Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« VIENS SEIGNEUR JESUS ! »

Lectio divina pour le 1er Dimanche de l’Avent Année C

Jer. 33, 14 -16 1 Thes. 3, 12-4, 2 Lc. 21, 25-28.34-36

Avec ce premier dimanche de l’Année Liturgique, nous commençons un nouveau cycle de sanctification. Il est important de savoir en quoi cela consiste afin de le vivre activement, dimanche après dimanche, et non pas passivement comme quelque chose qui ne nous concerne pas. Cette pédagogie de l’Eglise que nous recevons année après année est toute orientée à notre sanctification pour faire des membres du Corps mystique de véritables témoins crédibles de la Révélation faite au nom du Père par Son Fils Jésus, dans la force de leur Amour commun qu’est l’Esprit.

 

« Être prêt à rendre compte de l’espérance qui est en vous »

C’est en travaillant à notre crédibilité que nous pourrons justifier de l’espérance qui est en nous et travailler ainsi à la christianisation des nations que saint Jean Paul II appelait de ses vœux et qu’il nommait : nouvelle évangélisation.

Point n’est besoin d’argent ou de technique, mais surtout et d’abord d’être crédibles, c’est à dire que la foi en Jésus vrai Dieu et vrai homme que nous proclamons chaque dimanche soit vécue au quotidien.

Pour nous aider à cet approfondissement de la vie chrétienne, nous pouvons prendre, par exemple, à partir de l’évangile de chaque dimanche, un point de réflexion ou de résolution que nous essaierons de vivre au jour le jour, durant la semaine qui suit ce dimanche. Il nous faudra ensuite faire notre examen de conscience quotidien et surtout samedi prochain sur ce point pour voir de quelle manière en vérité, (en acte et pas seulement en paroles !), nous avons réussi peu ou prou à faire nôtre ce point de vie, cette vertu, de quelle manière nous avons réussi, même si nous n’en voyons pas les résultats, à être crédibles.

« Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ! »

Parce que nous ne sommes pas crédibles. Ni vous, ni moi, ni personne. C’est vrai, nous sommes trop peu crédibles, parce que nous ne vivons pas du Christ ni donc de Sa Parole. Alors, nous remplaçons l’Évangile par les micros, les commissions, les voyages, les conciles, les synodes, les plans et programmes multiples…

Mais ce n’est pas cela qui peut faire bouger le cœur d’un homme non croyant ! C’est la véracité de notre foi, une foi vécue donc, avec et par Celui qui en est le Chef dit l’épître aux Hébreux.

C’est ainsi que l’Eglise primitive est née et s’est étendue le long des routes romaines, avec les armées romaines : parce qu’il y avait chaque jour un martyr, c’est-à-dire une confession, un témoignage, (même jusqu’au sang) de la foi proclamée. A commencer par Paul et les apôtres.

Cet esprit d’exemplarité, de recherche de sanctification pratique, se situe tout à fait dans la ligne du temps de l’Avent qui commence avec ce premier dimanche de l’année.

« Héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ… »

Dimanche dernier, avec le Christ-Roi, l’Église a proposé à notre contemplation l’accomplissement du Royaume de Dieu. Aujourd’hui, premier dimanche de la nouvelle année liturgique, (c’est-à-dire de ce nouveau cycle de sanctification enté dans les mystères de Jésus présentés à notre contemplation liturgique), l’Église nous rappelle la finalité vers laquelle nous devrions progresser année après année.

Cette finalité qu’elle propose à notre contemplation, c’est la Réalité vivante, vivifiante, et je dirais même vitale de Dieu, Réalité qu’Il nous propose de partager comme héritiers, frères de Son Fils, Premier-Né d’entre les morts.

« Es-tu celui qui doit venir ? »

Tous les textes de ce premier dimanche sont là pour nous suspendre à la finalité de notre vie humaine (je ne dis même pas chrétienne, je dis tout simplement humaine, de créature de Dieu), et nous faire désirer cette réalité que nous avons tendance à oublier dans notre vie quotidienne de travail, de peine et de souffrance.

Alors, prenons un peu de temps aujourd’hui pour contempler, désirer et finalement pour espérer et attendre cette finalité qui nous est promise à nous, cohéritiers du Christ : partager Sa vie de plénitude.

