Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« IL A AIMÉ L’EGLISE, IL S’EST LIVRÉ POUR ELLE ! »

Lectio divina pour le 27ème Dimanche Ordinaire

Gn.2, 18-24 Hb.2, 9-11 Mc. 10, 2-16

N’oublions jamais que la Liturgie eucharistique est là pour nous enseigner la Parole, nous conduire au Père par le Fils et nous sanctifier dans l’Esprit dont cette même Parole est « le glaive » (selon l’expression très parlante de Paul) et dont l’Eucharistie, plénitude de cette Parole incarnée par l’Esprit en Jésus, est la nourriture qui nous donne cette même plénitude pneumatique pour incarner à notre tour la Parole !

 Aussi est-il absolument nécessaire de nous attacher à l’enseignement de la Parole (1ère partie de la messe) pour rendre fructueuse notre approche du Sacrifice (2ème partie de la messe). Comment pourrions-nous porter du fruit si nous ne savons même pas de quel fruit il s’agit ?

« Dieu m’a aimé le premier » !

Je commencerai notre nutrition de la Parole de Dieu, par une petite mise en bouche extraite de la Collecte, prière initiale de la Liturgie qui donne la clé de compréhension des textes sacrés selon la volonté pédagogique que l’Eglise déploie tout au long de l’année Liturgique.

Or dans la Collecte de ce 27ème Dimanche Ordinaire, nous avons prié Dieu de « délivrer par sa miséricorde notre conscience de ce qui l’inquiète. » C’est donc l’occasion de souligner que la foi en l’Amour que Dieu porte à l’âme est la seule voie ouverte pour marcher sa vie dans la paix.

« Dieu m’a aimé le premier » ! Lorsque je fais mienne cette révélation de saint Jean, mon âme est définitivement libérée de toutes les inquiétudes que provoquent la vie et ses devoirs, ses charges, ses incertitudes, ses combats, ses peines dans le travail comme dans la relation affective…

« Marche tranquillement dans la paix avec ton Dieu

Dès que j’accepte cette illumination je chasse aussi, et en même temps, mes mauvaises croyances infantiles : je suis le meilleur ou je suis un minable, l’indispensable ou le tout-puissant, je dois être parfait, je suis le centre…

« Marche tranquillement dans la paix avec ton Dieu » est la recommandation simple que le Seigneur adresse à ceux qui veulent s’inscrire dans une relation de confiance filiale envers Lui. Souvenons-nous seulement du Psaume 22 : « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien… Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi, ton bâton me guide et me rassure. »

« Celui qui me suit aura la lumière de la vie… »

Au contraire, à cette lumière, qui n’est autre que celle que Jésus a manifestée en Sa Personne, je comprends :

-qu’avant tout cela « je suis », au même titre que Dieu dont je participe à l’existence,

-que ce « je suis » est image de Dieu, (flétrie, froissée, voire déchirée mais inamissible),

-que cette image inscrite au fond de mon cœur ne peut être violée, même par Satan,

-que cette image, Dieu se plaît à la regarder à travers Son Fils,

-que ce regard d’amour est un appel à la communion parfaite entre Lui et moi,

-communion identique à celle vécue avec Son Fils aîné…

Et je vois que Dieu a tout mis en œuvre, à commencer par ma propre personne : le monde, le Fils, Sa Mère, l’Église, pour que je devienne « saint et immaculé en Sa présence, dans l’Amour… » comme l’écrivait Paul aux Ephésiens.

Je saisis, toujours avec Paul, que « cet Amour surpasse tout ce qu’on peut connaître » et qu’en Lui, l’Esprit, Il donne au-delà de ce que nous pouvons demander ou imaginer. Alors ma personne devient « capable de tout en Celui qui la fortifie. »

Se déplisser pour capter la Lumière de la Tendresse divine qui fait vivre

Pour atteindre à cette confiance envers l’Amour paternel de Dieu qui nous a posés dans l’existence, nous devons mettre à plat tout ce qui en nous est plissé depuis l’origine de notre vie, nous empêchant de recevoir la lumière de Son Amour et d’exister dans cette confiance filiale en Celui qui nous a appelés à la Vie. Car c’est bien pour cela que Dieu nous a donné la vie : pour choisir de vivre de la Sienne, ainsi qu’Il l’implore dans le Deutéronome : « Choisis la vie » !

En particulier, nous avons à quitter le mauvais regard sur nous-mêmes, nous croyant généralement plus coupables, mais moins responsables, que nous le sommes en vérité. Passer de la culpabilité à la responsabilité… Sans liberté il ne peut y avoir d’amour vrai, c’est pourquoi Dieu nous demande cet accueil de la liberté pour entrer dans une relation d’amour adulte avec Lui, même si cette relation est caractérisée par la notion d’enfance.

Mais notion d’enfance ne veut pas dire infantile, ni donc irresponsable. Elle veut dire confiance, petitesse, humilité. « Comme un petit enfant contre sa mère, telle est mon âme en moi » dit le Psaume 130.

