LA SAINTETÉ, C’EST L’AMOUR-DIEU QUI DIFFUSE EN NOTRE CŒUR L’AMOUR DE DIEU…

Lectio divina pour la Solennité de la Toussaint

Apoc. 7, 2…14 1Jn. 3, 1-3 Mt. 5, 1-12

Avant l’arrivée des froidures hivernales, lorsque la nature se meurt de manière provisoire, l’Église propose à notre contemplation le définitif au-delà de la mort. C’est dire la finesse de notre Mère « experte en humanité » qui, sans évacuer les réalités du monde créé par Dieu, sait mettre à profit les interactions saisonnières entre le cosmos et l’homme pour nous amener à découvrir le sens profond des réalités visibles : leur sacramentalité de l’Invisible ! Il n’est donc pas étonnant que, profitant de la crainte de l’homme à mourir un peu avec le soleil déclinant, l’Église lui révèle la Lumière sans fin à laquelle il est destiné s’il sait bien partir, accomplir sa pâque, son passage…

« Criez de joie pour le Seigneur hommes justes… » !

Il n’est pas surprenant non plus qu’à la révélation de la Lumière éternelle qui baignera toutes réalités sauvées réponde la joie spirituelle de l’introït de la messe grégorienne : « Criez de joie pour le Seigneur hommes justes, hommes droits, à vous la louange ! Car nous célébrons aujourd’hui la fête de tous les saints ! »

Nous avons là, avec le Psaume 32, une définition complète de ce qu’est la sainteté -la droiture et la justice-, de ce qu’elle produit -la joie-, de son milieu de vie : la Lumière…

Ce faisant, le psalmiste reprend un leitmotiv de la Parole dans laquelle Yahvé serine à l’homme qu’il lui faut simplement aimer la miséricorde, pratiquer le droit et marcher selon la justice. Aussi pouvons-nous dire que la sainteté c’est marcher humblement en présence du Dieu Juste et Droit.

Les Béatitudes, c’est le Code civil du Seigneur

Chacun de nous est donc appelé à exercer ces deux vertus dans l’éclairage de l’évangile qui illumine la raison. La grâce qu’il nous faut demander dans la Collecte, c’est savoir voir et penser, parler et agir selon la Justice de Dieu qui est au-dessus de celle des hommes car elle est radicalement orientée par la Miséricorde qui « se moque du jugement » (Jc.2, 13).

La Justice de Dieu c’est la vertu qui fait respecter le droit divin. Et ce droit, nous en avons un concentré dans l’énoncé des Béatitudes. Les Béatitudes, c’est le Code civil du Seigneur. C’est Sa loi. Elle est nouvelle non en son origine ni en sa finalité qui reste Dieu.

Elle est nouvelle car l’Esprit qui, en Dieu, personnifie cette Loi, nous est donné pour que nous y soyons con-formés. La nouveauté, annoncée par les prophètes, est ce don de l’Esprit pour qu’Il soit en notre chair adamique la réalisation achevée de cette Loi selon le projet du Père.

L’Amour-Dieu diffuse l’amour de Dieu…

La loi nouvelle, c’est donc l’Esprit, c’est l’Amour-Dieu. Cet Amour, qui fait la vie intime de Dieu, nous est donné par le Père à la demande du Fils pour que chacun de nous puisse vivre selon le même principe divin, selon l’Amour.

Saint Paul explique merveilleusement aux Romains (ch.5 à 8) comment par ce don, « l’homme devient esclave de la Justice. » L’Amour-Dieu diffuse l’amour de Dieu. Il est déposé dans notre cœur pour que celui-ci soit recréé, réformé et puisse parfaitement vivre de la Loi nouvelle, c’est à dire de l’Amour.

C’est pour cela que Jésus est venu, est mort et ressuscité : « Pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux. » (Jn 17, 26). Cette venue de l’Agneau dans le sang, chacun doit la vivre en son cœur. Chacun doit accueillir l’Agneau et laver la robe de son humanité dans Son Sang purificateur. Le sang est le signe et l’expression de l’amour. En nous versant Son Saint Sang, l’Agneau donne à l’humanité Son Esprit d’Amour : « Et inclinant la tête, il remit l’Esprit. »

« Soyez parfaits comme votre Père est parfait. »

Il y a ainsi un véritable renouvellement de la position de l’homme à la loi. La loi ne lui est plus extérieure et imposée du dehors et de telle manière qu’elle constate sa faute sans pouvoir lui donner la force de s’approprier le commandement.

Au contraire, avec la loi nouvelle de l’Esprit et qu’est l’Esprit, la loi est déposée en nos cœurs pour que nous puissions, en pleine liberté, marcher et vivre selon elle. C’est la réalisation de la sublime prophétie d’Ezéchiel : « Je mettrai en vous mon propre Esprit, je vous ferai marcher selon mes lois… » (36, 26).

En un mot, c’est le passage de la lettre à l’Esprit. Ou de l’obligation morale de l’Ancien Testament : « Soyez parfaits parce que votre Père est parfait », à la mystique d’amour du Nouveau Testament : « Soyez parfaits comme votre Père est parfait. »

« Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse… »

La première béatitude, celle des pauvres en esprit, est au présent, comme pour souligner que nous sommes effectivement, de par notre baptême, en état de béatitude. Oui, nous sommes bienheureux puisque nous possédons les arrhes de l’Esprit !

C’est pourquoi Jean écrit qu’enfants de Dieu, nous le sommes. Nous ne sommes pas de Sa chair, comme les humains qui s’engendrent corporellement, mais nous sommes de Son Esprit car Dieu est Esprit.

Et nous pouvons nous réjouir dès à présent de la joie qui est promise à ceux qui habiteront cette loi divine de vie. C’est pourquoi la dernière des béatitudes s’adresse à nous au présent également pour nous promettre un futur de gloire « qui n’apparaît pas clairement », précise Jean.

Mais ce qui est sûr, c’est la récompense promise : « Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux ! » En effet, participant alors parfaitement de Son Esprit, « nous Le verrons tel qu’Il est, nous serons semblables à Lui. »

Voilà de quoi vivent les saints dans l’Au-Delà définitif. Voilà leur joie que nous célébrons avec eux. Voilà ce qui attend chacun de nous, s’il daigne seulement vivre en enfant du Père !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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