Dans cette attente, nous rejoignons l’attente messianique de l’Ancien Testament, celle qui se focalise en Marie, celle qui aboutira chez Jean. Jean le Baptiste, que nous allons contempler dimanche prochain, le plus grand des enfants des hommes dans l’Ancienne Alliance est bien celui qui envoie ses disciples demander à Jésus « Es-tu celui qui doit venir ou doit-on en attendre un autre ? »

Que ce soit l’attente du Retour ou que ce soit l’attente de la première venue, que ce soit l’attente de l’Accomplissement promis ou l’attente de l’initiative désirée, cette attente ne peut être passive.

Commémorer ou faire mémoire avec…

Commémorer Noël comme nous allons le faire dans quatre semaines, c’est « faire mémoire avec »… Pas avec les cadeaux, le chocolat, et le sapin de Noël, et même les santons… C’est faire mémoire avec Celui pour qui et de qui nous faisons mémoire, c’est-à-( )dire Jésus-Christ. Commémorer Noël, c’est faire naître Jésus en moi par l’accroissement d’une vertu. Car dès que le bien pénètre en mon âme, c’est Jésus qui est, en moi, plus présent au monde !

De même attendre l’épanouissement du Royaume de Dieu, attendre la Réalité vivante et vitale dans sa plénitude, revient à attendre un ami, attendre L’Ami, (l’Unique Ami, comme disait le Père La Colombière).

Cela nécessite de se préparer à L’accueillir. Lorsque nous attendons quelqu’un, nous nettoyons notre maison, nous nous faisons propres et beaux… Nous sommes là, prêts, disponibles, disposés à…

D’où la Collecte de ce premier dimanche : « Dispose-nous à marcher sur les routes de la justice à la rencontre du Christ » c’est-à-dire à développer notre sanctification, notre justice, notre sainteté afin de Le voir, Le rencontrer et Le recevoir lorsqu’Il viendra pour, justement, nous aider à vivre plus intensément de Lui et selon Ses Paroles.

La sainteté n’est pas la perfection mais de savoir que l’on a besoin de Jésus

A l’occasion du Christ-Roi, dimanche dernier, nous avions essayé de définir le Royaume de Dieu en précisant que sa frontière ne passe pas entre le saint et le pécheur. Cette distinction est factice. D’ailleurs tous les saints ne se disent-ils pas pécheurs ? La frontière véritable du Royaume de Dieu passe entre Pierre et Judas, entre Pierre qui a trahi et qui revient, et entre Judas qui a trahi aussi, mais qui ne revient pas…

Aussi, la sainteté, celle que nous allons essayer de désirer plus intensément semaine après semaine pour commémorer Noël et pour nous préparer à accueillir l’accomplissement du Royaume, la véritable sainteté n’est pas de se sentir sans défaut, c’est au contraire de sentir que l’on a besoin de Jésus.

La véritable sainteté, c’est l’espérance de pouvoir revenir, de pouvoir recevoir le pardon. La sainteté, c’est « l’être debout et tendu vers le ciel », comme le représentent les clochers de nos églises et les flèches de nos cathédrales.

Nous les hommes, nous déformons tout. Nous parlons de la justice qui est raide : ne disons-nous pas : raide comme la justice ?! Mais ce n’est pas cela ! Celui qui est juste, celui qui est saint, ce n’est pas celui qui est pur, c’est celui qui est tendu vers le Ciel dans cette espérance de pouvoir toujours revenir sur la route de Jésus. « Relevez la tête, redressez-vous » dit le Christ dans l’Évangile.

« Je ne suis pas venu pour juger ! »

De quelle espérance s’agit-il, concrètement ? Espérance d’être toujours plus conforme à Celui qui est à la fois mon modèle et mon moteur, le « Germe de justice ! »

Le germe du blé est celui qui va me nourrir (pensons à l’Eucharistie). Mais le germe, c’est aussi celui qui est tout petit en moi, qui me fait vivre et espérer être toujours plus identique à Lui, Germe de justice, c’est-à-dire non celui qui juge (« Je ne suis pas venu pour juger »), mais comme nous l’indique la première lecture, celui qui délivre Jérusalem, celui qui sécurise.

