ne possède pas l’Esprit de Sagesse, le don de Sagesse, qui est le plus grand des dons de l’Esprit-Saint, le don qui Le résume en quelque sorte. Les vierges sages, au contraire, sont des âmes qui possèdent la Sagesse, c’est-à-dire qui sont unies de manière habituelle à l’Esprit Saint.
« L’Esprit Saint vous enseignera tout… »
Que fait donc l’Esprit-Saint dans ces âmes sages ? Quelle est Son œuvre ? Tout simplement, Il permet aux âmes de discerner le Christ et de L’aimer, puisqu’Il est l’Esprit de Vérité qui relie le Père et le Fils dans la Charité. Il permet aux hommes d’aimer le Fils, et donc de L’attendre avec désir, parce que lorsque l’on aime quelqu’un, on l’attend… Il permet ensuite de discerner Sa présence auprès de nous, Lui qui a affirmé être avec nous jusqu’à la fin du monde.
Il permet aux hommes de L’attendre pour la rencontre définitive qui se fera lors de notre pâque nous mettant face à face avec Lui en nous préparant par les rencontres multiples que les évènements de la vie, lus à la lumière de l’Esprit, nous offrent d’avoir avec Lui.
Dieu ne nous prend pas en traître. Il nous prévient par Son enseignement, Il nous forme : c’est le Pédagogue. Il nous éduque par Sa Parole, Il nous prépare par Ses sacrements, Il nous façonne par toute notre vie même !
Attendre le Christ, c’est être désireux de Le rencontrer dans tous les évènements qui forment la trame de notre vie quotidienne, grâce à l’Esprit qui nous y dévoile Sa Présence de grâce. Si ces évènements généralement nous surprennent et nous déstabilisent, c’est que nous n’y voyons pas la présence de Jésus venant à notre rencontre pour nous prendre avec Lui dans la dynamique de notre vie…
Ces évènements sont le plus souvent banals : les épreuves, la maladie, les joies, les échecs et les succès, les rencontres… Certains sont plus forts : la vocation, le choix fondamental d’une vie, la préparation à la mort. Mais ils contribuent tous à la construction de notre personne avec son intelligence, son cœur, son corps… Et l’âme remplie de l’Esprit-Saint perçoit ces communions avec le Christ, rendues possibles dans le flux même de ces évènements qui se transforment ainsi en avènements de Jésus.
« Il reprendra ce qui vient de Moi pour vous le faire connaître… »
Voilà ce qu’est la véritable foi, la foi brûlante, la foi qui ne s’éteint pas, comme la lumière qui ne s’éteint pas dans la lampe des vierges sages. Ce n’est pas seulement croire en Dieu : le Diable aussi croit en l’existence de Dieu, le Diable aussi croit dans le Fils présent en Jésus.
La véritable foi est d’arriver à voir la présence de Jésus venant à notre rencontre dans tous les évènements de la vie, de ce qu’Il nous offre de recevoir de Sa grâce pour vivre l’événement en Lui, avec Lui, comme Lui…
Car voir Jésus présent dans notre vie, c’est bien cela : ce n’est pas une rencontre physique d’extériorité comme lorsque nous rencontrons un voisin dans la rue. C’est une rencontre profonde qui se réalise par la communion aux même valeurs.
D’où la nécessité pour nous d’être vigilants, d’être toujours reliés à l’Esprit-Saint, d’avoir de l’huile dans notre lampe. Parce que nous ne savons pas, comme dit le Christ, à quel moment Il viendra, non seulement, dans la dernière rencontre, mais dans ces évènements du quotidien. Ces évènements nous surprennent et nous révoltent si nous ne veillons pas afin de comprendre ce que Jésus veut nous offrir de Ses vertus pour partager le vécu de cet événement avec Lui, pour en faire avec Lui un moment de notre histoire du Salut.
Il nous faut toujours avoir de l’huile dans notre lampe, toujours être prêt à ces rencontres qui, encore une fois, nous préparent à la rencontre définitive avec le Christ.
« Vous êtes aveugles et vous mourrez dans votre péché… »
Lorsque nous sommes pris au dépourvu, n’avons-nous pas remarqué que nous nous tournons aussitôt vers les autres pour réclamer de l’huile, réclamer le sens du mystère, réclamer l’explication ? Nous nous tournons vers la science, vers la médecine, vers des amis, vers des proches… Et lorsque nous sommes sans réponse satisfaisante – ce qui est généralement le cas, car qui peut expliquer la souffrance – nous nous révoltons. Nous blasphémons car nous avons besoin de quelque chose pour pallier notre manque d’huile sainte qui nous fait être démunis devant l’évènement.
C’est ce qu’exprime la fin de cette parabole décrivant les vierges sages qui ne partagent pas leur huile. Ce n’est pas de l’égoïsme. C’est parce que l’huile, l’Esprit-Saint qui est en moi et qui me fait discerner Jésus, est totalement personnel. Je dois prier pour que mon prochain entre dans cette posture, mais je ne peux lui donner la mienne.
Comme disait Blaise Pascal : « Je meurs seul » ; mais je vis aussi seul. Même si nous sommes d’Eglise. Nous pouvons bien sûr nous aider de l’exemple des anciens, des amis, d’une communauté, d’un parent, d’un proche, d’un saint. Nous pouvons élever notre regard sur le modèle que l’on nous présente, mais pour qu’il soit nôtre, il faut que nous fixions en nous par un acte personnel, ces vertus contemplées. Il nous faut les désirer…
Il ne suffit pas de contempler la petite Thérèse ou le Curé d’Ars pour devenir Thérèse ou Jean-Marie Vianney. Il faut que dans un acte personnel, nous acceptions de fixer en nous les vertus de Thérèse et les vertus de Jean-Marie. Il faut donc que nous fassions un choix libre, conscient et volontaire.
« Dans la Vérité de l’Amour… »
Nous sommes suffisamment enseignés, aimés, choyés dans nos rencontres de Réconciliation, dans nos rencontres eucharistiques, dans ce dialogue intime que nous faisons avec Jésus lorsque nous avouons nos fautes, et dans ce rapport d’amour intime que nous avons avec Lui lorsque nous recevons la Communion pour savoir que la Vie, ce n’est qu’avec Lui que nous pouvons la construire dans la logique de la plénitude que donne l’Amour… Car Lui seul nous donne avec tendresse tous les éléments pour construire notre existence dans la Vérité de l’Amour, tout au long des évènements qui forment la permanence de cette vie…
Nous pouvons demander dans cette Eucharistie du 32ème Dimanche, et particulièrement, par la prière sur les offrandes que je vous suggère de méditer, d’entrer dans le cœur du mystère de Jésus qui est cette communion parfaite avec le Père par l’Esprit Saint, de Sa naissance à Sa mort. Ainsi nous serons, nous aussi, dans le désir permanent de communier avec le Père dans Son Agapè qu’Il nous prodigue en nous donnant Son Esprit… Et nous découvrirons alors que cette rencontre de communion, elle se vit seconde après seconde, nous donnant de vivre dans la Joie parfaite…
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart
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