« Il n’est pas bon que l’homme soit seul. »

Regardons maintenant les lectures et réfléchissons sur la relation entre mariage et sacerdoce. Le caractère sacerdotal de la Lettre aux Hébreux invite à ce rapprochement.

Pour la Genèse, le mariage paraît être le passage obligé de la vie humaine : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. » Dans cette ligne, le célibat consacré est le renoncement à un bien légitime pour un bien supérieur proposé par l’appel du Seigneur. Ce n’est pas faux. Mais est-ce suffisant ? Pourrait-on dire alors que le Christ ait assumé toutes les réalités humaines, Lui qui ne s’est pas associé une compagne ? Et comment comprendre le parallèle paulinien entre le lien qui unit le Christ et Son Église et le lien des époux ?

Le Christ exprime l’amour infiniment fécond de Dieu pour l’homme

Les deux vocations sont plus proches qu’il n’y paraît. Ne dit-on pas d’ailleurs que la maturité affective de toute personne, y compris les prêtres, est une « maturité de conjugalité » ?

Avant ce constat psychologique l’Église a vu dans le Christ son Époux, assumant l’alliance de Dieu avec Son peuple. L’accomplissement en Jésus de ces ‘noces mystiques’ nous dévoile la réalité de ces noces : rien de plus concret en effet que la Croix ! Le Christ exprime en Son humanité l’Amour infini qui unit la Trinité avec chaque âme. Un amour indéfectible, unique, fécond…

Cet Amour, parce qu’il est universel et non limité par le singulier, comme c’est le cas dans le mariage, est donc un amour spirituel. Spirituel ne veut pas dire virtuel, bien au contraire : c’est l’esprit qui nous fait ressembler à Dieu. Et dans le mariage, les corps exultent lorsqu’ils sont le sacrement de l’amour spirituel qui relie les deux époux. L’acte sexuel qui focalise l’union amoureuse par et dans le corps n’est achevé en vérité que lorsqu’il est traversé de cette flamme spirituelle dont il est rejaillissement.

Notons au passage que cet acte d’union physique n’est pas indispensable pour les individus. Il ne l’est que dans l’ordre du cosmos, pour la reproduction de l’espèce. C’est dire que le mariage de Marie et Joseph n’est pas une union au rabais mais une union en plénitude. Cette union est l’image des noces de Dieu avec l’humanité qui s’accompliront parfaitement en Jésus ; elle est aussi le prototype du mariage humain dont la fécondité sur le monde est avant tout une fécondité spirituelle.

Célibataire dans Sa chair, le Christ s’est uni à tous les hommes

Ces textes sur le mariage sont applicables aussi et en plénitude au célibat consacré. Une vocation particulière est nécessaire pour entrer dans cet état, afin de sauvegarder l’équilibre entre la reproduction de l’espèce (aspect charnel) et l’éducation divine du genre humain (aspect spirituel).

Mais cet appel au célibat consacré demande tout autant de quitter son père et sa mère et de ne faire qu’une seule chair avec l’humanité entière, à l’image du Christ qui s’est livré à Son Epouse pour la purifier.

La justification du célibat sacerdotal s’enracine dans le commandement universel de l’Amour que le Christ a accompli parfaitement en s’unissant à chacun de nous par Son Esprit. Il s’est livré dans Son Corps, comme dans l’union matrimoniale, pour que nous soyons fécondés de Son Amour et que cette fécondation de notre vie atteigne l’univers entier.

Célibataire dans Sa chair, le Christ s’est uni potentiellement à tous les hommes pour que ceux-ci, dans leur état de vie respectif, soient fécondés dans l’Esprit et vivent en cet Esprit, avec fécondité, l’union à Dieu. Le Ciel sera l’achèvement de cette union pour chacun et pour l’humanité atteinte par la propagation de l’Amour fécond. Le mariage terrestre disparaîtra alors, resteront seules les Noces mystiques de l’Agneau !

Consécration sacerdotale et amour conjugal se fécondent mutuellement par le chaste don de soi

Appelés au célibat sacerdotal, les prêtres respectent la Genèse et ne sont pas seuls : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. » Car, comme le Christ, ils sont « tout à tous. » C’est là le cœur de leur vie de consacrés, mystiquement mariés avec le peuple de Dieu et donc pas vraiment célibataires.

Ils sont envoyés comme témoins diffuseurs de cet Amour universel qui fécondera les hommes, par la grâce transmise et l’exemple de leur vie offerte jusqu’au bout, à commencer par ceux qui concentrent cet amour sur un conjoint singulier. Dans la mesure où les couples reçoivent du Christ par le ministère sacerdotal cette abondance de la charité, leur union sera féconde, non pas tant dans la reproduction biologique, mais dans le don fait à Dieu de nouveaux enfants, procréés et éduqués à Son image.

C’est ainsi que le prêtre réalisera la mission que Paul s’est donné d’accomplir : fiancer chacune de ses ouailles à un Époux unique !

 

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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