Si Jésus ne nous délivre pas, si Jésus ne nous sécurise pas, c’est que nous ne croyons pas en Lui ou que notre foi n’est pas tournée vers le véritable Jésus. Il y en a beaucoup parmi nous à qui Jésus fait peur, à qui la confession fait peur. Mais peut-il y avoir de la peur dans l’amour ? S’il y a une peur dans notre vie chrétienne, c’est qu’il y a un regard sur Jésus qui n’est pas encore complètement purifié. Car, redisons-le, le Germe de justice, c’est celui qui me sécurise, c’est celui qui m’aime.

Et mon espérance lorsque, comme Pierre, je reviens et que je pénètre dans le Royaume de Dieu par la porte du pardon, c’est d’être plus conforme à ce Germe. Pour être alors ce levain dans la pâte du monde, pour être celui qui aime, qui délivre ses frères, qui les sécurise dans ce monde de peur où l’on ne sait pas où l’on va parce qu’on ne sait plus de quoi l’homme est capable…

« La plénitude de la Loi, c’est l’amour… »

Paul nous dit, dans la deuxième lecture, que c’est précisément sur cet amour plus intense et plus débordant que je serai jugé. C’est cet amour qui me rendra juste devant Dieu…

Et c’est pour cette raison que Jésus dans l’évangile me met en garde contre tout ce qui pourrait refroidir et diminuer cet amour. Il nous dit : « Prenez garde à ce que votre cœur ne soit pas alourdi, attiré vers la terre par les biens de la terre, la bonne chair de la vie… »

Ce mot « alourdi » rejoint le mot employé dans l’Ancien Testament, à propos de l’endurcissement du cœur de Pharaon. De fait, nous en faisons l’expérience : dès que notre cœur est alourdi par le confort, les biens d’ici-bas, en même temps il s’endurcit vis-à-vis de Dieu et vis-à-vis du prochain qui vient à moi et qui se présente alors toujours comme une limitation de ma liberté, comme un obstacle que je rejette. D’où cette image du filet employé par Jésus. Parce que je suis captif ! Je suis captif de mon confort, je suis captif de mon égoïsme, je suis captif de moi-même, de ma richesse, de mon argent, de mon ‘toujours plus’ … Ne nous mentons pas !

Alors que nous ne devrions être captifs que d’une seule chose : de la justice divine, écrivait Saint Paul aux Romains, c’est-à-dire de la loi de l’amour, de la loi du don, de la loi d’être tourné vers l’autre. La plénitude de la loi, c’est la « dilectio », c’est la charité.

« Sous l’emprise de l’Esprit, on tend vers ce qui est spirituel… »

Alors, voilà la résolution que nous pouvons prendre pour cette semaine.

D’abord espérer. Parce que nous avons peur comme Pierre a eu peur : « Qui peut être sauvé Seigneur ? » C’est vrai, lorsque l’on voit son propre cœur, comme on se voit loin du Royaume de Dieu !

Espérer que l’on peut être libéré, pardonnez-moi ce néologisme : ‘dé-captivé’ des biens du monde. Chacun a son bien, chacun a sa cage d’or, qui l’empêche de s’envoler vers en haut, chacun a son fil à la patte. À chacun de l’analyser, de le rechercher, d’en prendre un parmi tant d’autres, parmi nos conforts spirituels, intellectuels, corporels… Et d’essayer pendant cette semaine de se ‘dé-captiver’ de ce confort pour ne devenir esclave que de l’Esprit écrit toujours Paul aux Romains. Ce n’est finalement rien d’autre que de vivre son baptême !

Pour se laisser captiver spirituellement : par Dieu présent autour de nous dans notre prochain : femme, mari, enfants et amis, collègues de travail, voisins de quartier et fidèles de nos paroisses…

Se laisser captiver, comme on l’est par un beau spectacle ou un paysage merveilleux, c’est-à-dire se tourner pendant une semaine vers lui, vers elle, vers eux…

Que leurs besoins, que son besoin, que ses besoins, priment sur les miens et deviennent mes besoins ! Que pour une fois, pendant huit jours, tournés non vers nous-mêmes, mais vers nos proches, nous puissions vivre de manière exemplaire cette liberté des enfants de Dieu qui est donnée par l’amour.

Bonne Année Liturgique !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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